LA PRINCESSE à Léonor. Qu'est-ce que tout ceci ? Non, je ne comprends pas D'une fête fi prompte et fi bien entendue. MORILLO. Eh bien donc, notre tante approuve mon cadeau. LEON OR. Il me paraît brillant, fort heureux et nouveau. MORILLO. La porte était gardée avec de beaux gendarmes : CONSTANCE. C'eft magnifiquement recevoir nos adieux ; MORILLO. Je le crois. Vous pourriez voyager par le monde Soyez fage, demeurez-y; Cette fête, ma foi, n'aura pas fa feconde : Vous chômerez ailleurs. Quand je vous parle ainfi, C'est votre feul bien; car pour pour moi, je vous jure Que fi vous décampez, de bon cœur je l'endure; Et quand il vous plaira, vous pourrez nous quitter. CONSTANCE. De cette offre polie il nous faut profiter ; Par cet autre côté permettez que je forte. LEONOR. On nous arrête encore à la feconde porte? CONSTANCE. Que vois-je ? quels objets! quels fpectacles charmans! LEONOR. Ma nièce, c'est ici le pays des romans. (il fort de cette feconde porte une troupe de danfeurs et de danfeufes avec des tambours de bafque et des tambourins.) (après cette entrée, Léonor fe trouve à côté de Morillo, et lui dit :) Qui font donc ces gens-ci? MORILLO au duc de Foix. C'eft à toi de leur dire Ce que je ne fais point. LE DUC DE FOIX à la princeffe de Navarre. Ce font des gens favans Qui dans le ciel tout courant favent lire, Des mages d'autrefois illuftres defcendans, A qui fut réfervé le grand art de prédire. (les aftrologues arabes, qui étaient reflés fous le portique pendant la danfe, s'avancent fur le théâtre, et tous les acteurs de la comédie fe rangent pour les écouter.) UNE DEVINERESSE chante. Nous enchaînons le temps; le Plaisir fuit nos pas; Nous portons dans les cœurs la flatteuse espérance; Nous leur donnons la jouiffance Des biens même qu'ils n'ont pas ; Charme de l'avenir, vous êtes le feul bien Nous enchaînons le temps, &c. L'aftre éclatant et doux de la fille de l'onde, Mais quand les faveurs céleftes Sur nos jours précieux allaient fe rassembler, Se plaifent à les troubler. UN ASTROLOGUE, alternativement avec le chœur. Dieux ennemis, dieux impitoyables, Soyez confondus : Dieux fecourables, Tendre Vénus, Soyez à jamais favorables. CONSTANCE. Ces aftrologues me paraiffent Plus inftruits du paffé que du fombre avenir; Dans mon ignorance ils me laiffent; Comme moi, fur mes maux ils femblent s'attendrir ; Ils forment comme moi des fouhaits inutiles, Et des efpérances ftériles, Sans rien prévoir, et fans rien prévenir. LE DUC DE FOIX. Peut-être ils prédiront ce que vous devez faire; Pour punir votre ame inhumaine Un ennemi doit toucher votre cœur. (enfuite s'avançant vers Sanchette.) Et vous, jeune beauté que l'Amour veut conduire, L'Amour doit vous inftruire Suivez fes douces lois. Votre cœur eft né tendre ; Aimez, mais en fefant un choix, Gardez de vous méprendre. SANCHETT E. i Ah! l'on s'adresse à moi; la fête était pour nous. J'attendais; j'éprouvais des tranfports fi jaloux. UN DEVIN ET UNE DEVINERESSE s'adreffant à Sanchette. En mariage Un fort heureux Eft un rare avantage; Ses plus doux feux Du mariage Formez les nœuds; Mais ils font dangereux. L'amour heureux Eft trop volage. Du mariage Craignez les nœuds, Ils font trop dangereux. SANCHETTE au duc de Foix. Bon! quels dangers feraient à craindre en mariage? Puifque nous nous aimons, nous ferons fort fidelles ; Hélas! j'en donnerais tous les jours de ma vie, Et les fêtes font ma folie; Mais je n'efpère point faire votre bonheur. SANCHETTE. Il eft déjà tout fait; vous enchantez mon cœur. (on danfe.) (les acteurs de le comédie font rangés fur les ailes: Sanchette veut danfer avec le duc de Foix qui s'en défend; Morillo prend la princeffe de Navarre, et danfe avec elle.) |