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Oh! que de grands seigneurs, au Léopard semblabies, N'ont que l'habit pour tous talents!

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LE LABOUREUR ET SES ENFANTS

Travaillez, prenez de la peine :

C'est le fonds qui manque le moins3.

Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins:
<< Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage 3
Que nous ont laissé nos parents :

Un trésor est caché dedans.

3

Je ne sais pas l'endroit; mais un peu de courage
Vous le fera trouver vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût ";
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main 5 ne passe et repasseo. »

Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage 1o,

D'argent, point de caché 11. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,

Que le travail est un trésor.

71

LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT 12

Ésope conte qu'un manant 13,
Charitable autant que peu sage,
Un jour d'hiver se promenant
A l'entour 14 de son héritage,

Aperçut un Serpent sur la neige étendu,
Transi 15, gelé, perclus 16, immobile, rendu 17,
N'ayant pas à vivre un quart d'heure 18.

1. Combien de.

2. Le travail est la ressource sur laquelle on doit le plus compter.

3. Ne vendez pas les terres dont j'ai hérité, dont vous allez hériter vous-mêmes. 4.. La moisson, qui se fait au mois d'août, prononcez oû.

5. La main, c'est-à-dire l'outil dont se sert le laboureur, bêche, pioche, etc. 6. Nous dirions et ne repasse. 7. Ce mot n'est pas indispensable; il rend la phrase plus vive et plus familière. 8. De ce côté-ci, de ce côté-là.

9. En veut dire à cause de ce travail. 10. Lassés de chercher inutilement, les

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Le Villageois le prend, l'empcrte en sa demeure;
Et, sans considérer quel sera le loyer 1
D'une action de ce mérite 2,
Il l'étend le long du foyer,

Le réchauffe, le ressuscite 3.
L'animal engourdi sent à peine le chaud
Que l'âme lui revient avecque la colère “.
Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt;
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur et son père o.
« Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire !
Tu mourras ! » A ces mots, plein d'un juste courroux,
Il vous prend sa cognée 8, il vous tranche la bête;
Il fait trois serpents de deux coups,

7

Un tronçon, la queue, et la tête.
L'insecte, sautillant, cherche à se réunir 10;
Mais il ne put y parvenir.

Il est bon d'être charitable:
Mais envers qui? c'est là le point.
Quant aux ingrats, il n'en est point
Qui ne meure enfin misérable.

72

LE LION 11 S'EN ALLANT EN GUERRE

Le Lion dans sa tête avait une entreprise 12.
Il tint conseil de guerre, envoya ses prévôts 13;
Fit avertir les animaux.

Tous furent du dessein 14, chacun selon sa guise
L'éléphant devait sur son dos
Porter l'attirail nécessaire,
Et combattre à son ordinaire;

1. Le payement, la récompense du bien qu'il veut faire au serpent.

2. Sauver autrui est une action méritoire, digne de récompense.

3. Ressusciter, ramener de la mort à la vie.

4. Les serpents n'ont pas d'âme; le serpent ranimé se met en colère. Avecque est souvent dans La Fontaine pour avec. 5. S'efforce de.

6. Ces trois mots forment ce qu'on appelle une gradation; sauveur dit plus que bienfaiteur, et père plus que sauveur.

7. Il prend. La Fontaine emploie souvent ainsi le pronom vous pour rendre ses phrases plus vives.

8. Forte hache.

15

:

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L'ours, s'apprêter pour les assauts 1;

Le renard, ménager de secrètes pratiques,
Et le singe, amuser l'ennemi par ses tours 3.
<< Renvoyez, dit quelqu'un, les ânes, qui sont lourds,
Et les lièvres, sujets à des terreurs paniques ".

Point du tout, dit le roi; je veux les employer:
Notre troupe sans eux ne serait pas complète.
L'âne effraiera les gens, nous servant de trompette 5
Et le lièvre pourra nous servir de courrier. »

Le monarque prudent et sage

6

De ses moindres sujets sait tirer quelque usage *,
Et connaît les divers talents7.

Il n'est rien d'inutile aux personnes de sens.

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pèces en Afrique. Les Citrouilles sont des courges; tout le monde a vu les potirons auxquels La Fontaine fait allusion; les gourdes ou calebasses sont des courges de dimension

Citrouille. Diamètre 0m, 60.

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moyenne, à enveloppe dure: on en fait des espèces de bouteilles.

Dieu fait bien ce qu'il fait. Sans en chercher la preuve En tout cet univers, et l'aller parcourant 8,

Dans les citrouilles je la treuve 9.

Un villageois, considérant

Combien ce fruit est gros et sa tige menue :
« A quoi songeait, dit-il, l'auteur de tout cela 10?
Il a bien mal placé cette citrouille-là !

Eh! parbleu! je l'aurais pendue
A l'un des chênes que voilà;
C'eût été justement l'affaire :

1. L'ours se précipite comme une masse sur son adversaire.

2. L'espionnage, les intelligences avec l'ennemi, tout ce qui demande de la ruse.

3. Il ne s'agit pas d'amuser l'ennemi, mais bien de détourner son attention. 4. Terreurs soudaines et qui se communiquent, souvent sans raison.

5. A peu près comme dans le Lion et FABLES CHOISIES.

l'Ane chassant (V. p. 25).

6. Quelque service; sait les employer. 7. Ce que nous appellerions les diffé rentes aptitudes des gens.

8. Et le parcourir.

9. On disait alors indifféremment treuver ou trouver.

10. Le Créateur.A quoi songeait-il quand il a créé les citrouilles et les glands?

Tel fruit, tel arbre, pour bien faire 1.

C'est dommage, Garo 2, que tu n'es point entré
Au conseil de celui que prêche ton curé;

3

Tout en eût été mieux; car pourquoi, par exemple, Le gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt, Ne pend-il pas en cet endroit ?

Dieu s'est mépris: plus je contemple Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo Que l'on a fait un quiproquo 7. »

Cette réflexion embarrassant notre homme :

« On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit.
Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.
Un gland tombe: le nez du dormeur en pâtil 9.
Il s'éveille; et, portant sa main sur son visage,
Il trouve encor le gland pris au poil du menton.
Son nez meurtri le force à changer de langage.
« Oh ! oh ! dit-il, je saigne! et que serait-ce donc
S'il fût tombé de l'arbre une masse plus lourde,
Et que ce gland eût été gourde 10?

Dieu ne l'a pas voulu: sans doute il eut raison;
J'en vois bien à présent la cause 11. >>
En louant Dieu de toute chose,

Garo retourne à la maison.

1. C'est-à-dire le fruit doit être en rapport avec la grosseur de l'arbre.

2. Garo c'est le villageois en question. 3. Dieu est ici comparé à un roi délibérant avec son conseil des ministres. 4. Après la tige de la citrouille. 5. S'est trompé.

6. A moi Garo; il se donne de l'importance en se nommant ainsi.

7. Erreur qui consiste à prendre un mot pour un autre, une chose pour une autre. 8. On dit aussi que l'esprit empêche

de vivre longtemps, c'est faux; notez que Garo s'endort tout de suite.

9. En souffre.

10. C'est courge qu'il faudrait dire.

11. La seconde réflexion est aussi sotte que la première; cela revient à dire que Dieu a fait pousser les glands sur les chênes pour ne pas assommer les dormeurs. Et les fchâtaignes, et les noix de coco? La vraie morale de cette fable c'est qu'il ne faut pas raisonner sur ce qu'on n'est pas capable de comprendre.

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Les Roseaux poussent naturellement sur les bords des étangs et dans les prairies marécageuses; ils peuvent avoir 1 mètre ou 1,30 de haut; leurs feuilles sont très recherchées pour la nourriture des bestiaux, leurs tiges sont utilisées pour faire des clôtures. - Le Roitelet est un charmant petit oiseau qui se plait sur les grands arbres, en particulier sur les chênes ; il se nourrit d'insectes et de vermis

Roitelet.

seaux.

Le Chêne un jour dit au Roseau :
« Vous avez bien sujet d'accuser la Nature 1.
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau;
Le moindre vent qui d'aventure 2
Fait rider la face de l'eau 3

Vous oblige à baisser la tête;

4

Cependant que mon front, au Caucase 5 pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil 6,
Brave l'effort de la tempête.

Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr 7.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage

Dont je couvre le voisinage,

Vous n'auriez pas tant à souffrir:
Je vous défendrais de l'orage.

Mais vous naissez le plus souvent

Roseau.

Sur les humides bords des royaumes du vent3.
Sad La Nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'arbuste 9,
Part d'un bon naturel; mais quittez ce souci 10:
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.

1. Le roseau ne se plaint pas, mais le chêne veut dire qu'il aurait raison de se plaindre.

2. Qui par hasard.

3. Très belle expression pour dire que le vent agite légèrement la surface de l'eau; ce sont comme des rides creusées sur sa face.

4. Nous dirions: tandis que.

5. C'est exagéré; les chênes les plus élevés n'ont pas 30 mètres, le Caucase en a 5650 (mont Elbrouz).

6. Le chêne les arrête en les empêchant d'arriver jusqu'au sol sous ses branches. 7. L'Aquilon était chez les anciens le vent du nord, froid et violent; le Zéphyr premier, c'est la bise; l'autre, la brise. était le vent d'ouest, doux et modéré; le

8. Sur le bord des lacs ou de la mer, où rien n'arrête le vent.

9. Un roseau n'est pas un arbuste, c'est une herbe, une graminée.

10. Cessez de vous tourmenter à mon sunet.

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