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ferait aussi mal que celui qui, voulant faucher l'ivraie, emporterait le bon grain avec elle. Laissez donc passer tout cela, et tenez-vous l'esprit en repos dans votre abandon.

«Je vous défends d'adhérer à la tentation de quitter, ou à celle de croire qu'on soit fatigué ou lassé de votre conduite, puisqu'en effet on ne l'est pas, et on ne le sera jamais, s'il plaît à Dieu; car il ne faut jamais abandonner, ni se relâcher dans son œuvre.

« Pour vous dire mes dispositions, autant qu'il est nécessaire pour vous rassurer, je vous dirai qu'elles sont fort simples dans la conduite spirituelle. Je suis conduit par le besoin je ne suis pas insensible, Dieu merci, à une certaine correspondance de sentiments ou de goûts; car cette indolence me déplaît beaucoup, et elle est tout à fait contraire à mon humeur; elle ferait même dans la conduite une manière de sécheresse et de froideur, qui est fort mauvaise. Mais quoique je sente fort ces correspondances, je ne leur donne aucune part dans le sein de la direction, et le besoin règle tout. Au surplus, je suis si pauvre que je n'ai jamais rien de sûr, ni de présent. Il faut que je reçoive à chaque moment, et qu'un certain fond soit excité par des mouvements dont je ne suis pas le maître. Le besoin, le besoin, encore un coup, est ce qui me détermine. Ainsi tout ce qu'on sent par rapport à moi, en vérité ne m'est rien de ce côté-là, et il ne faut pas craindre de me l'exposer; parce que cela n'entre en aucune sorte dans les conseils, dans les ordres, dans les décisions que j'ai à donner'.

« Je vous ai tout dit; profitez-en, et ne vous laissez point

Bossuet écrivait à la sœur Cornuau : « Je n'ai rien de particulier à vous dire sur vos dispositions par rapport à moi. Il me semblerait seulement qu'il n'y faut pas prendre garde de si près, à cause de la liaison du ministère avec Dieu et ses plus vives opérations » (p. 459 ).

Quelque temps après :«Il faut beaucoup prier Dieu durant cette octave pour les âmes qui s'attachent trop à leur directeur. J'en ai ici un exemple qui me fait beaucoup de peine » (p. 478 ).

ébranler ce serait une tentation trop dangereuse, à laquelle je vous défends d'adhérer pour peu que ce soit. Je prie Dieu, ma chère fille, qu'il soit avec vous. »

( 26′déc. 1694; t. XI, p. 423.)

Ce qui achèverait au besoin de justifier Bossuet, c'est la fermeté avec laquelle il repousse un autre scrupule de la noble religieuse elle voulait revenir sans cesse sur certaines fautes passées qui pesaient sur sa conscience.

<< Ne vous inquiétez point de ces choses de votre vie passée, dont vous avez dessein de vous confesser de nouveau à moi cela mème n'est pas nécessaire (p. 470 ).

« Pour le passé, la revue que vous m'avez faite a été bien faite de votre part et très-bien entendue de la mienne. La répétition que vous en avez faite à votre dernière confession m'a suffisamment remis les choses que vous m'aviez dites, et assez pour donner matière à l'absolution. Ainsi je vous défends tout retour et toute inquiétude sur cela, et de vous en confesser de nouveau ni à moi, ni à d'autre » (p. 423).

Est-il bien possible qu'on ait cherché à ternir cette pureté? Pour nous, nous nous sentons incapable, après avoir lu et relu les lettres de direction de Bossuet, de faire autre chose que nous incliner profondément devant cette merveilleuse alliance de la bonté et du génie, de la simplicité et de la grandeur.

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