Non, je ne puis, Brutus, ni vous laisser parler, Brutus, mon cher Brutus, Ah! ne me cachez rien. BRUTU S. Je me porte affez mal; c'est-là tout mon fecret: PORCI A. Brutus eft homme fage, et s'il fe portait mal, BRUT US. Auffi fais-je ; ma femme, allez vous mettre au lit. PORCI A. Quoi, vous êtes malade, et pour vous reftaurer, Je tombe à vos genoux. Si jadis ma beauté A moi qui vis pour vous, à moi qui fuis vous-même. BRUT US. Hélas! Porcia, levez-vous. PORCI A. Si vous étiez encor le bon, l'humain Brutus, BRUTU S. Ah! vous êtes ma femme. Femme tendre, honorable, et plus chère à mon cœur Que les gouttes de fang dont il est animé. PORCI A. S'il eft ainsi, pourquoi me cacher vos fecrets? (n) Il y a dans l'original, whore, putain. (0) Corneille dit la même chofe dans Pompée. Cefar parle ainfi à Cornélie : Certes, vos fentimens font affez reconnaître Qui vous donna la main, et qui vous donna l'être ; Confiez-vous à moi, foyez sûr du fecret. J'ai déjà fur moi-même effayé ma conftance; J'ai percé d'un poignard ma cuiffe en cet endroit ; BRUTU s. Dieux,qu'entends-je?grands dieux, rendez-moi digne d'elle. SCENE I V. BRUTUS, LUCIUS, LIGARIUS. QUI VE LUCIUS, courant à la porte. UI va là ? répondez. LUCIUS, en entrant et adreffant la parole à Brutus: Un homme languiffant, Un malade qui vient pour vous dire deux mots. BRUTU S. C'eft ce Ligarius dont Cimber m'a parlé. (à Lucius.) Garçon, retire-toi. Eh bien, Ligarius? LIGARIUS. C'eft d'une faible voix que je te dis bonjour. Et l'on juge aifément, au cœur que vous portez, Où vous êtes entrée, et de qui vous fortez, &c. Il eft vrai qu'un vers fuffifait, que cette noble penfée perd de fon prix, en étant répétée, retournée; mais il eft beau que Shakespeare et Corneille aient eu la même idée. BRUTU S. Tu portes une écharpe! hélas, quel contre-temps! Que ta fanté n'eft-elle égale à ton courage! LIGARIUS. Si le cœur de Brutus a formé des projets Qui foient dignes de nous, je ne suis plus malade. BRUTUS. J'ai formé des projets dignes d'être écoutés, LIGARI U S. Je fens, par tous les dieux vengeurs de ma patrie, Ordonne, et mes efforts combattront l'impoffible; BRUTUS. Un exploit qui pourra guérir tous les malades. LIGARIUS. Je crois que des gens fains pourront s'en trouver mal. BRUTU S. Je le crois bien auffi. Viens, je te dirai tout. (P) L'exorcifte dans la bouche des Romains eft fingulier. Toute cette pièce pourrait être chargée de pareilles notes; mais il faut laiffer faire les réflexions au lecteur. LIGARIUS. Je te fuis; ce feul mot vient d'enflammer mon cœur. (ils s'en vont.) SCENE V. Le théâtre reprefente le palais de CESAR. La foudre gronde; les éclairs étincellent. CESAR. La terre avec le ciel eft cette nuit en guerre; LE DOMESTIQUE. Milord. CESA. R. Va-t-en dire à nos prêtres De faire un facrifice, et tu viendras foudain M'avertir du fuccès. LE DOMESTIQUE. Je n'y manquerai pas. CALPHUR NIE. Où voulez-vous aller ? vous ne fortire point, CESAR. Non, non, je fortirai; tout ce qui me menace |