Page images
PDF
EPUB

core soumis à toute la rigueur du régime féodal; d'autres, à e obéissance plus régulière, plus directe envers le prince. En Russie il y a donc nécessité d'une éducation plus soignée, plus mplète pour les hommes d'état; un jeune homme qui se destine à diplomatie, à Saint-Pétersbourg, doit savoir, indépendamment du nçais et de l'allemand, le grec moderne et une langue orientale. de Nesselrode a employé une bonne partie de sa vie à s'immiscer ins l'étude des langues vivantes. Les bureaux auxquels il préle sont les plus vastes, les plus multipliés, les plus minutieux : y a un bureau pour les relations avec la Perse, une division pour s rapports avec la Chine, avec les petits princes mahométans, inpendamment de la correspondance secrète avec les chefs de >pulations que la Russie veut faire révolter contre l'islamisme. Mais depuis cinq ans, le système des aides-de-camp diplomates repris toute sa force; l'empereur Nicolas aime cette organisation emi-militaire qui laisse à la Russie une attitude armée, même a négociant. M. de Nesselrode n'existe plus guère que comme onseil dans les affaires actives. Prenez toutes les questions qui se ɔnt agitées depuis la révolution de juillet : la Pologne, la Turuie, la Grèce; presque toutes sont traitées en dehors de M. de esselrode, et par la correspondance directe de l'empereur avec es envoyés de confiance. Le chancelier d'état n'est que la main qui emet les dépêches à l'empereur. La jeune école diplomatique russe considère comme un homme dont la pensée est finie; on le garde omme un souvenir honorable. Depuis deux ans surtout, la goutte ccable M. de Nesselrode; il est devenu très inactif; ses bureaux ont remplis d'agens qui prennent encore son avis par déférence, mais qui en définitive suivent la pensée de l'empereur. Sans doute y a des diplomates plus avancés dans la vie, qui conservent le us grand ascendant sur les affaires de leur pays; peut-on parler la faiblesse des ans lorsqu'on a sous les yeux le spectacle miculeux du prince de Talleyrand? A vrai dire, aujourd'hui M. de esselrode n'est qu'un vaste répertoire que l'on va consulter sur s transactions des trente dernières années; c'est à peu près ce 'était M. d'Hauterive à la fin de sa vie, dans nos bureaux des faires étrangères.

M. P.

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.

31 juillet 1836.

La disparition d'Armand Carrel des rangs de la presse est l'évènement le plus tristement remarquable de cette quinzaine : sa mort a consterné tout le monde, amis et adversaires, les partis et les masses; et le mérite de l'homme a été mis en pleine lumière par le vide qu'il a laissé. Carrel avait conquis par son originalité une place que personne ne saurait occuper après lui. Simple journaliste, il s'était créé puissance politique; il avait associé le pamphlet quotidien à l'autorité de la tribune; sans ca ractère officiel, il s'était élevé à une véritable égalité avec les hommes d'état et les gouvernans.

Cette situation était unique, et Carrel la devait à sa personnalité vigoureuse. Les choses sont toujours ce que les hommes les font : Carre! avait fait de son journal un drapeau, un camp, une force.

Il est probable que le jeune publiciste eût été un grand capitaine, si les circonstances lui eussent ouvert la lice de la guerre et de la gloire. avait l'habitude de nourrir son esprit des traditions et des leçons de l'empereur. Puisqu'il devait périr jeune, que n'a-t-il succombé pour une cause plus noble et plus digne de lui, plutôt que de trouver sa fin dans une rencontre obscure!

-Le défaut de Carrel fut l'excès du courage; il ne s'estima pas assez lui-même; il ne songea pas assez qu'il avait le droit et le devoir d'être avare d'une vie qui appartenait au pays. Le courage de l'homme politique ne doit pas ressembler à l'impétuosité militaire; l'écrivain doit plutôt avoir le sang-froid qui

Sait affronter la mort et ne la donne pas.

Dans nos mœurs, on se bat moins par vengeance que par amour-propre, que par fierté, pour donner au public la preuve qu'on ne tremble pas sous la menace de la balle et de l'épée. Qui avait moins besoin que Carrel de prouver son courage, lui si loyal, si éprouvé, si chevaleresque ?

La perte d'Armand Carrel est irréparable. il avait porté du génie dans le journalisme, dans ces luttes incessantes dont il savait, à force de verve, renouveler les détails et la monotonie; son style nerveux, délié, svelte, énergique et pur, était admiré de Chateaubriand et de Béranger, qui tenaient à honneur de le compter parmi leurs amis. Il est beau d'avoir, à

rente-six ans, mis la plume du journaliste à côté de la vieille gloire l'hommes blanchis dans les longs travaux.

Ce n'est pas ici le moment d'examiner la carrière politique de Carrel t d'apprécier le chef de parti, d'autant plus que quelque jugement que on porte sur le système qu'il avait adopté depuis quatre ans, sa juste enommée repose sur des fondemens incontestables. Le républicain de 'école américaine peut être sujet à controverse et soumis à une discusion sévère; mais le publiciste profond et patriote qui avait un amour si ntelligent de la gloire et des intérêts de la France, mais le défenseur les droits politiques, qui sont supérieurs à toutes les formes de gouverement, ne peuvent rencontrer que l'approbation universelle.

Carrel excellait dans les questions de politique étrangère; il faiait un contre-poids nécessaire à l'entrainement qui nous attire vers l'aliance de l'Angleterre ; il avait le culte de la grandeur nationale, il le ourrissait ardemment dans son ame au milieu de l'allanguissement qui ious énerve aujourd'hui. La France sentait que ses intérêts de gloire et de uissance ne seraient jamais trahis par cet homme, si de la pensée il assait un jour à l'action; et, à le lire, elle ne s'étonnait pas qu'il fût de a patrie de Corneille.

Tout a été triste dans ces derniers jours De sinistres rumeurs de comdot et d'assassinat sont venus consterner l'opinion, et le ministère n'a pas eu fortifié l'effroi public par la suppression de la revue du 29 juillet. Il st impossible de ne pas croire aux appréhensions sérieuses des minisres, à la sincérité de leurs renseignemens et de leurs craintes; et il est lifficile de prononcer un blame absolu sur la résolution qu'ils ont prise. I paraît qu'on a pensé dans le cabinet qu'il serait insensé de venir, pour insi dire, provoquer l'extravagance hideuse d'une poignée de scélérats, t de leur offrir les facilités du crime. On cite un mot qu'on attribue à 4. de Talleyrand: «qu'il fallait avoir eu l'année dernière le courage de passer la revue, et cette année celui de la supprimer. »

ce

Il faut donc consentir à laisser passer tête baissée cette maladie, holéra moral de l'assassinat; nous croyons bien que ce fléau sera aussi ourt qu'il est épouvantable, et que ses vapeurs n'infecteront pas longemps notre atmosphère. Mais il est triste que les menaces du crime puissent tenir en échec toute une société, et peut-être eût-il été plus abile d'achever de déshonorer l'assassinat sous le luxe de son courage. Au moins nous avons eu pour dédommagemens d'éclatans avantages n Afrique; le général Bugeaud a rudement malmené Abdel-Kader, il a ait de nombreux prisonniers, a tué à l'ennemi un monde considérable, t continue de pousser l'Arabe jusqu'aux confins de la régence. Voilà de otables résultats qui consolideront notre colonie et dont nous ne saurions rop nous réjouir. Certes nous sommes loin d'être les partisans politiques u général Bugeaud; nous nous rappelons ses incartades de tribune, l'inconvenance de ses attaques contre la presse; mais dès qu'il s'agit n service de la France contre l'étranger, tous les dissentimens doivent tre oubliés. Hors de France, il n'y a plus à considérer ni opposition, ni ministère; les opinions ne sont rien, les faits et les services prévalent euls. En Angleterre, les tories,les whigs, des radicaux oublient tout

dès qu'il s'agit de la gloire des trois royaumes. Cette religion de la patria doit rester intacte et sacrée au milieu des dissensions politiques. Aussi nous n'hésiterons pas à reconnaître que le général Bugeaud a déployé en Afrique une remarquable vigueur, qu'il a montré plus d'audace et d'initiative qu'on n'avait fait jusqu'alors), qu'il ne s'est pas contenté de chasser l'Arabe devant lui, mais qu'il a voulu le joindre et en finir; qu'il apprend à nos jeunes soldats à marcher, à s'aguerrir à la continuite des fatigues, et qu'il a fait preuve enfin de belles qualités militaires. Le général a compris qu'il fallait avoir Abdel-Kader mort ou vivant, et qu'une victoire éclatante était nécessaire. Il n'y a plus à s'en dédire, la France est engagée d'honneur à conquérir et à civiliser l'Afrique. Les faits parlent plus haut de jour en jour, et jamais provocation plus directe à l'action et à la gloire ne fut plus hautement adressée par la Providence à une grande nation.

Ce fut une noble pensée que celle qui, après 1830, résolut d'achever l'arc de triomphe de l'Étoile et de l'inaugurer un 29 juillet. Quelle autre journée, en effet, convenait mieux à la consécration du monument Le 29 juillet avait remis la France en possession de cette immense gloire militaire des vingt-cinq années de la révolution et de l'empire. La France saura gré au gouvernement qui a conçu cette pensée, et l'a si dignement et si rapidement réalisée. Si l'on est juste, M. Thiers n'aura pas la moindre part dans la reconnaissance publique. On sait que ce fut le ministre qui obtint des chambres les fonds nécessaires, comment il appela à so aide l'élite des artistes, avec quelle ardeur il poussa les travaux. L'inauguration de l'arc de triomphe a eu lieu le jour promis. Quoique les détailse soient d'une haute valeur, c'est surtout l'effet grandiose que produit l'e semble des sculptures, c'est surtout la richesse, la grandeur et la dignitė du monument tout entier qu'il faut admirer. On est fier d'être d'un pays qui a fait tant de nobles choses en un quart de siècle, et en sait si noblement constater le souvenir. Quelle histoire que celle qui vous est donné à lire dans le registre solennel de ces voûtes colossales! Quelles pages in périssables léguées à la postérité! Quel éloquent résumé de nos dernières guerres, que ces simples listes de capitaines illustres et de hauts fais d'armes gravées sur les murs! Pas une pierre ici qui ne dise un nom glorieux ou une victoire immortelle.

Les quatre larges trophées qui décorent les quatre façades principale sont une digne décoration du monument; par leur situation sur le premier plan, par leur énorme développement et leur valeur réelle, ce sont les morceaux de sculpture qui attirent et méritent surtout l'attention. Le sujet qu'a traité M. Cortot, c'est Napoléon au faite de la puissance et coronné des mains de la Victoire : ce n'est pas celui que nous préférons. Le Napoléon de M. Cortot ne satisfait pas; l'expression de sa figure voudrait être profondément pensive; elle n'est qu'indécise et vulgaire. Le gesie triomphant de l'empereur devait être autrement idéalisé sur cet arc de triomphe dont il est l'ame. Les deux trophées de M. Ettex, en regard l'un de l'autre, sont d'une composition savante, trop savante peut-être. Peut-être l'artiste en a-t-il trop voulu faire deux pendans; ses groupes opposés se répondent plus symétriquement qu'il ne convenait. Cette er

rême régularité tient plutôt de l'architecture que de la sculpture. Du reste, l'idée des sujets de M. Ettex était belle. Il l'a exécutée avec un ncontestable talent. D'une part, c'est la Patrie qui arrache le laboureur le ses champs et l'emmène défendre le sol envahi; de l'autre, c'est la Paix qui le ramène à sa charrue; rediit ad boves. Un peu moins de raideur et in peu plus d'élan, il y aurait là presque du Michel-Ange. Le morceau capital et supérieur est celui de M. Rhude. Voici bien 92. La frontière est menacée, mais les armées ennemies ne la passeront pas. Le peuple tout entier se lève comme un seul homme et court au combat. Le génie de la résistance guide nos soldats, planant sur eux, ses grandes ailes déployées, l'œil étincelant, magnifiquement irrité, sûr de la victoire. Ici tout est mouvement et enthousiasme; tout est au niveau du sujet. Ce chef-d'œuvre de M. Rhude est un véritable chef-d'œuvre.

Les morceaux encadrés au-dessus des trophées ou sous les voûtes sont d'un autre style. Là plus d'allégorie. Le vieil uniforme de la vieille garde impériale reparaît partout, et vous le regardez le cœur ému et bondissant. Tout l'idéal est dans la vérité même des faits représentés. Que voulez-vous de plus grand? C'est Austerlitz, c'est Aboukir, c'est le passage du pont d'Arcole, c'est Jemmapes, ou bien ce sont les funérailles de Marceau, c'est la prise d'Alexandrie. Tous ces ouvrages nous ont paru dignes du monument, et dignes aussi de MM. Gechter, Seurre aîné, Feuchère, Marochetti, Lemaire et Chaponnière, leurs auteurs.

Le bas-relief non interrompu qui court autour des quatre faces du grand entablement est dû aux ciseaux associés de MM. Brun, Laitié, Jacquot, Caillouette, Seurre aîné et Rhude. Son élévation le met tellement hors de la portée du regard, que nous n'en avons guère aperçu que l'effet; mais cet effet est magnifique. Il nous montre réalisé tout ce que nous avions rêvé des frises du Parthenon.

Il reste à poser le couronnement de l'acrotère. Quel sera ce couronnement? On n'est plus, dit-on, d'accord là-dessus. Nous regretterions, quant à nous, qu'on eût abandondé l'idée de cet aigle immense qu'on avait promis de confier au ciseau de M. Barye. Laissez à César ce qui appartient à César. Vous avez été déjà généreux et désintéressés. Vous n'avez pas imité cette faiblesse de Napoléon qui mettait son chiffre å des monumens qu'il n'avait pas batis. Vous l'avez replacé lui-même sur sa colonne. Soyez plus généreux encore; placez son aigle sur cet arc que vous avez fini, mais qu'il avait commencé, et qui est l'arc de ses triomphes. Les esprits prompts à s'alarmer se sont exagéré l'importance des derniers mouvemens carlistes en Espagne. Certes c'est un symptôme fâcheux que la persistance de cette insurrection, qui gagne chaque jour du terrain, s'étend et se propage dans des provinces qu'elle n'avait pas jusqu'à présent atteintes. Pour quiconque a étudié de près et sérieusement ce pays, il était clair que la guerre civile se prolongeant, les choses devaient inévitablement se passer ainsi. Ce n'était pas uniquement au nord que le prétendant avait des champions nombreux et décidés; il en avait bien d'autres également dévoués partout ailleurs. Mais au moins, partout ailleurs qu'en Biscaye et dans le Guipuzcoa, la force supérieure et organisée d'avance des libéraux, et leurs mesures bien prises, avaient fortement

« PreviousContinue »