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périale, dans laquelle le pape Innocent IV excommunia l'empereur Frédéric II, et par conséquent le déposa, et lui interdit le feu et l'eau: c'est dans ce concile qu'on donna aux cardinaux un chapeau rouge, pour les faire souvenir qu'il faut se baigner dans le sang des partisans de l'empereur. Ce concile fut la cause de la destruction de la maison de Souabe, et de trente ans d'anarchie dans l'Italie et dans l'Alle

magne.

Concile général à Vienne en Dauphiné, en 1311, où l'on abolit l'ordre des Templiers, dont les principaux membres avaient été condamnés aux plus horribles supplices, sur les accusations les moins prou

vées.

En 1414, le grand concile de Constance, où l'on se contenta de démettre le pape Jean XXIII, convaincu de mille crimes, et où l'on brûla Jean Hus et Jérôme de Prague, pour avoir été opiniâtres, attendu que l'opiniâtreté est un bien plus grand crime que le meurtre, le rapt, la simonie, et la sodomie.

En 1431, le grand concile de Basle, non reconnu à Rome, parcequ'on y déposa le pape Eugène IV, qui ne se laissa point déposer.

Les Romains comptent pour concile général le cinquième concile de Latran, en 1512, convoqué contre Louis XII, roi de France, par le pape Jules II; mais ce pape guerrier étant mort, ce concile s'en alla en fumée.

Enfin, nous avons le grand concile de Trente, qui n'est pas reçu en France pour la discipline; mais le dogme en est incontestable, puisque le Saint-Esprit

arrivait de Rome à Trente, toutes les semaines, dans la malle du courrier, à ce que dit Fra-Paolo Sarpi; mais Fra-Paolo Sarpi sentait un peu l'hérésie 1.

CONFESSION 2.

Le repentir de ses fautes peut seul tenir lieu d'innocence. Pour paraître s'en repentir, il faut commencer par les avouer. La confession est donc presque aussi ancienne que la société civile.

On se confessait dans tous les mystères d'Égypte, de Grèce, de Samothrace. Il est dit dans la Vie de MarcAurèle, que lorsqu'il daigna s'associer aux mystères d'Éleusine, il se confessa à l'hiérophante, quoiqu'il

1 Dans l'édition de 1767 du Dictionnaire philosophique, cet article était sigué: Par M. Abausit le cadet. B.

2 Cet article parut pour la première fois dans une édition de 1765 du Dictionnaire philosophique. Il commençait alors ainsi :

«C'est encore un problème si la confession, à ne la considérer qu'en po«litique, a fait plus de bien que de mal.

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On se confessait dans les mystères d'Isis, d'Orphée et de Cérès, devant «l'hiérophante et les initiés ; car puisque ces mystères étaient des expiations, « il fallait bien avouer qu'on avait des crimes à expier.

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Les chrétiens adoptèrent la confession dans les premiers siècles de «l'Église, ainsi qu'ils prirent peu à peu les rites de l'antiquité, comme « les temples, les autels, l'encens, les cierges, les processions, l'eau lustrale, «les habits sacerdotaux, et plusieurs formules de mystères; le Sursum « corda, l'Ite missa est, et tant d'autres. Le scandale de la confession pu«blique d'une femme, arrivé à Constantinople au quatrième siècle, fit abo«lir la confession.

«La confession secrète qu'un homme fait à un autre homme ne fut ad«mise dans notre Occident' que vers le septième siècle. Les abbés commen«< cèrent par exiger que leurs moines, etc. »>

La version actuelle parut en 1771 dans la quatrième partie des Questions sur l'Encyclopédie, sauf quelques alinéa qui furent ajoutés en 1774. B.

fût l'homme du monde qui eût le moins besoin de confession.

'Cette cérémonie pouvait être très salutaire; elle pouvait aussi être très dangereuse: c'est le sort de toutes les institutions humaines. On sait la réponse de ce Spartiate à qui un hiérophante voulait persuader de se confesser: A qui dois-je avouer mes fautes? est-ce à Dieu ou à toi?-C'est à Dieu, dit le prêtre. Retire-toi donc, homme. (Plutarque, Dits notables des Lacédémoniens.)

Il est difficile de dire en quel temps cette pratique s'établit chez les Juifs, qui prirent beaucoup de rites de leurs voisins. La Mishna, qui est le recueil des lois juives", dit que souvent on se confessait en mettant la main sur un veau appartenant au prêtre, ce qui s'appelait la confession des veaux.

Il est dit dans la même Mishna", que tout accusé qui avait été condamné à la mort, s'allait confesser devant témoins dans un lieu écarté, quelques moments avant son supplice. S'il se sentait coupable, il devait dire: «Que ma mort expie tous mes pé<«< chés »; s'il se sentait innocent, il prononçait : « Que << ma mort expie mes péchés, hors celui dont on m'ac

<<<cuse. >>>

Le jour de la fête que l'on appelait chez les Juifs l'expiation solennelle, les Juifs dévots se confessaient les uns les autres, en spécifiant leurs péchés. Le confesseur récitait trois fois treize mots du psaume LXXVII,

• Alinéa ajouté en 2774. B.

a Mishna, tome II, page 394.- Tome IV, page 134.-© Synagogue judaïque, ch. xxxv.

ce qui fait trente-neuf; et pendant ce temps il donnait trente-neuf coups de fouet au confessé, lequel les lui rendait à son tour; après quoi ils s'en retournaient quitte à quitte. On dit que cette cérémonie subsiste

encore.

On venait en foule se confesser à saint Jean pour la réputation de sa sainteté, comme on venait se faire baptiser par lui du baptême de justice, selon l'ancien usage; mais il n'est point dit que saint Jean donnât trente-neuf coups de fouet à ses pénitents.

'La confession alors n'était point un sacrement; il y en a plusieurs raisons. La première est que le mot de sacrement était alors inconnu ; cette raison dispense de déduire les autres. Les chrétiens prirent la confession dans les rites juifs, et non pas dans les mystères d'Isis et de Cérès. Les Juifs se confessaient à leurs camarades, et les chrétiens aussi. Il parut dans la suite plus convenable que ce droit appartînt aux prêtres. Nul rite, nulle cérémonie ne s'établit qu'avec le temps. Il n'était guère possible qu'il ne restât quelque trace de l'ancien usage des laïques de se confesser les uns aux

autres:

2 Voyez le paragraphe ci-dessous, Si les laïques, etc., page 160.

Du temps de Constantin, on confessa3 d'abord bliquement ses fautes públiques.

pu

Au cinquième siècle, après le schisme de Novatus

1 Alinéa ajouté en 1774. B.

2 Id. B.

3 On lisait en 1771: « Dans l'ancienne Église chrétienne, on con

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I

et de Novatien, on établit les pénitenciers pour absoudre ceux qui étaient tombés dans l'idolâtrie. Cette confession aux prêtres pénitenciers fut abolie sous l'empereur Théodose". Une femme s'étant accusée tout haut au pénitencier de Constantinople d'avoir couché avec le diacre, cette indiscrétion causa tant de scandale et de trouble dans toute la ville", que Nectarius permit à tous les fidèles de s'approcher de la sainte table sans confession, et de n'écouter que leur conscience pour communier. C'est pourquoi saint Jean Chrysostôme, qui succéda à Nectarius, dit au peuple dans sa cinquième Homélie : « Confessez-vous «< continuellement à Dieu; je ne vous produis pas sur <«< un théâtre avec vos compagnons de service pour << leur découvrir vos fautes. Montrez à Dieu vos bles<«<sures, et demandez-lui les remèdes; avouez vos pé«< chés à celui qui ne les reproche point devant les << hommes. Vous les céleriez en vain à celui qui con<< naît toutes choses, etc. >>

On prétend que la confession auriculaire ne commença en Occident que vers le septième siècle, et qu'elle fut instituée par les abbés, qui exigèrent que leurs moines vinssent deux fois par an leur avouer toutes leurs fautes. Ce furent ces abbés qui inventèrent cette formule : « Je t'absous autant que je le « peux et que tu en as besoin. » Il semble qu'il eût été

a Socrate, liv. V. Sozomène, liv. VII.

I Voltaire a raconté cela avec un peu plus de détail dans ses Éclaircissements historiques. (Voyez les Mélanges, année 1763.) B.

En effet, comment cette indiscrétion aurait-elle causé un scandale public, si elle avait été secrète ?

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