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dans quelques unes de nos villes le saint prépuce en procession; on le garde encore dans quelques sacristies, sans que cette facétie ait causé le moindre trouble dans les familles. Je puis encore assurer qu'aucun concile, aucun arrêt de parlement n'a jamais ordonné qu'on fêterait le saint prépuce.

la

J'appelle loi contre les mœurs une loi publique, qui me prive de mon bien, qui m'ôte ma femme pour donner à un autre; et je dis que la chose est impossible.

Quelques voyageurs prétendent qu'en Laponie des maris sont venus leur offrir leurs femmes par politesse; c'est une plus grande politesse à moi de les croire. Mais je leur soutiens qu'ils n'ont jamais trouvé cette loi dans le code de la Laponie, de même que vous ne trouverez ni dans les constitutions de l'Allemagne, ni dans les ordonnances des rois de France, ni dans les registres du parlement d'Angleterre, aucune loi positive qui adjuge le droit de cuissage aux barons.

Des lois absurdes, ridicules, barbares, vous en trouverez partout; des lois contre les mœurs, nulle part.

CUL'.

On répétera ici ce qu'on a déjà dit ailleurs, et ce qu'il faut répéter toujours, jusqu'au temps où les

1 Questions sur l'Encyclopédie, quatrième partie; 1771. B.

2 Voyez la requête de Jérôme Carré A messieurs les Parisiens, en tête de la comédie de l'Écossaise; et le Prologue et le Premier post-script du poëme de la Guerre de Genève ; et ci-après l'article Langues, section 1: voyez

Français se seront corrigés; c'est qu'il est indigne d'une langue aussi polie et aussi universelle que la leur, d'employer si souvent un mot déshonnête et ridicule, pour signifier des choses communes qu'on pourrait exprimer autrement sans le moindre embarras.

Pourquoi nommer cul-d'ane et cul-de-cheval des orties de mer? pourquoi donc donner le nom de culblanc à l'œnante, et de cul-rouge à l'épeiche? Cette épeiche est une espèce de pivert, et l'onante une espèce de moineau cendré. Il y a un oiseau qu'on nomme fétu-en-cul ou paille-en-cul; on avait cent manières de le désigner d'une expression beaucoup plus précise. N'est-il pas impertinent d'appeler cul-devaisseau le fond de la poupe?

Plusieurs auteurs nomment encore à-cul un petit mouillage, un ancrage, une grève, un sable, une anse, où les barques se mettent à l'abri des corsaires. Il y a un petit à-cul à Palo comme à Sainte-Marinthée.

On se sert continuellement du mot cul-de-lampe pour exprimer un fleuron, un petit cartouche, un pendentif, un encorbellement, une base de pyramide, un placard, une vignette.

Un graveur se sera imaginé que cet ornement ressemble à la base d'une lampe; il l'aura nommé cul-delampe pour avoir plus tôt fait; et les acheteurs auront

aussi dans les Mélanges, année 1764, le Discours aux Welches, et son Supplément; et dans la Correspondance, la lettre à d'Olivet du 20 auguste 1761. B.

a Voyage d'Italie.

DICTIONN. PHILOS. III.

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répété ce mot après lui. C'est ainsi que les langues se forment. Ce sont les artisans qui ont nommé leurs ouvrages et leurs instruments.

Certainement il n'y avait nulle nécessité de donner le nom de cul-de-four aux voûtes sphériques, d'autant plus que ces voûtes n'ont rien de celle d'un four qui est toujours surbaissée.

Le fond d'un artichaut est formé et creusé en ligne courbe, et le nom de cul ne lui convient en aucune manière. Les chevaux ont quelquefois une tache verdâtre dans les yeux, on l'appelle cul-de-verre. Une autre maladie des chevaux, qui est une espèce d'érysipèle, est appelée le cul-de-poule. Le haut d'un chapeau est un cul-de-chapeau. Il y a des boutons à compartiments qu'on appelle boutons à cul-de-de.

Comment a-t-on pu donner le nom de cul-de-sac à l'angiportus des Romains? Les Italiens ont pris le nom d'angiporto pour signifier strada senza uscita. On lui donnait autrefois chez nous le nom d'impasse, qui est expressif et sonore. C'est une grossièreté énorme que le mot de cul-de-sac ait prévalu.

Le terme de culage a été aboli. Pourquoi tous ceux que nous venons d'indiquer ne le sont-ils pas? Ce terme infame de culage signifiait le droit que s'étaient donné plusieurs seigneurs, dans les temps de la tyrannie féodale, d'avoir à leur choix les prémices de tous les mariages dans l'étendue de leurs terres. On substitua ensuite le mot de cuissage à celui de culage. Le temps seul peut corriger toutes les façons vicieuses de parler.

Il est triste qu'en fait de langue, comme en d'autres

usages plus importants, ce soit la populace qui dirige les premiers d'une nation.

CURÉ DE CAMPAGNE'.

SECTION PREMIÈRE.

Un curé, que dis-je, un curé? un iman même, un talapoin, un brame, doit avoir honnêtement de quoi vivre. Le prêtre en tout pays doit être nourri de l'autel, puisqu'il sert la république. Qu'un fanatique fripon ne s'avise pas de dire ici que je mets au niveau un curé et un brame, que j'associe la vérité avec l'imposture. Je ne compare que les services rendus à la société; je ne compare que la peine et le salaire.

Je dis que quiconque exerce une fonction pénible, doit être bien payé de ses concitoyens; je ne dis pas qu'il doive regorger de richesses, souper comme Lucullus, être insolent comme Clodius. Je plains le sort d'un curé de campagne obligé de disputer une gerbe de blé à son malheureux paroissien, de plaider contre lui, d'exiger la dîme des lentilles et des pois, d'être haï et de haïr, de consumer sa misérable vie dans des querelles continuelles, qui avilissent l'ame autant qu'elles l'aigrissent.

Je plains encore davantage le curé à portion congrue, à qui des moines, nommés gros décimateurs, osent donner un salaire de quarante ducats, pour aller faire, pendant toute l'année, à deux ou trois milles de sa maison, le jour, la nuit, au soleil, à la pluie, dans les neiges, au milieu des glaces, les fonc

* Questions sur l'Encyclopédie, quatrième partie, 1771. B.

tions les plus désagréables, et souvent les plus inutiles. Cependant l'abbé, gros décimateur, boit son vin de Volnay, de Beaune, de Chambertin, de Silleri, mange ses perdrix et ses faisans, dort sur le duvet avec sa voisine, et fait bâtir un palais. La disproportion est trop grande.

On imagina, du temps de Charlemagne, que le clergé, outre ses terres, devait posséder la dîme des terres d'autrui; et cette dîme est au moins le quart en comptant les frais de culture. Pour assurer ce paiement, on stipula qu'il était de droit divin. Et comment était-il de droit divin? Dieu était-il descendu sur la terre pour donner le quart de mon bien à l'abbé du Mont-Cassin, à l'abbé de Saint-Denys, à l'abbé de Fulde? non pas que je sache; mais on trouva qu'autrefois dans le désert d'Étam, d'Horeb, de Cadès-Barné, on avait donné aux lévites quarante-huit villes, et la dîme de tout ce que la terre produisait.

Eh bien! gros décimateur, allez à Cadès-Barné; habitez les quarante-huit villes qui sont dans ce désert inhabitable; prenez la dîme des cailloux que la terre y produit, et grand bien vous fasse.

Mais Abraham ayant combattu pour Sodome, donna la dîme à Melchisédech, prêtre et roi de Salem. Eh bien! combattez pour Sodome; mais que Melchisedech ne me prenne pas le blé que j'ai semé.

Dans un pays chrétien de douze cent mille lieues carrées, dans tout le Nord, dans la moitié de 'Allemagne, dans la Hollande, dans la Suisse, on paie le clergé de l'argent du trésor public. Les tribunaux n'y

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