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<<< naires de la Chine prient les astronomes de l'Europe << d'examiner s'il n'y eut point d'éclipse en ce mois et « en cette année, et si naturellement il pouvait y en << avoir; parceque, cette circonstance étant bien véri« fiée, on en pourrait tirer de grands avantages pour << la conversion des Chinois. >>

Pourquoi prier les mathématiciens de l'Europe de faire ce calcul, comme si les jésuites Adam Shâl et Verbiest, qui avaient réformé le calendrier de la Chine et calculé les éclipses, les équinoxes et les solstices, n'avaient pas été en état de le faire eux-mêmes? D'ailleurs l'éclipse dont parle Greslon étant arrivée contre le cours de la nature, comment la calculer? Bien plus, de l'aveu du jésuite Couplet, les Chinois ont inséré dans leurs fastes un grand nombre de fausses éclipses; et le Chinois Yam-Quemsiam, dans sa Réponse à l'Apologie pour la religion chrétienne, publiée par les jésuites à la Chine, dit positivement que cette prétendue éclipse n'est marquée dans aucune histoire chinoise.

Que penser après cela du jésuite Tachard, qui, dans l'épître dédicatoire de son premier Voyage de Siam, dit que la sagesse suprême fit connaître autrefois aux rois et aux peuples d'Orient Jésus-Christ naissant et mourant, par une nouvelle étoile et par une éclipse extraordinaire? Ignorait-il ce mot de saint Jérôme, sur un sujet à peu près semblable: Cette opinion, qui est assez propre à flatter les oreilles du peuple, n'en est pas plus véritable pour cela?

Mais ce qui aurait dû épargner toutes ces discusa Sur saint Matthieu, ch. xxvII.

sions, c'est que Tertullien, dont nous avons déjà parlé, dit que le jour manqua tout d'un coup pendant que le soleil était au milieu de sa carrière; que les païens crurent que c'était une éclipse, ne sachant pas que cela avait été prédit par Amos, en ces termes": Le soleil se couchera à midi, et la lumière se cachera sur la terre au milieu du jour. Ceux, ajoute Tertullien, qui ont recherché la cause de cet événement, et qui ne l'ont pu découvrir, l'ont nié; mais le fait est certain, et vous le trouverez marqué dans vos archives. Origène, au contraire, dit qu'il n'est pas étonnant

que

d

les auteurs étrangers n'aient rien dit des ténèbres dont parlent les évangélistes, puisqu'elles ne parurent qu'aux environs de Jérusalem; la Judée, selon lui, étant désignée sous le nom de toute la terre en plus d'un endroit de l'Écriture. Il avoue d'ailleurs que le passage de l'Évangile de Luc où l'on lisait de son temps que toute la terre fut couverte de ténèbres à cause de l'éclipse du soleil, avait été ainsi falsifié par quelque chrétien ignorant qui avait cru donner par là du jour au texte de l'évangéliste, ou par quelque ennemi malintentionné qui avait voulu faire naître un prétexte de calomnier l'Église, comme si les évangélistes avaient marqué une éclipse dans un temps où il était notoire qu'elle ne pouvait arriver. Il est vrai, ajoute-t-il, que Phlégon dit qu'il y en eut une sous Tibère; mais comme il ne dit pas qu'elle soit arrivée dans la pleine lune, il n'y a rien en cela de merveilleux.

a Apologétique, ch. xx1.- b Ch. vIII, v. 9. ch. XXVII.— - d Ch. xxu, v. 45.

Sur saint Matthieu,

Ces ténèbres, continue Origène, étaient de la nature de celles qui couvrirent l'Égypte au temps de Moïse, lesquelles ne se firent point sentir dans le canton où demeuraient les Israélites. Celles d'Égypte durèrent trois jours, et celles de Jérusalem ne durèrent que trois heures ; les premières étaient la figure des secondes; et de même que Moïse, pour les attirer sur l'Égypte, éleva les mains au ciel et invoqua le Seigneur, ainsi Jésus-Christ, pour couvrir de ténèbres Jérusalem, étendit ses mains sur la croix contre un peuple ingrat qui avait crié, Crucifiez-le, crucifiez-le.

C'est bien ici le cas de s'écrier aussi comme Plutarque: Les ténèbres de la superstition sont plus dangereuses que celles des éclipses.

ÉCONOMIE1.

Ce mot ne signifie dans l'acception ordinaire que la manière d'administrer son bien; elle est commune à un père de famille et à un surintendant des finances d'un royaume. Les différentes sortes de gouvernement, les tracasseries de famille et de cour, les guerres injustes et mal conduites, l'épée de Thémis mise dans les mains des bourreaux pour faire périr l'innocent, les discordes intestines, sont des objets étrangers à l'économie.

Il ne s'agit pas ici des déclamations de ces politiques qui gouvernent un état du fond de leur cabinet des brochures.

par

I

Questions sur l'Encyclopédie, cinquième partie, 1771. B.

ÉCONOMIE DOMESTIQUE.

La première économie, celle par qui subsistent toutes les autres, est celle de la campagne. C'est elle qui fournit les trois seules choses dont les hommes ont un vrai besoin, le vivre, le vêtir, et le couvert; il n'y en a pas une quatrième, à moins que ce ne soit le chauffage dans les pays froids. Toutes les trois bien entendues donnent la santé, sans laquelle il n'y a rien.

On appelle quelquefois le séjour de la campagne la vie patriarcale; mais, dans nos climats, cette vie patriarcale serait impraticable, et nous ferait mourir de froid, de faim, et de misère.

Abraham va de la Chaldée au pays de Sichem; de là il faut qu'il fasse un long voyage par des déserts arides jusqu'à Memphis pour aller acheter du blé. J'écarte toujours respectueusement, comme je le dois, tout ce qui est divin dans l'histoire d'Abraham et de ses enfants; je ne considère ici que son économie rurale.

Je ne lui vois pas une seule maison : il quitte la plus fertile contrée de l'univers et des villes où il y avait des maisons commodes, pour aller errer dans des pays dont il ne pouvait entendre la langue.

Il va de Sodome dans le désert de Gérare, sans avoir le moindre établissement. Lorsqu'il renvoie Agar et l'enfant qu'il a eu d'elle, c'est encore dans un désert; et il ne leur donne pour tout viatique qu'un morceau de pain et une cruche d'eau. Lorsqu'il va sacrifier son fils au Seigneur, c'est encore dans un désert. Il va

couper le bois lui-même pour brûler la victime, et le charge sur le dos de son fils qu'il doit immoler.

Sa femme meurt dans un lieu nommé Arbé ou Hébron: il n'a pas seulement six pieds de terre à lui pour l'ensevelir; il est obligé d'acheter une caverne pour y mettre sa femme; c'est le seul morceau de terre qu'il ait jamais possédé.

Cependant il eut beaucoup d'enfants; car, sans compter Isaac et sa postérité, il eut de son autre femme Céthura, à l'âge de cent quarante ans, selon le calcul ordinaire, cinq enfants mâles qui s'en allèrent vers l'Arabie.

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Il n'est point dit qu'Isaac eût un seul quartier de terre dans le pays où mourut son père; au contraire, il s'en va dans le désert de Gérare avec sa femme Rebecca, chez ce même Abimélech, roi de Gérare, qui avait été amoureux de sa mère.

Ce roi du désert devient aussi amoureux de sa femme Rebecca, que son mari fait passer pour sa sœur, comme Abraham avait donné sa femme Sara pour sa sœur à ce même roi Abimélech, quarante ans auparavant. Il est un peu étonnant que dans cette famille on fasse toujours passer sa femme pour sa sœur, afin d'y gagner quelque chose; mais puisque ces faits sont consacrés, c'est à nous de garder un silence respectueux.

L'Écriture dit qu'il s'enrichissait dans cette terre horrible, devenue fertile pour lui, et qu'il devint extrêmement puissant; mais il est dit aussi qu'il n'avait de l'eau à boire, qu'il eut une grande querelle avec

pas

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