trouvent dans le Céfar anglais. La traduction qu'on donne ici de ce Céfar, eft la plus fidelle qu'on ait jamais faite en notre langue d'un poëte ancien, ou étranger. On trouve, à la vérité, dans l'original, quelques mots qui ne peuvent fe rendre littéralement en français, de même que nous en avons que les Anglais ne peuvent traduire; mais ils font en très-petit nombre. Je n'ai qu'un mot à ajouter ; c'est que les vers blancs ne coûtent que la peine de les dicter. Cela n'eft pas plus difficile à faire qu'une lettre. Si on s'avife de faire des tragédies en vers blancs, et de les jouer fur notre théâtre, la tragédie eft perdue. Dès que vous ôtez la difficulté, vous ôtez le mérite. TRAGEDIE. ACTE PREMIER. SCENE PREMIERE. (a) HORS FLAVIU S. ORS d'ici; à la maifon; retournez chez vous, fainéans; eft-ce aujourd'hui jour de fête ? ne savezvous pas, vous qui êtes des ouvriers, que vous ne devez pas vous promener dans les rues un jour ouvrable, fans les marques de votre profeffion (b)? Parle, toi, quel est ton métier ? L'HOMME DU PEUPLE. Eh mais, Monfieur, je fuis charpentier. MARULLUS. Où eft ton tablier de cuir ? où eft ta règle ? pourquoi portes-tu ton bel habit? (en s'adressant à un autre.) Et toi, de quel métier es-tu ? (a) Il y a trente-huit acteurs dans cette pièce, fans compter les affiftans. Les trois premiers actes fe paffent à Rome. Le quatrième et le cinquième fe paffent à Modène et en Gréce. La première fcène repréfente des rues de Rome. Une foule de peuple eft fur le théâtre. Deux tribuns, Marullus et Flavius leur parlent. Cette première fcène eft en profe. (b) C'était alors la coutume en Angleterre. L'HOMME DU PEUPLE. En vérité... pour ce qui regarde les bons ouvriers.... je fuis.... comme qui dirait, un favetier. ́ MARULLUS. Mais, dis-moi, quel eft ton métier, te dis-je ? réponds pofitivement. L'HOMME DU PEUPLE. Mon métier, Monfieur ? mais j'espère que je peux l'exercer en bonne confcience. Mon métier eft, Monfieur, raccommodeur d'ames. (c) MARULLUS. Quel métier, faquin? quel métier, te dis-je, vilain falope ? L'HOMME DU PEUPLE. Eh, Monfieur, ne vous mettez pas hors de vous ; je pourrais vous raccommoder. FLAVIUS. Qu'appelles-tu, me raccommoder? que veux-tu dire par là ? L'HOMME DU PEUPLE. Eh mais, vous reflemeler. FLAVIU S. Ah, tu es donc en effet favetier ? l'es-tu ? parle. (c) Il prononce ici le mot de femelle comme on prononce celui d'ame en anglais. Il faut favoir que Shakespeare avait eu peu d'éducation qu'il avait le malheur d'étre réduit à être comédien, qu'il fallait plaire au peuple, que le peuple plus riche en Angleterre qu'ailleurs fréquente les fpectacles, et que Shakespeare le fervait felon fon goût. Il est vrai, Monfieur, je vis de mon alène ; je ne me mêle point des affaires des autres marchands, ni de celles des femmes ; je fuis un chirurgien de vieux fouliers; lorfqu'ils font en grand danger, je les rétablis. FLAVI U S. Mais pourquoi n'es-tu pas dans ta boutique ? pourquoi es-tu avec tant de monde dans les rues ? LE SAVETI E R. Eh, Monfieur, c'eft pour user leurs fouliers, afin que j'aie plus d'ouvrage. Mais la vérité, Monfieur, eft que nous nous fefons une fête de voir paffer Céfar, et que nous nous réjouiffons de fon triomphe. MARULLUS. (il parle en vers blancs.) Pourquoi vous réjouir ? quelles font fes conquêtes? Quels rois par lui vaincus, enchaînés à fon char, Apportent des tributs aux fouverains du monde ? Idiots, infenfés, cervelles fans raison, Cœurs durs, fans fouvenir, et fans amour de Rome, Quelle fête, grands Dieux! vous affemble aujourd'hui? Quoi! vous couvrez de fleurs le chemin d'un coupable, Du vainqueur de Pompée, encor teint de fon fang! FLAVI U S. Allez, chers compagnons; allez, compatriotes; (le peuple s'en va.) Tu les vois, Marullus, à peine repentans : Mais ils n'ofent parler, ils ont fenti leurs crimes. MARULLUS. Mais quoi! le pouvons-nous le jour des lupercales? FLAVIUS. Oui, te dis-je, abattons ces images funeftes. (d) Si le commencement de la scène eft pour la populace, ce morceau et pour la cour, pour les hommes d'Etat, pour les connaiffeurs. |