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CHOIX DE FABLES

DE

LA FONTAINE

CONTENANT

LES FABLES LES PLUS FACILES ET LES PLUS CONNUES

CLASSÉES PAR ORDRE DE DIFFICULTÉ

AVEC

NOTICE EN TÊTE DE CHAQUE FABLE, NOTES,
GRAVURES, CARTE, PORTRAIT ET FAC-SIMILÉ DE L'ÉCRITURE

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1.71. Smyth

Gift & W.7

NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR LA FONTAINE

81f f

1896

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Jean de La Fontaine est né
le 8 juillet 1621 à Château-
Thierry, petite ville de la
Champagne (chef-lieu d'ar-
rondissement du département
de l'Aisne). Il ne commença
guère à composer des vers
qu'à l'âge de 25 ou 30 ans ; il
en avait 47 lorsqu'il publia la
première partie de ses fables
(1668); le reste parut en 1678
et 1695. La Fontaine mourut
à Paris le 13 avril 1695, à l'âge
de 74 ans.

On a raconté à son sujet
bien des anecdotes, vraies ou
fausses, et on le représente
ordinairement comme un

homime distrait et naif à l'excès; il suffit de lire ses fables pour voir qu'il avait autant de bon sens et de génie que les plus grands poètes.

Un de ses amis a fait un magnifique éloge de sa loyauté er disant que sans doute il n'avait jamais menti de sa vie.

Spécimen de l'écriture de La Fontaine

A Monsieur le thus de Bouillon

quis

fillet negueu de favorit de Mars.
ui ne voyez chez vous de fouter parts
My de vertu ny d'exemple vielgaire,
qui de par vous et de par vostre pière
Aves acquit l'amour de tout les coeurs
Digne heritier: d'on peuple de vainqueurs,
Pcoutez moy; qu'on m

moment de contrainte

Trenne vostre ance attentive ama plainte Summon molheur daignes vous arrefter;

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Ce nouveau Choix de Fables est très différent de ceux qu'on a publiés jusqu'à présent, car on ne s'est pas cru obligé de respecter l'ordre dans lequel ont paru les fables, non plus que la division en douze livres, qui n'est pas de La Fontaine. Le poète écrivait pour les gens du monde, et non pour les enfants; à côté d'une fable facile, il en plaçait une autre qui offre de nombreuses difficultés ; il mettait l'Homme et son image immédiatement après le Loup et l'Agneau. Il en résulte, pour les maîtres, un très grand embarras: ne pouvant pas faire étudier à la suite l'une de l'autre des fables si différentes, ils se voient contraints de feuilleter le recueil, de manière à établir comme ils peuvent une sorte de gradation. On a tâché de leur éviter cette peine, et l'on a classé les fables par ordre de difficulté, en commençant par les plus faciles.

On a voulu aussi que cette édition fût illustrée, de manière à instruire l'enfant, et accompagnée de notices et de notes. Les animaux ont été dessinés d'après nature, et les personnages mythologiques ou historiques copiés d'après les meilleurs modèles; une carte de la Grèce ancienne et des pays voisins permet au lecteur de s'orienter dans le monde où La Fontaine a placé la plupart de ses personnages. Les notices fournissent des indications jugées indispensables ou donnent satisfaction à la curiosité bien naturelle de l'enfant. Des notes très simples ont pour objet de lever, dans la mesure du possible, les difficultés si nombreuses du texte de La Fontaine.

Rien n'a donc été négligé pour mettre La Fontaine à la portée des enfants; on peut espérer qu'ils liront avec plaisir ces chefs-d'œuvre qui amusent l'enfant, mais inléressent et instruisent l'homme fait et même le vieillard.

EXPLICATION D'UNE FABLE DE LA FONTAINE

Le Loup et l'Agneau

On se contente trop souvent de faire lire ou réciter aux enfants les fables de La Fontaine; il faudrait en outre les leur expliquer en détail, et profiter de l'occasion pour causer avec eux, pour les instruire sans les fatiguer, pour leur faire à ce propos un petit cours de mythologie élémentaire, d'histoire et de géographie, d'histoire naturelle, de morale, de langue française et même de grammaire. Rien ne sera plus facile, si l'on veut appliquer les préceptes que nous allons donner brièvement pour l'explication d'une fable bien connue, le Loup et l'Agneau. Il faudra d'abord en lire le titre, et s'assurer, avant d'aller plus loin, si les enfants savent bien ce que c'est qu'un loup et ce que c'est qu'un agneau. Les notions d'histoire naturelle trouveront leur place ici, et l'on dira pourquoi les hommes sont comparés quelquefois à des loups ou à des agneaux. On lira ensuite la fable tout entière, et le maître fera bien, dans la plupart des cas, de commencer par lire lui-même en faisant reprendre cette lecture par les enfants qui lisent avec le plus d'intelligence. C'est alors que viendra l'explication proprement dite, et voici comment on pourra procéder. La morale, placée d'ordinaire à la fin des fables, est ici en tête :

La raison du plus fort est toujours la meilleure.

il faut donc l'étudier et l'expliquer tout d'abord, en montrant quel est son véritable sens. Il s'agit ici non pas d'un précepte de morale, mais simplement d'une vérité d'expérience que La Fontaine veut mettre dans tout son jour : « On a beau avoir raison, si l'on n'est pas le plus fort on n'a jamais raison; l'histoire de l'agneau et celle de notre Alsace-Lorraine le prouvent. » Les mots raison du plus fort signifient raisons données par le plus fort, et comme La Fontaine parle ironiquement, le vrai sens de la phrase est celui-ci : les raisons données par le plus fort sont souvent les plus mauvaises, mais elles triomphent toujours; du temps de La Fontaine on écrivait en latin sur les pièces de canon: dernière raison des rois. Tout à l'heure, qui finit le second vers, signifiait alors tout de

suite, la preuve en est que l'avare de Molière voulant chasser un domestique lui dit : « Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique point. »

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Le récit qui vient ensuite est court (27 vers en tout), mais il sera bon de le diviser en ses différentes parties pour montrer comment il est composé. C'est une narration qui ressemble beaucoup, toutes proportions gardées, aux pièces de théâtre; comme ces dernières, elle a son commencement, son milieu, sa fin, ou pour mieux dire, son exposition, son nœud, et son dénouement.

1o Exposition: depuis un agneau..... jusqu'à : en ces lieux attirait (4 vers).

:

2o Nœud depuis qui te rend... jusqu'à : il faut que je me venge (20 vers).

3o Dénouement la fin (3 vers).

Remarquons d'abord cette disproportion (4 vers, 20 vers, 3 vers); La Fontaine l'a voulue ainsi : 4 vers lui suffisaient pour mettre les deux personnages en présence et pour nous intéresser au petit agneau; nous tremblons déjà pour lui, car le loup cherche aventure et il a faim; 20 vers ne sont pas de trop pour montrer l'injustice croissante du loup envers le plus inoffensif de tous les êtres; 3 vers suffisent pour annoncer que le crime est commis. A ce point de vue on pourrait, si l'on avait du loisir, comparer cette fable avec quelques autres, telles que le petit Poisson et le Pêcheur, le vieux Chat et la jeune Souris, l'Homme et la Couleuvre, les Animaux malades de la peste, la Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion, etc.

Non content de suspendre jusqu'au bout l'intérêt de son récit, La Fontaine a voulu tracer des caractères; et il faut y faire attention, car La Fontaine est un grand peintre de caractères. Remarquez qu'il introduit d'abord l'agneau, parce qu'il veut nous intéresser à lui; le loup ne vient qu'ensuite. L'agneau ne s'enfuit pas, à quoi bon? Il ne cherche pas à fléchir le loup, ce serait peine perdue; il s'efforce de lui faire entendre raison; il lui prouve que l'eau ne remonte pas vers sa source et que l'on n'est pas coupable de crimes commis évidemment par d'autres ou même par des gens qui n'existent pas; mais il a beau se faire humble et petit, tout cela ne sert de rien, sa mort était résolue. Quant au loup, c'est un affreux scélérat, et un scélérat raffiné: il pourrait

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