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jamais été dans aucune archive. Robert s'intitula, la grace de Dieu et de saint Pierre; mais certainement saint Pierre ne lui avait rien donné, et n'était point roi de Rome.

Les autres papes, qui n'étaient pas plus rois que saint Pierre, reçurent sans difficulté l'hommage de tous les princes qui se présentèrent pour régner à Naples, surtout quand ces princes furent les plus forts.

DONATION DE L'ANGLETERRE ET DE L'IRLANDE AUX PAPES, PAR LE ROI JEAN.

En 1213, le roi Jean, vulgairement nommé Jeansans-Terre, et plus justement sans vertu, étant excommunié, et voyant son royaume mis en interdit, le donna au pape Innocent III et à ses successeurs. << Non contraint par aucune crainte, mais de mon plein gré et de l'avis de mes barons, pour la rémis<«<sion de mes péchés contre Dieu et l'Église, je rési« gne l'Angleterre et l'Irlande à Dieu, à saint Pierre, « à saint Paul, et à monseigneur le pape Innocent, et « à ses successeurs dans la chaire apostolique. >>

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Il se déclara feudataire, lieutenant du pape; paya d'abord huit mille livres sterling comptant au légat Pandolphe; promit d'en payer mille tous les ans; donna la première année d'avance au légat, qui la foula aux pieds; et jura entre ses genoux qu'il se soumettait à tout perdre faute de payer à l'échéance.

Le plaisant de cette cérémonie fut que le légat s'en alla avec son argent, et oublia de lever l'excommunication.

EXAMEN DE LA VASSALITÉ DE NAPLES ET DE L'ANGLETERRE.

On demande laquelle vaut le mieux de la donation de Robert Guiscard, ou de celle de Jean-sans-Terre : tous deux avaient été excommuniés; tous deux donnaient leurs états à saint Pierre, et n'en étaient plus que les fermiers. Si les barons anglais s'indignèrent du marché infame de leur roi avec le pape, et le cassèrent, les barons napolitains ont pu casser celui du duc Robert; et s'ils l'ont pu autrefois, ils le peuvent aujourd'hui.

De deux choses l'une, ou l'Angleterre et la Pouille étaient données au pape selon la loi de l'Église, ou selon la loi des fiefs; ou comme à un évêque, ou comme à un souverain. Comme à un évêque, c'était précisément contre la loi de Jésus-Christ, qui défendit si souvent à ses disciples de rien prendre, et qui leur déclara que son royaume n'est point de ce monde 1.

Si comme à un souverain, c'était un crime de lèsemajesté impériale. Les Normands avaient déjà fait hommage à l'empereur. Ainsi nul droit, ni spirituel ni temporel, n'appartenait aux papes dans cette affaire. Quand le princípe est si vicieux, tous les effets le sont. Naples n'appartient donc pas plus au pape que l'Angleterre.

Il y a encore une autre façon de se pourvoir contre cet ancien marché; c'est le droit des gens, plus fort que le droit des fiefs. Ce droit des gens ne veut pas

1 Saint Jean, XVIII, 36. B.

qu'un souverain appartienne à un autre souverain; et la loi la plus ancienne est qu'on soit le maître chez soi, à moins qu'on ne soit le plus faible.

DES DONATIONS FAITES PAR LES PAPES.

Si on a donné des principautés aux évêques de Rome, ils en ont donné bien davantage. Il n'y a pas un seul trône en Europe dont ils n'aient fait présent. Dès qu'un prince avait conquis un pays, ou même voulait le conquérir, les papes le lui accordaient au nom de saint Pierre. Quelquefois même ils firent les avances, et l'on peut dire qu'ils ont donné tous les royaumes, excepté celui des cieux.

Peu de gens en France savent que Jules II donna les états du roi Louis XII à l'empereur Maximilien, qui ne put s'en mettre en possession; et l'on ne se souvient pas assez que Sixte-Quint, Grégoire XIV, et Clément VIII, furent près de faire une libéralité de la France à quiconque Philippe II aurait choisi pour le mari de sa fille Claire-Eugénie.

Quant aux empereurs, il n'y en a pas un depuis Charlemagne que la cour de Rome n'ait prétendu avoir nommé. C'est pourquoi Swift, dans son Conte du Tonneau, dit que milord Pierre devint tout-à-fait fou, et que Martin et Jean, ses frères, voulurent le faire enfermer par avis de parents. Nous ne rappor tons cette témérité que comme un blasphème plaisant d'un prêtre anglais contre l'évêque de Rome.

Toutes ces donations disparaissent devant celles des Indes orientales et occidentales, dont Alexandre VI

investit l'Espagne et le Portugal de sa pleine puissance et autorité divine: c'était donner presque toute la terre. Il pouvait donner de même les globes de Jupiter et de Saturne avec leurs satellites.

DONATIONS ENTRE PARTICULIERS.

Les donations des citoyens se traitent tout différemment. Les codes des nations sont convenus d'abord unanimement que personne ne peut donner le bien d'autrui, de même que personne ne peut le prendre. C'est la loi des particuliers.

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En France la jurisprudence fut incertaine sur cet objet, comme sur presque tous les autres, jusqu'à l'année 1731, où l'équitable chancelier d'Aguesseau ayant conçu le dessein de rendre enfin la loi uniforme, ébaucha très faiblement ce grand ouvrage par l'édit sur les donations. Il est rédigé en quarante-sept articles. Mais en voulant rendre uniformes toutes les formalités concernant les donations, on excepta la Flandre de la loi générale; et en exceptant la Flandre on oublia l'Artois, qui devrait jouir de la même exception; de sorte que six ans après la loi générale, on fut obligé d'en faire pour l'Artois une particulière.

On fit surtout ces nouveaux édits concernant les donations et les testaments, pour écarter tous les commentateurs qui embrouillent les lois; et on en a déjà fait dix commentaires.

Ce qu'on peut remarquer sur les donations, c'est qu'elles s'étendent beaucoup plus loin qu'aux particuliers à qui on fait un présent. Il faut payer pour

chaque présent aux fermiers du domaine royal, droit de contrôle, droit d'insinuation, droit de centième denier, droit de deux sous pour livre, droit de huit sous pour livre.

De sorte que toutes les fois que vous donnez à un citoyen, vous êtes bien plus libéral que vous ne pensez; vous avez le plaisir de contribuer à enrichir les fermiers généraux: mais cet argent ne sort point du royaume, comme celui qu'on paie à la cour de Rome.

DORMANTS (LES SEPT)'.

La fable imagina qu'un Épiménide avait dormi d'un somme pendant vingt-sept ans, et qu'à son réveil il fut tout étonné de trouver ses petits-enfants mariés qui lui demandaient son nom, ses amis morts, sa ville et les mœurs des habitants changés. C'était un beau champ à la critique, et un plaisant sujet de comédie. La légende a emprunté tous les traits de la fable, et les a grossis.

L'auteur de la Légende dorée ne fut pas le premier qui, au treizième siècle, au lieu d'un dormeur nous en donna sept, et en fit bravement sept martyrs. Il avait pris cette édifiante histoire chez Grégoire de Tours, écrivain véridique, qui l'avait prise chez Sigebert, qui l'avait prise chez Métaphraste, qui l'avait prise chez Nicéphore. C'est ainsi que la vérité arrive aux hommes de main en main.

Le révérend P. Pierre Ribadeneira, de la compa

1 Questions sur l'Encyclopédie, quatrième partie, 1771. B.

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