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Alcantor. Je vous promets que j'en ai autant d'impatience que vous.

Sganarelle. Je viens ici pour un autre fujèt.

Alcantor. J'ai donné ordre à toutes les chofes néceffaires pour cette fête.

Sganarelle. Il n'eft pas queftion de cela.

Alcantor. Les violons font retenus, le feftin èft commandé et ma fille èft parée pour vous recevoir. Sanarelle. Ce naft pas ce qui m'améne.

Alcantor. Enfin, vous allez être fatisfait; et rien ne peut retarder votre contentement.

Sganarelle. Mon Dieu ? C'èft autre chose.

Alcantor. Allons. Entrez donc, mon gendre
Sganarelle. J'ai un petit mot à vous dire.

Alcantor. Ah, mon Dieu! Ne fefons point de cérémonie. Entrez vite, s'il vous plaît.

Sganarelle, Non, vous dis je. Je veux vous parler auparavant.

Alcantor. Vous voulez me dire quelque chofe !
Scanarelle. Qui.

Alcantor. Et quoi?

Sganarelle. Seigneur Alcantor, j'ai demandé votre fille en mariage, il èft vrai, et vous me l'avez accordée ; mais je me trouve un peu avancé en âge pour elle, et je confidère que je ne fuis point du tout fon fait.

Alcantor. Pardonnez-moi. Ma fille vous trouve bien comme vous êtes, et je fuis fûr qu'elle vivra fort con

tente avec vous,

Sganarelle. Point. J'ai par fois des bizarreries épouvantables, et elle auroit trop à fouffrir de ma mauvaise

humeur.

Alcantor. Ma fille a de la complaifance, et vous vérrez qu'elle s'accommodera entièrement à vous.

Sganarelle. J'ai quelques infirmités fur mon corps, qui. pourroient la degouter.

Alcantor. Cela n'èft rien. Unhonnête femme ne se degoute jamais de fon mari

Sganarelle. Enfin, voulez-vous que je vous dife? Je ne vous confeille point de me la donner.

Alcantor. Vous moquez vous? J'aimerois mieux mou

xir, que d'avoir manqué à ma parole.

Sganarelle. Mon Dieu! je vous en difpenfe, et je

Al

Alcantor. Point du tout. Je vous l'ai promife; et vous l'aurez, en dépit de tous ceux qui y prétendent. Sganarelle, (à part.) Que diable!

Alcantor. Voyez-vous? J'ai une eftime, et une amitié pour vous toute particulière; et je refuferois ma fille à un Prince, pour vous la donner.

Sganarelle. Seigneur Alcantor, je vous fuis obligé de l'honneur que vous me faites, mais je vous déclare que je ne veux point me marier.

Alcantor. Qui? Vous ?
Sganarelle. Oui, moi.

Alcantor. Et la raifon ?

Sganarelle. La raifon? C'èft que je ne me fens point propre pour le mariage; et que je veux imiter mon père, et tous ceux de ma race, qui ne fe font jamais voulu marier.

Alcantor. Ecoutez. Les volontés font libres; et je fuis homme à ne contraindre jamais perfonne. Vous vous étes engagé avec moi, pour époufer ma fille, et tout èft préparé pour cela: Mais, puifque vous voulez retirer votre parole, je vais voir ce qu'il y a à faire; et vous aurez bien-tôt de mes nouvelles.

SCENE XV.

SGANARELLE, feul.

Encore èft-il plus raifonnable que je ne penfois, et je croyois avoir bien plus de peine à m'en dégager. Ma foi, quand j'y fonge, j'ai fait fort fagement de me tirer de cette affaire; et j'allois faire un pas, dont je me ferois peut-être long tems repenti. Mais voici le fils qui me vient rendre réponse.

SCENE XVI.

ALCIDAS, SGANARELLE.

Alcidas, (parlant d'un ton doucereux) Monfieur, je fuis votre ferviteur très humble.

Sganarelle. Monfieur, je fuis le vôtre de tout mon

coeur.

Aicidas, (toujours avec le même ton.) Mon père m'a

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dit

dit, Monfieur, que vous vous étiez venu vous dégager de la parole que vous aviez donnée.

Sganarelle. Oui, Monfieur. C'èft avec régrèt; maisAlcidas. Oh! Monfieur, il n'y pas de mal à cela. Sganarelle. J'en fuis fàché, je vous affure; et je fou haiterois

Alcidas. Cela n'èft rien, vous dis-je. (Alcidas préfente à Sganarelle deux épées.) Monfieur, prenez la peine de choifir de ces deux épées, laquelle vous voulez. Sganarelle. De ces deux épées ? Alcidas. Oui, s'il vous plait.

Sganarelle. A quoi bon ?

Alcidas. Monfieur, comme vous refufez d'époufer ma foeur après la parole donnée, je crois que vous ne trouverez pas mauvais le petit compliment que je viens vous faire.

Sganarelle. Comment ?

Alcidas. D'autres gens feroient plus de bruit, et s'emporteroient contre vous; mais nous fommes perfonnes à traiter les chofes dans la douceur, et je viens vous dire civilement qu'il faut, fi vous le trouvez bon, que nous nous coupions la gorge enfemble.

Sganarelle. Voilà un compliment fort mal tourné.

Alcidas. Allons, Monfieur, choififfez, je vous prie. Sganarelle. Je fuis votre valet, je n'ai point de gorge à couper.(à part.) La vilaine façon de parler que voilà ! Alcidas. Monfieur, il faut que cela foit, s'il vous plaît.

Sganarelle. Hé, Monfieur, rengainez ce compliment, je vous prie.

Alcidus, Dépêchons vite, Monfieur. J'ai une petite affaire quum'attend.

Sganarelle. Je ne veux point de cela, vous dis-je.
Alcidas. Vous ne voulez pas yous battre ?

Sganarelle. Nenni, ma foi、

Alcidas. Tout de bon ?

Sganarelle. Tout de bon.

Alcidas, (après lui avoir donné des coups de bâton) Au moins, Monfieur, vous n'avez pas lieu de vous plaindre; vous voyez que je fais les chofes dans l'ordre. Vous nous manquez de parole, je me veux battre contre vous, vous refufez de vous battre, je vous donne des

coups

coups be bâton, tout cela èft dans les formes; et vous êtes trop honnête homme, pour ne pas approuver mon procédé.

Sganarelle, (à part.) Quel diable d'homme èft ceci? Alcidas, (lui préfente encore les deux épées.) Allons, Monfieur, faites les chofes galamment, et fans vous faire tirer l'oreille.

Sganarelle. Encore ?

Alcidas. Monfieur, je ne contrains perfonne; mais il faut que vous vous battiez, ou que vous époufiez ma sœur. Sganarelle. Monfieur, je ne puis faire ni l'un, ni l'autre, je vous affure.

Alcidas. Affurément?

Sganarelle. Affurément.

Alcidas. Avec votre permiffion donc.lui donne encore des coups de bâton.) Sganarelle. Ah! Ah! Ah!

-(Alcidas

Alcidas. Monfieur, j'ai tous les régrèts du monde d'être obligé d'en user ainfi avec vous; mais je ne cefferai point, s'il vous plaît, que vous n'ayez promis de vous battre ou d'époufer ma four. (I leve le bâton.)

Sganarelle. Hé bien, j'épouferai, j'épouserai.

Alcidas. Ah! Monfieur, je fuis ravi que vous vous mettiez à la raison, et que les chofes fe paffent douce. ment. Car enfin, vous êtes l'homme du monde que j'eftime le plus, je vous jure; et j'aurois été au désefpoir, que vous m'euffiez contraint à vous maltraiter. Je vais appeller mon père, pour lui dire que tout èit d'acord. (Il va frapper à la porte d'Alcantor.)

SCENE DERNIERE.

ALCANTOR, DORIMENE, ALCIDAS, SGANARELLE.

Alcidas. Mon père; voilà Monfieur qui èft tout a-fait raifonnable. Il a voulu faire les chofes de bonne grace, et vous pouvez lui donner ma fœur.

Alcantor. Monfieur, voilà fa main, vous n'avez qu'à donner la vôtre. Loué foit le Cièl! M'en voilà déchargé, et c'èit vous déformais que regarde le foin de sa conduite. Allons nous réjouir, et célébrer cet heureux mariage.

MAC

MACBETH;

CONTE MORAL, tiré de SHAKESPEARE.
SOMMAIRE.

ACBETH, Gouverneur de Glamis en Ecoffe, s'étoit diftingué dans un combat contre les Norvégiens affiftés par le Gouverneur de Cador, qui s'étoit révolté contre Duncan, fon légitime Souverain. Dans le moment qu'il revenoit du champ de bataille, accompagné de Banquo, pour rendre comte au Roi de fon fuccès, il rencontra dans des près trois forcières, qui lui prédirent, qu'il feroit Gouverneur de Cador, et enfuite Roi d'E. coffe. Elles prédirent à Banquo, qu'il y auroit des Rois de fa-race, quoique lui-même ne le fût pas.

La première prédiction s'accomplit. Duncan nomma Macbeth, Gouverneur de Cador. Voyant que les forcières avoient fi bien prédit, et de peur que la feconde prédiction ne s'accomplit pas, à l'infligation de fon é poule, femme cruelle, fanguinaire, et ambitieufe, il affaf fina Duncan pendant fon fommeil. Un crime en attire un autre. Il y avoit dans la chambre, où le Roi couchoit, deux chambellans. Le meurtrier Macbeth frotta leurs mains, et leurs vifages de fang, et pour couvrir fon meurtre, il les affaffina, et dit qu'il l'avoit fait parce qu'ils avoient affaffiné leur maître et leur Roi.

Malcolm et Donalbain, fils de Duncan, après la mort de leur père, craignant le même fort, fe réfugièrent, le premier en Angleterre, et l'autre en Irlande. Le fidèle Macduff, Gouverneur de Fife, et attaché à la famille royale, ne tarda pas à fuivre le premier: Ils furent bien accueillis par le Roi Edouard.

Après leur départ, Macbeth fut élu Roi. Pour empêcher, que la prédiction, que les forcières avoient faite. à Banquo et à fa poftérité, ne s'accomplit, il l'invita avec fon fils Fléance à fouper, et engagea des meurtriers à les affaffiner l'un et l'autre à l'entrée de la nuit, quand ils viendroient au palais. Ses ordres fanguinaires furent exécutés fur le père, mais le fils eut le bonheur d'échaper des mains des meurtriers.

Après tant de crimes et de meurtres, les remords commencèrent à bourreler l'âme du meurtrier Macbeth ; ils

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