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L'étrangère enlevée au milieu des gens-d'armes,
Et le brave Alamir tout brillant fous les armes,
Qui la reprend foudain, et fait tomber à bas,
Tout alentour, de lui, nez, mentons, jambes, bras,
Et la belle étrangère en larmes,

Des chevaux renverfés, et des maîtres deffous,
Et des valets deffus, des jambes fracaffées,

Des vainqueurs, des fuyards, des cris, du fang, des coups,
Des lances à la fois, et des têtes caffées,

Et la tante, et ma femme, et ma fille, avec moi, C'eft horrible à penfer, je fuis tout mort d'effroi.

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Ah, quelle étrange iffue!

Quel maudit Alamir! quel enragé, quel fou!
S'attaquer à fon maître, et hasarder fon cou!
Et le mien, qui pis eft! Ah, le maudit efclandre!
Qu'allons-nous devenir? Le plus grand châtiment
Sera le digne fruit de cet emportement ;

Et moi bien fot auffi de vouloir entreprendre
De retenir chez moi cette fière beauté ;

Voilà ce qu'il m'en a coûté.

Affemblons nos parens, allons chez votre mère,
Et tâchons d'affoupir cette effroyable affaire.

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Ah, Guillot! prends bien foin de ce jeune officier; Il a tort, en effet, mais il eft bien aimable,

II eft fi brave!

SCENE V I.

GUILLOT feul.

AH, oui, c'eft un homme admirable!

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On ne peut mieux fe battre, on ne peut mieux payer:
Que j'aime les héros quand ils font de l'espèce
De cet amoureux chevalier !

J'ai vu ça tout d'un coup. La dame a fa tendresse.

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J'aime à voir un jeune guerrier

Bien payer fes amis, bien fervir fa maîtreffe ;

C'eft comme il faut me plaire.

SCENE VII.

CONSTANCE, LEONOR, GUILLOT.

CONSTANCE.

Ou me réfugier?

Hélas! qu'eft devenu ce guerrier intrépide,

Dont l'ame généreuse et la valeur rapide

Etalent tant d'exploits avec tant de vertu ?

Comme il me défendait ! comme il a combattu!
L'aurais-tu vu? réponds.

GUILLOT.

J'ai vu, je n'ai rien vu;

Je ne vois rien encore. Une fémblable fête

Trouble terriblement les

yeux.

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Aurait-il fuccombé? Que ne puis-je à mon tour

Défendre ce héros et lui fauver le jour!

LEONO R.

Hélas, plus que jamais, le danger eft extrême;
Le nombre était trop grand.

GUILLO T.

Contre un ils étaient dix.

LEONOR.

Peut-être qu'on vous cherche, et qu'Alamir eft pris.

GUILLO T.,

Qui? lui! vous vous moquez; il aurait pris lui-même Tous les alcades d'un pays.

Allez, croyez fans vous méprendre,

Qu'il fera mort cent fois avant que de fe rendre.

Il ferait mort ?

CONSTANCE.

LEONOR.

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Il le mérite bien; votre ame eft attendrie
Mais fur quoi jugez-vous qu'il ait perdu la vie?

CO NSTANCE.

S'il vivait, Léonor, il ferait près de moi.
De l'honneur qui le guide il connaît trop la loi.
Sa main, pour me fervir par le ciel réfervée,
M'abandonnerait-elle après m'avoir fauvée ?
Non; je crois qu'en tout temps il ferait mon appui.
Puifqu'il ne paraît pas, je dois trembler pour lui.

LEONOR.

Tremblez auffi pour vous, car tout vous eft contraire, En vain par-tout vous favez plaire,

Par-tout on vous poursuit, on menace vos jours;
Chacun craint ici pour fa tête.

Le maître du château, qui vous donne une fête
N'ofe vous donner du fecours;

Alamir feul vous fert, le refte vous opprime.

CONSTANCE.

Que devient Alamir, et quel fera fon fort?

LEONOR.

Songez au vôtre, hélas ! quel transport vous anime!

Théâtre. Tome IX.

* K

CONSTANCE.

Léonor, ce n'eft point un aveugle tranfport,
C'est un fentiment légitime.

Ce qu'il a fait pour moi....

SCENE VIII.

CONSTANCE, LEONOR, LE DUC DE FOIX.

LE DUC DE FOI X.

J

'AI fait ce que j'ai dû.

J'exécutais votre ordre, et vous avez vaincu.

CONSTANCE.

Vous n'êtes point blessé ?

LE DUC DE FOIX.

Le ciel, le ciel propice,

De votre caufe en tout feconda la justice.

Puiffe un jour cette main, par de plus heureux coups,

De tous vos ennemis vous faire un facrifice!
Mais un de vos regards doit les défarmer tous.

CONSTANCE.

Hélas! du fort encor je reffens le courroux ;
De vous récompenfer il m'ôte la puiffance.
Je ne puis qu'admirer cet excès de vaillance.

LE DUC D'E FOIX.

Non, c'est moi qui vous dois de la reconnaissance. Vos yeux me regardaient; je combattais pour vous: Quelle plus belle récompenfe!

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