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C'est ainsi que nous avons raisonné et agi pendant quinze ou seize cents ans; et nous avons osé nous moquer des Cafres 1! c'est une exclamation qui peut souvent échapper 2.

pas

En 1603, dans une petite ville de la FrancheComté, une femme de qualité fesait lire les Vies des saints à sa belle-fille devant ses parents; cette jeune personne un peu trop instruite, mais ne sachant pas l'orthographe, substitua le mot d'histoires à celui de vies. Sa marâtre, qui la haïssait, lui dit aigrement: Pourquoi ne lisez-vous pas comme il y a? La petite fille rougit, trembla, n'osa répondre; elle ne voulut déceler celle de ses compagnes qui lui avait appris le mot propre mal orthographié, qu'elle avait eu la pudeur de ne pas prononcer. Un moine, confesseur de la maison, prétendit que c'était le diable qui lui avait enseigné ce mot. La fille aima mieux se taire que se justifier son silence fut regardé comme un aveu. L'inquisition la convainquit d'avoir fait un pacte avec le diable. Elle fut condamnée à être brùlée, parcequ'elle avait beaucoup de bien de sa mère, et que la confiscation appartenait de droit aux inquisiteurs elle fut la cent millième victime de la doctrine des démoniaques, des possédés, des exorcismes, et des véritables diables qui ont régné sur la terre.

:

Voyez à la fin de l'article CONVULSIONS. B.

2 Fin de l'article en 1771; l'addition est de 1774. B.

DENYS (SAINT) L'ARÉOPAGITE,

Et la fameuse éclipse 1.

L'auteur de l'article APOCRYPHE a négligé une centaine d'ouvrages reconnus pour tels, et qui, étant entièrement oubliés, semblaient ne pas mériter d'entrer dans sa liste. Nous avons cru devoir ne pas omettre saint Denys, surnommé l'Areopagite, qu'on a prétendu long-temps avoir été disciple de saint Paul et d'un Hiérothée, compagnon de saint Paul, qu'on n'a jamais connu. Il fut, dit-on, sacré évêque d'Athènes par saint Paul lui-même. Il est dit dans sa Vie qu'il alla rendre une visite dans Jérusalem à la sainte Vierge, et qu'il la trouva si belle et si majestueuse, qu'il fut tenté de l'adorer.

Après avoir long-temps gouverné l'Église d'Athènes, il alla conférer avec saint Jean l'Évangéliste à Éphèse, ensuite à Rome avec le pape Clément; de là il alla exercer son apostolat en France; « et sachant, dit <«<l'histoire, que Paris était une ville riche, peuplée, << abondante, et comme la capitale des autres, il vint y planter une citadelle pour battre l'enfer et l'infidélité

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<<<< en ruine. »

On le regarda très long-temps comme le premier évêque de Paris. Harduinus, l'un de ses historiens, ajoute qu'à Paris on l'exposa aux bêtes; mais qu'ayant fait le signe de la croix sur elles, les bêtes se prosternèrent à ses pieds. Les païens parisiens le jetèrent alors dans un four chaud; il en sortit frais et en par

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* Questions sur l'Encyclopédie, quatrième partie, 1771. B.

faite santé. On le crucifia; quand il fut crucifié, il se mit à prêcher du haut de la potence.

On le ramena en prison avec Rustique et Éleuthère, ses compagnons. Il y dit la messe; saint Rustique servit de diacre, et Éleuthère de sous-diacre. Enfin, on les mena tous trois à Montmartre, et on leur trancha la tête, après quoi ils ne dirent plus de messe.

Mais, selon Harduinus, il arriva un bien plus grand miracle; le corps de saint Denys se leva debout, prit sa tête entre ses mains; les anges l'accompagnaient en chantant Gloria tibi, Domine, alleluia. Il porta sa tête jusqu'à l'endroit où on lui bâtit une église, qui est la fameuse église de Saint-Denys.

Métaphraste, Harduinus, Hincmar, évêque de Reims, disent qu'il fut martyrisé à l'âge de quatrevingt-onze ans ; mais le cardinal Baronius prouve qu'il en avait cent dix", en quoi il est suivi par Ribadeneira, savant auteur de la Fleur des saints. C'est sur quoi nous ne prenons point de parti.

On lui attribue dix-sept ouvrages, dont malheureusement nous avons perdu six. Les onze qui nous restent ont été traduits du grec par Jean Scot, Hugues de Saint-Victor, Albert dit le Grand, et plusieurs autres savants illustres.

Il est vrai que depuis que la saine critique s'est introduite dans le monde, on est convenu que tous les livres qu'on attribue à Denys furent écrits par un imposteur l'an 362 de notre ère, et il ne reste plus sur cela de difficultés.

a Baronius, tome II, page 37.

Voy ez Cave. C'est-à-dire son Script. ecclesiast. hist. litt. à l'année 362. B.

DE LA GRANDE ÉCLIPSE OBSERVÉE PAR DENYS.

Ce qui a surtout excité une grande querelle entre les savants, c'est ce que rapporte un des auteurs inconnus de la Vie de saint Denys. On a prétendu que ce premier évêque de Paris étant en Égypte dans la ville de Diospolis, ou No-Ammon, à l'âge de vingtcinq ans, et n'étant pas encore chrétien, il y fut témoin, avec un de ses amis, de la fameuse éclipse du soleil arrivée dans la pleine lune à la mort de JésusChrist, et qu'il s'écria en grec: Ou Dieu pâtit, ou il s'afflige avec le patient.

Ces paroles ont été diversement rapportées par divers auteurs; mais dès le temps d'Eusèbe de Césarée, on prétendait que deux historiens, l'un nommé Phlégon et l'autre Thallus, avaient fait mention de cette éclipse miraculeuse. Eusèbe de Césarée cite Phlégon; mais nous n'avons plus ses ouvrages. Il disait, à ce qu'on prétend, que cette éclipse arriva la quatrième année de la deux centième olympiade, qui serait la dix-huitième année de Tibère. Il y a sur cette anecdote plusieurs leçons, et on peut se défier de toutes, d'autant plus qu'il reste à savoir si on comptait encore par olympiades du temps de Phlégon; ce qui est fort douteux.

Ce calcul important intéressa tous les astronomes; Hodgson, Whiston, Gale Maurice 1, et le fameux Halley, ont démontré qu'il n'y avait point eu d'éclipse de

1 C'est d'après l'édition en douze volumes in-8° qu'au lieu de Gale, Maurice, j'écris Gale Maurice, sans toutefois garantir l'orthographe du nom de ce personnage, qui fut, à ce qu'on croit, un des calculateurs employés par Halley. B.

soleil cette année; mais que dans la première année de la deux cent deuxième olympiade, le 24 novembre, il en arriva une qui obscurcit le soleil pendant deux minutes à une heure et un quart à Jérusalem.

On a encore été plus loin; un jésuite nommé Greslon prétendit que les Chinois avaient conservé dans leurs annales la mémoire d'une éclipse arrivée à peu près dans ce temps-là, contre l'ordre de la nature. On pria les mathématiciens d'Europe d'en faire le calcul. Il était assez plaisant de prier des astronomes de calculer une éclipse qui n'était pas naturelle. Enfin, il fut avéré que les annales de la Chine ne parlent en aucune manière de cette éclipse 1.

Il résulte de l'histoire de saint Denys l'Areopagite, et du passage de Phlégon, et de la lettre du jésuite Greslon, que les hommes aiment fort à en imposer. Mais cette prodigieuse multitude de mensonges, loin de faire du tort à la religion chrétienne, ne sert au contraire qu'à en prouver la divinité, puisqu'elle s'est affermie de jour en jour malgré eux.

DÉNOMBREMENT 2.

SECTION PREMIÈRE.

Les plus anciens dénombrements que l'histoire nous ait laissés sont ceux des Israélites. Ceux-là sont indubitables, puisqu'ils sont tirés des livres juifs.

Voyez l'article ÉCLIPSE.

> Les deux sections qui forment cet article sont, sauf une phrase, dans les Questions sur l'Encyclopédie, 4o partie, 1771. B.

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