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DONDINDAG.

D'être puissant et bon.

LOGOMACOS.

Mais, est-il corporel ou spirituel?

DONDINDAC.

Comment voulez-vous que je le sache?

LOGOMA COS.

Quoi! tu ne sais pas ce que c'est qu'un esprit?

DONDINDAC.

Pas le moindre mot: à quoi cela me servirait-il? en serais-je plus juste? serais-je meilleur mari, meilleur père, meilleur maître, meilleur citoyen?

LOGOMACOS.

Il faut absolument t'apprendre ce que c'est qu'un esprit; c'est, c'est, c'est..... Je te dirai cela une autre fois.

DONDINDAC.

J'ai bien peur que vous ne me disiez moins ce qu'il est que ce qu'il n'est pas. Permettez-moi de vous faire à mon tour une question. J'ai vu autrefois un de vos temples: pourquoi peignez-vous Dieu avec une grande barbe?

LOGOMA COS.

C'est une question très difficile, et qui demande des instructions préliminaires.

DONDINDAC.

Avant de recevoir vos instructions, il faut que je vous conte ce qui m'est arrivé un jour. Je venais de faire bâtir un cabinet au bout de mon jardin ; j'entendis une taupe qui raisonnait avec un hanneton: Voilà une belle fabrique, disait la taupe; il faut que ce soit

une taupe bien puissante qui ait fait cet ouvrage. Vous vous moquez, dit le hanneton; c'est un hanneton tout plein de génie qui est l'architecte de ce bâtiment. Depuis ce temps-là j'ai résolu de ne jamais disputer.

DIOCLÉTIEN1.

Après plusieurs règnes faibles ou tyranniques, l'empire romain eut un bon empereur dans Probus, et les légions le massacrèrent. Elles élurent Carus, qui fut tué d'un coup de tonnerre vers le Tigre, lorsqu'il fesait la guerre aux Perses. Son fils Numérien fut proclamé par les soldats. Les historiens nous disent sérieusement qu'à force de pleurer la mort de - son père, il en perdit presque la vue, et qu'il fut obligé, en fesant la guerre, de demeurer toujours entre quatre rideaux. Son beau-père, nommé Aper, le tua dans son lit pour se mettre sur le trône: mais un druide avait prédit dans les Gaules à Dioclétien, l'un des généraux de l'armée, qu'il serait immédiatement empereur après avoir tué un sanglier; or, un sanglier se nomme en latin aper. Dioclétien assembla l'armée, tua de sa main Aper en présence des soldats, et accomplit ainsi la prédiction du druide. Les historiens qui rapportent cet oracle, méritaient de se nourrir du fruit de l'arbre que les druides révéraient. Il est certain que Dioclétien tua le beau-père de son empereur; ce fut là son premier droit au trône: le

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Ce morceau, imprimé en 1 756 dans la Suite des Mélanges (4o partie), y était placé entre les deux morceaux qui forment les première et seconde sections de l'article CONSTANTIN. B.

second, c'est que Numérien avait un frère nommé Carin, qui était aussi empereur, et qui, s'étant opposé à l'élévation de Dioclétien, fut tué par un des tribuns de son armée. Voilà les droits de Dioclétien à l'empire. Depuis long-temps il n'y en avait guère d'autres.

Il était originaire de Dalmatie, de la petite ville de Dioclée, dont il avait pris le nom. S'il est vrai que son père ait été laboureur, et que lui-même dans sa jeunesse ait été esclave d'un sénateur nommé Anulinus, c'est là son plus bel éloge: il ne pouvait devoir son élévation qu'à lui-même: il est bien clair qu'il s'était concilié l'estime de son armée, puisqu'on oublia sa naissance pour lui donner le diadême. Lactance, auteur chrétien, mais un peu partial, prétend que Dioclétien était le plus grand poltron de l'empire. Il n'y a guère d'apparence que des soldats romains aient choisi un poltron pour les gouverner, et que ce poltron eût passé par tous les degrés de la milice. Le zèle de Lactance contre un empereur païen est très louable, mais il n'est pas adroit.

Dioclétien contint en maître, pendant vingt années, ces fières légions qui défesaient leurs empereurs avec autant de facilité qu'elles les fesaient : c'est encore une preuve, malgré Lactance, qu'il fut aussi grand prince que brave soldat. L'empire reprit bientôt sous lui sa première splendeur. Les Gaulois, les Africains, les Égyptiens, les Anglais, soulevés en divers temps, furent tous remis sous l'obéissance de l'empire; les Perses mêmes furent vaincus. Tant de succès au-dehors, une administration encore plus heureuse au-de

dans; des lois aussi humaines que sages, qu'on voit encore dans le Code Justinien; Rome, Milan, Autun, Nicomédie, Carthage, embellies par sa munificence; tout lui concilia le respect et l'amour de l'Orient et de l'Occident, au point que deux cent quarante ans après sa mort on comptait encore et on datait de la première année de son règne, comme on comptait auparavant depuis la fondation de Rome. C'est ce qu'on appelle l'ère de Dioclétien; on l'a appelée aussi l'ère des martyrs: mais c'est se tromper évidemment de dix-huit années; car il est certain qu'il ne persécuta aucun chrétien pendant dix-huit ans. Il en était si éloigné, que la première chose qu'il fit étant empereur, ce fut de donner une compagnie de gardes prétoriennes à un chrétien nommé Sébastien, qui est au catalogue des saints.

Il ne craignit point de se donner un collègue à l'empire dans la personne d'un soldat de fortune comme lui; c'était Maximien Hercule, son ami. La conformité de leurs fortunes avait fait leur amitié. Maximien Hercule était aussi né de parents obscurs et pauvres, et s'était élevé, comme Dioclétien, de grade en grade par son courage. On n'a pas manqué de reprocher à ce Maximien d'avoir pris le surnom d'Hercule, et à Dioclétien d'avoir accepté celui de Jovien. On ne daigne pas s'apercevoir que nous avons tous les jours des gens d'église qui s'appellent Hercule, et des bourgeois qui s'appellent César et Auguste.

Dioclétien créa encore deux césars; le premier fut un autre Maximien, surnommé Galerius, qui avait commencé par être gardeur de troupeaux. Il semblait

que Dioclétien, le plus fier et le plus fastueux des hommes, lui qui le premier introduisit de se faire baiser les pieds, mît sa grandeur à placer sur le trône des césars, des hommes nés dans la condition la plus abjecte: un esclave et deux paysans étaient à la tête de l'empire, et jamais il ne fut plus florissant.

Le second césar qu'il créa était d'une naissance distinguée; c'était Constance Chlore, petit-neveu par sa mère de l'empereur Claude II. L'empire fut gouverné par ces quatre princes. Cette association pouvait produire par année quatre guerres civiles; mais Dioclétien sut tellement être le maître de ses associés, qu'il les obligea toujours à le respecter, et même à vivre unis entre eux. Ces princes, avec le nom de césars, n'étaient au fond que ses premiers sujets on voit qu'il les traitait en maître absolu; car lorsque le césar Galerius ayant été vaincu par les Perses vint en Mésopotamie lui rendre compte de sa défaite, il le laissa marcher l'espace d'un mille auprès de son char, et ne le reçut en grace que quand il eut réparé sa faute et son malheur.

Galère les répara en effet l'année d'après, en 297, d'une manière bien signalée. Il battit le roi de Perse en personne. Ces rois de Perse ne s'étaient pas corrigés depuis la bataille d'Arbelles, de mener dans leurs armées leurs femmes, leurs filles, et leurs eunuques. Galère prit, comme Alexandre, la femme et toute la famille du roi de Perse, et les traita avec le même respect. La paix fut aussi glorieuse que la victoire : les vaincus cédèrent cinq provinces aux Romains, des sables de Palmyrène jusqu'à l'Arménie.

DICTIONN. PHILOS. III.

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