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Avant d'aller tout uniment

Parler au baron votre père
De notaire, d'engagement,
De fiançaille et de douaire.

SANCHETTE.

Ah! je vous entends bien; mais moi, que dois-je faire ?

Rien.

HERNAND.

SANCHETT E.

Comment, rien du tout?

HERNAND.

Le goût, la dignité

Confiftent dans la gravité,

Dans l'art d'écouter tout finement fans rien dire,
D'approuver d'un regard, d'un gefte, d'un fourire.
Le feu dont mon maître foupire,

Sous des noms empruntés, devant vous paraîtra ;
Et l'adorable Sanchette,
Toujours tendre, toujours difcrette,

En filence triomphera.

SANCHETTE.

Je comprends fort peu tout cela;

Mais je vous avoûrai que je fuis enchantée
De voir de beaux français, et d'en être fêtée.

SCENE V I.

SANCHETTE et HERNAND font fur le devant, LA PRINCESSE DE NAVARRE arrive par un des côtés du fond fur le théâtre, entre DON MORILLO et LE DUC DE FOIX; Suite.

LEONOR à Morillo.

Oui, Monfieur, nous allons partir.

LE DUC DE FOIX à part. Amour, daigne éloigner un départ qui me tue.

SANCHETTE à Hernand.

On ne commence point. Je ne puis me tenir;
Quand aurai-je une fête aux yeux de l'inconnue ?
Je la verrai jaloufe, et c'eft un grand plaifir.
CONSTANCE voulant passer par une porte, elle s'ouvre
et paraît remplie de guerriers.

Que vois-je, ô Ciel fuis-je trahie?
Ce paffage eft rempli de guerriers menaçans!
Quoi ! don Pèdre en ces lieux étend fa tyrannie?

LEONO R.

La frayeur trouble tous mes fens.

(les guerriers entrent fur la scène, précédés de trompelles, et tous les acteurs de la comédie fe rangent d'un côté du théâtre.)

UN GUERRIER chantant.

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Jeune beauté, ceffez de vous plaindre,

Banniffez vos terreurs,

C'est vous qu'il faut craindre:
Banniffez vos terreurs,

C'est vous qu'il faut craindre,
Régnez fur nos cœurs.

LE CHOEUR répète. Jeune beauté, ceffez de vous plaindre, &c. (marche de guerriers danfans.)

UN GUERRIER.

Lorsque Vénus vient embellir la terre,
C'eft dans nos champs qu'elle établit fa cour.
Le terrible dieu de la guerre,

Défarmé dans fes bras, fourit au tendre Amour.
Toujours la beauté difpofe

Des invincibles guerriers;

Et le charmant Amour eft fur un lit de rofe
A l'ombre des lauriers.

LE CHOEUR.

Jeune beauté, ceffez de vous plaindre, &c.

UN

(on danfe.)

GUERRIER.

Si quelque tyran vous opprime,

Il va tomber la victime

De l'amour et de la valeur ;

Il va tomber fous le glaive vengeur.

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Tout doit s'armer;

L'amour, la vengeance

Doit nous animer.

LE CHOEUR répète.

A votre préfence

Tout doit s'enflammer, &c.
(on danfe.)

CONSTANCE à Léonor.

Je l'avoûrai, ce divertiffement

Me plaît, m'alarme davantage ;
On dirait qu'ils ont fu l'objet de mon voyage.
Ciel! avec mon état quel rapport étonnant!

LEONO R.

Bon, c'eft pure galanterie,

C'eft un air de chevalerie,

Que prend le vieux baron pour faire l'important. (la princeffe veut s'en aller, le chœur l'arrête en chantant)

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Demeurez, préfidez à nos fêtes ;

Que nos cœurs foient ici vos conquêtes.

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Tout l'univers doit vous rendre

L'hommage qu'on rend aux dieux ;
Mais en quels lieux
Pouvez-vous attendre

Un hommage plus tendre,
Plus digne de vos yeux ?

LE

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Et

que nos cœurs foient vos conquêtes. (les acteurs du divertissement rentrent par le même portique.) (pendant que Conftance parle à Léonor, don Morillo,

qui

eft devant elles, leur fait des mines ; et Sanchette qui eft alors auprès du duc de Foix, le tire à part fur le devant du théâtre.)

SANCHETTE au duc de Foix.

Ecoutez donc, mon cher amant ;

L'aubade qu'on me donne eft étrangement faitè :
Je n'ai pas pu danfer. Pourquoi cette trompette?
Qu'eft-ce qu'un Mars, Vénus, des tyrans, des combats,
Et pas un
feul mot de Sanchette ?

A cette dame-ci tout s'adreffe en ces lieux :
Cette préférence me touche.

LE DUC DE FOIX.

Croyez-moi, taifons-nous; l'Amour refpectueux Doit avoir quelquefois fon bandeau fur la bouche, Bien plus encor que fur les yeux.

SANCHET TE.

Quel bandeau, quels refpects! ils font bien ennuyeux!
MORILLO, s'avançant vers la princesse.

Eh bien, que dites-vous de notre férénade?
La tante eft-elle un peu contente de l'aubade ?

LEONOR.

Et la tante et la nièce y trouvent mille appas.
Théâtre. Tome IX.

* H

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