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Math 358.80

HARVARD COLLEGE LIBRARY

DEGRAND FUND

Mar. 1411924

B

INTRODUCTION

ÉTUDE ANALYTIQUE SUR LES OBJETS FONDAMENTAUX DE LA SCIENCE

La science me paraît entraînée de nos jours dans des doctrines subjectives et imaginaires que l'on décore du nom de positivisme. Le positivisme est un mot nouveau, mais les doctrines qu'il cache sont vieilles comme le monde : le positiviste moderne est, comme son parrain le matérialiste ancien, un esprit exclusif qui a la prétention de ne connaître que des phénomènes et qui renferme toute la science et la vie humaine dans le cercle restreint des impressions des sens, interprétées selon sa propre fantaisie.

Aussi, comme rien n'est moins positif qu'un positiviste, comme rien n'est moins établi que sa singulière méthode, pour acquérir plus sûrement la

vérité, retournons en arrière de deux siècles et revenons à la méthode d'un homme positif. J'ai nommé DESCARTES.

« Le bons sens, dit-il, est la chose du monde la «< mieux partagée : car chacun pense en être si bien « pourvu que ceux mêmes qui sont les plus difficiles «‹ à contenter en toute autre chose n'ont pas cou«< tume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il << n'est pas vraisemblable que tous se trompent : << mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et de distinguer le vrai d'avec le faux, qui * est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou « la raison, est naturellement égale en tous les

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hommes, et qu'ainsi la diversité de nos opinions << ne vient pas de ce que les uns sont plus raison<«<nables que les autres, mais seulement de ce que <<< nous conduisons nos pensées par diverses voies et << ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est «< pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est << de l'appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien

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que

des

« plus grandes vertus : et ceux qui ne marchent que «fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que «< ceux qui courent et qui s'en éloignent. »

Descartes pose donc la raison ou le bon sens comme le juge de nos connaissances et montre qu'il faut la cultiver d'après des règles judicieuses pour acquérir la certitude. Voici comment il justifie cette dernière idée par sa propre histoire : « J'ai été nourri « aux lettres dès mon enfance, et parce qu'on me persuadait que par leur moyen on pouvait acquérir <<< une connaissance claire et assurée de tout ce qui «< est utile à la vie, j'avais un extrême désir de les

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a

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apprendre. Mais sitôt que j'eus achevé tout ce cours « d'études, au bout duquel on a coutume d'être reçu « au rang des doctes, je changeai entièrement d'opinion, car je me trouvais embarrassé de tant de «< doutes et d'erreurs, qu'il me semblait n'avoir fait << autre profit en tâchant de m'instruire, sinon que « j'avais découvert de plus en plus mon ignorance. « Et néanmoins j'étais en l'une des plus célèbres «< écoles de l'Europe, où je pensais qu'il devait y << avoir de savants hommes s'il y en avait en aucun << endroit de la terre: j'y avais appris tout ce que <«<les autres apprenaient; et même, ne m'étant pas « contenté des sciences qu'on nous enseignait, j'avais <«< parcouru tous les livres traitant de celles qu'on <«< estime les plus curieuses et les plus rares, qui << avaient pu tomber entre mes mains. Avec cela je

<< savais les jugements que les autres faisaient de moi; « et je ne voyais pas qu'on m'estimât inférieur à mes

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condisciples, bien qu'il y en eût déjà entre eux quelques-uns qu'on destinait à remplir les places « de nos maîtres. Et enfin notre siècle me semblait << aussi florissant et aussi fertile en bons esprits qu'ait « été aucun des précédents. Ce qui me faisait prendre « la liberté de juger par moi de tous les autres, et « de penser qu'il n'y avait aucune doctrine dans le « monde qui fût telle qu'on m'avait auparavant fait espérer. »

Descartes nous dit ensuite qu'il ne laissait pas toutefois d'estimer les exercices dont on s'occupe dans les écoles. Il sait que les langues qu'on y apprend sont nécessaires pour l'intelligence des livres anciens, que la gentillesse des fables recueille l'esprit, que les actions mémorables de l'histoire, lues avec discrétion, aident à former le jugement : il estime la lecture des bons livres, l'éloquence, la poésie avec ses douceurs ravissantes, les mathématiques, la philosophie qui donne le moyen de parler vraisemblablement de toutes choses et de se faire admirer des moins savants, la jurisprudence, la médecine et les autres sciences.

Mais, comme toutes les sciences empruntent leurs

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