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M. Hut a la justice de ne point insister sur l'adultère avec Bethsabée et sur le meurtre d'Urie, puisque ce crime fut pardonné à David lorsqu'il se repentit. Le crime est horrible, abominable; mais enfin le Seigneur transféra son péché, l'auteur anglais le transfère aussi.

Personne ne murmura en Angleterre contre l'auteur; son livre fut réimprimé avec l'approbation publique : la voix de l'équité se fait entendre tôt ou tard chez les hommes. Ce qui paraissait téméraire il y a quatre-vingts ans, ne paraît aujourd'hui que simple et raisonnable, pourvu qu'on se tienne dans les bornes d'une critique sage, et du respect qu'on doit aux livres divins.

D'ailleurs il n'en va pas en Angleterre aujourd'hui comme autrefois. Ce n'est plus le temps où un verset d'un livre hébreu, mal traduit d'un jargon barbare en un jargon plus barbare encore, mettait en feu trois royaumes. Le parlement prend peu d'intérêt à un roitelet d'un petit canton de la Syrie.

Rendons justice à dom Calmet; il n'a point passé les bornes dans son Dictionnaire de la Bible, à l'article David. « Nous ne prétendons pas, dit-il, approuver la <«< conduite de David; il est croyable qu'il ne tomba << dans ces excès de cruauté qu'avant qu'il eût reconnu <«<le crime qu'il avait commis avec Bethsabée. » Nous ajouterons que probablement il les reconnut tous, car ils sont assez nombreux.

Fesons ici une question qui nous paraît très importante. Ne s'est-on pas souvent mépris sur l'article David? s'agit-il de sa personne, de sa gloire, du respect

dû aux livres canoniques? Ce qui intéresse le genre humain, n'est-ce pas que l'on ne consacre jamais le crime? Qu'importe le nom de celui qui égorgeait les femmes et les enfants de ses alliés, qui fesait pendre les petits-fils de son roi, qui fesait scier en deux, brûler dans des fours, déchirer sous des herses des citoyens malheureux? Ce sont ces actions que nous jugeons, et non les lettres qui composent le nom du coupable; le nom n'augmente ni ne diminue le crime.

Plus on révère David comme réconcilié avec Dieu par son repentir, et plus on condamne les cruautés dont il s'est rendu coupable.

Si un jeune paysan, en cherchant des ânesses, trouve un royaume, cela n'arrive pas communément; si un autre paysan guérit son roi d'un accès de folie, en jouant de la harpe, ce cas est encore très rare : mais que ce petit joueur de harpe devienne roi parcequ'il a rencontré dans un coin un prêtre de village qui lui jette une bouteille d'huile d'olive sur la tête, la chose est encore plus merveilleuse.

Quand et par qui ces merveilles furent-elles écrites? je n'en sais rien; mais je suis bien sûr que ce n'est ni par un Polybe, ni par un Tacite.

Je ne parlerai pas ici de l'assassinat d'Urie, et de l'adultère de Bethsabée; ils sont assez connus: et les voies de Dieu sont si différentes des voies des hommes, qu'il a permis que Jésus-Christ descendît de cette Bethsabée, tout étant purifié par ce saint mystère.

Je ne demande pas maintenant comment Jurieu a eu l'insolence de persécuter le sage Bayle, pour n'avoir pas approuvé toutes les actions du bon roi Da

vid; mais je demande comment on a souffert qu'un homme tel que Jurieu molestât un homme tel que Bayle.

DÉCRÉTALES.

Lettres des papes qui règlent les points de doctrine ou de discipline, et qui ont force de loi dans l'Église latine.

Outre les véritables, recueillies par Denys-le-Petit, il y en a une collection de fausses, dont l'auteur est inconnu, de même que l'époque. Ce fut un archevêque de Mayence, nommé Riculphe, qui la répandit en France, vers la fin du huitième siècle; il avait aussi apporté à Vorms une épître du pape Grégoire, de laquelle on n'avait point entendu parler auparavant ; mais il n'en est resté aucun vestige, tandis que les fausses décrétales ont eu, comme nous l'allons voir, le plus grand succès pendant huit siècles.

Ce recueil porte le nom d'Isidore Mercator, et renferme un nombre infini de décrétales faussement attribuées aux papes depuis Clément Ier jusqu'à Sirice; la fausse donation de Constantin; le concile de Rome sous Silvestre; la lettre d'Athanase à Marc; celle d'Anastase aux évêques de Germanie et de Bourgogne; celle de Sixte III aux Orientaux; celle de Léon Ier touchant les priviléges, des chorévêques; celle de Jean I à l'archevêque Zacharie; une de Boniface II à Eulalie d'Alexandrie; une de Jean III aux évêques de France et de Bourgogne; une de Grégoire, contenant un privilége du monastère de Saint-Médard; une du même à Félix, évêque de Messine; et plusieurs

autres.

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L'objet de l'auteur a été d'étendre l'autorité du pape et des évêques. Dans cette vue, il établit que les évêques ne peuvent être jugés définitivement que par le pape seul; et il répète souvent cette maxime, que non seulement tout évêque, mais tout prêtre, et en général toute personne opprimée, peut en tout état de cause appeler directement au pape. Il pose encore comme un principe incontestable qu'on ne peut tenir aucun concile, même provincial, sans la permission du pape.

Ces décrétales favorisant l'impunité des évêques, et plus encore les prétentions ambitieuses des papes, les uns et les autres les adoptèrent avec empressement. En 861, Rotade, évêque de Soissons, ayant été privé de la communion épiscopale dans un concile provincial pour cause de désobéissance, appelle au pape. Hincmar de Reims, son métropolitain, nonobstant cet appel, le fit déposer dans un autre concile, sous prétexte que depuis il y avait renoncé, et s'était soumis au jugement des évêques.

Le pape Nicolas I, instruit de l'affaire, écrivit à Hincmar, et blâma sa conduite. Vous deviez, dit-il, honorer la mémoire de saint Pierre, et attendre notre jugement, quand même Rotade n'eût point appelé. Et dans une autre lettre sur la même affaire, il menace Hincmar de l'excommunier s'il ne rétablit pas Rotade. Ce pape fit plus. Rotade étant venu à Rome, il le déclara absous dans un concile tenu la veille de Noël en 864, et le renvoya à son siége avec des lettres. Celle qu'il adresse à tous les évêques des Gaules est digne de remarque; la voici.

« Ce que vous dites est absurde, que Rotade, après avoir appelé au saint-siége, ait changé de langage pour se soumettre de nouveau à votre jugement. Quand il l'aurait fait, vous deviez le redresser, et lui apprendre qu'on n'appelle point d'un juge supérieur à un inférieur. Mais, encore qu'il n'eût pas appelé au saint-siége, vous n'avez dû en aucune manière déposer un évêque sans notre participation, au préjudice de tant de décrétales de nos prédécesseurs; car si c'est par leur jugement que les écrits des autres docteurs sont approuvés ou rejetés, combien plus doit-on respecter ce qu'ils ont écrit eux-mêmes pour décider sur la doctrine ou la discipline! Quelques uns vous disent que ces décrétales ne sont point dans le code des canons; cependant quand ils les trouvent favorables à leurs intentions, ils s'en servent sans distinction, et ne les rejettent que pour diminuer la puissance du saint-siége; que s'il faut rejeter les décrétales des anciens papes parcequ'elles ne sont pas dans le code des canons, il faut donc rejeter les écrits de saint Grégoire et des autres Pères, et même les saintes Écritures.

« Vous dites, continue le pape, que les jugements des évêques ne sont pas des causes majeures; nous soutenons qu'elles sont d'autant plus grandes, que les évêques tiennent un plus grand rang dans l'Église. Direz-vous qu'il n'y a que les affaires des métropolitains qui soient des causes majeures? Mais ils ne sont pas d'un autre ordre que les évêques, et nous n'exigeons pas des témoins ou des juges d'autre qualité pour les uns et pour les autres; c'est pourquoi nous voulons que les causes des uns et des autres nous soient réservées.

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