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Mouflar y croyait perdre. Il vit avec le temps
Qu'il y gagnait beaucoup, car étant de nature
A piller ses pareils, mainte mésaventure +
L'aurait fait retourner chez lui

Avec cette partie en cent lieux altérée :
Chien hargneux a toujours l'oreille déchirée.

1

Le moins qu'on peut laisser de prise aux dents d'autrui,
C'est le mieux. Quand on n'a qu'un endroit à défendre
On le munit, de peur d'esclandre 6.

Témoin maître Mouflar armé d'un gorgerin 7;
Du reste, ayant d'oreille autant que sur ma main 3,
Un loup n'eût su par où le prendre 9.

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Le Loup vit dans les forêts; il en sort la nuit pour rôder autour des habitations et des bergeries et attaquer les moutons, les oies, les ânes, les chevaux mêmes; quand il a bien faim, il attaque aussi l'homme. Sa gloutonnerie est extrême. On tue en France plus de 1000 loups par an; en

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Russie, ils se réunissent en troupes pour attaquer les voyageurs. Il n'y en a plus en Angleterre depuis 1680. Le loup est l'emblème de la sauvagerie. « Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette. » Les loups mangent gloutonnement 11.

MORALE.

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Un Loup donc étant de frairie 12
Se pressa 13, dit-on, tellement

Qu'il en pensa1 perdre la vie :

Un os lui demeura bien avant au gosier.

De bonheur 15 pour ce loup, qui ne pouvait crier,

Près de là passe une Cigogne.

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6. Bruit, tapage causé par une attaque; de peur d'accident.

chiens par le cou, et non par les oreilles. 10. Voir page 6.

11. La gloutonnerie consiste à manger vite et d'une façon malpropre.

12. Les frairies étaient des corporations, des associations; être de frairie, c'est donc se régaler comme on le fait à un repas de corps ou à une noce.

13. Mangea si vite, sans faire attention

7. Collier armé de pointes pour protéger à ce qu'il avalait. la gorge du chien.

8. C'est-à-dire n'en ayant plus du tout. 9. Les loups cherchent à prendre les

14. Fut sur le point de....

15. Nous dirions par bonheur; heureu

sement.

Il lui fait signe; elle accourt.
Voilà l'opératrice1 aussitôt en besogne.
Elle retira l'os; puis, pour un si bon tour2,
Elle demanda son salaire 3.
«Votre salaire? dit le Loup;
Vous riez, ma bonne commère !
Quoi! ce n'est pas encor beaucoup
D'avoir de mon gosier retiré votre cou!
Allez, vous êtes une ingrate;

Ne tombez jamais sous ma patte.

13 L'ANE VÊTU DE LA PEAU DU LION"

L'Ane nous rend de grands ser

vices; moins fort que le cheval, il est plus doux; c'est quand on le maltraite qu'il devient indocile et têtu; l'âne d'Asie est un très bel animal, presque comparable au cheval, même pour sa rapidité à la course. Sa sobriété est étonnante, il se contente de chardons et d'herbes dont les autres animaux ne voudraient pas. L'âne est l'emblème de l'ignorance, de la niaiserie et de l'entêtement.

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Ane. - Hauteur 1,30.

De la peau du Lion l'Ane s'étant vêtu
Était craint partout à la ronde,
Et, bien qu'animal sans vertu 5,
Il faisait trembler tout le monde.
Un petit bout d'oreille, échappé par malheur,
Découvrit la fourbe et l'erreur;

Martin fit alors son office.

Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice
S'étonnaient de voir que Martin

Chassât les lions au moulin.

Force gens font du bruit en France

Par qui cet apologue est rendu familier 1o.
Un équipage cavalier 11

Fait les trois quarts de leur vaillance.

1. C'est comme si l'on disait voilà la chirurgienne à l'œuvre.

2. Tour d'adresse, opération faite avec tant d'habileté.

3. La somme qui lui était due.

4. Voir page 12.

5. Sans vertu guerrière, sans courage. 6. La fourberie de l'âne, et l'erreur de

ceux qui tremblaient.

7. Martin-baton, c'est-à-dire le bâton. 8. Poussât devant lui, pour les faire entrer au moulin.

9. Sont celèbres; on parle d'eux. 10. A qui l'on peut appliquer cette fable. 11. Un grand train de maison, comme celui des grands seigneurs.

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Le Lion est de la famille des chats; il est, avec le tigre, le plus fort et le plus terrible des carnassiers; il vit de trente à quarante ans, et fait subir aux propriétaires de troupeaux des pertes énormes. Il ne sort guère que la nuit, et s'attaque très rarement à l'homme; blessé, il est on ne peut plus redoutable, car il cherche à se venger à tout prix. Il n'y a plus de lions en Europe depuis 2000

ans. Très communs en Algérie il y a 50 ans, ils y deviennent rares; on n'en voit plus guère que dans le désert. Le lion est l'emblème de la force, du courage militaire et de la générosité.

Colombe. Haut. 18 cent.

La Colombe n'est pas autre chose que le pigeon dont il sera question plus loin. Elle est l'emblème de la simplicité et de la douceur.

Les Arbalètes sont des arcs en acier servant à lancer des flèches, c'était autrefois une arme de combat.

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Arbalète.

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde 3 ;
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi",
Tant la chose en preuves abonde.

Entre les pattes d'un Lion

Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie 5.
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un lion d'un rat eût affaire 7?
Cependant il avint qu'au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rêts 10

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9

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Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage 1.

Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage 2.

L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits.
Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe,
Quand sur l'eau se penchant une Fourmis3y tombe,
Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmis
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité :

Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmis arrive.
Elle se sauve 6. Et là-dessus 7

8

Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus.
Ce croquant, par hasard, avait une arbalète :
Dès qu'il voit l'oiseau de Vénus 9,

Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête1o.
Tandis qu'à le tuer mon villageois s'apprête,
La Fourmi le pique au talon :

Le vilain retourne la tête :

La Colombe l'entend, part, et tire de long 11.
Le souper du croquant avec elle s'envole:
Point de pigeon pour une obole 12.

16

LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER
Le Pot de fer proposa

Au Pot de terre un voyage.
Celui-ci s'en excusa 13
Disant qu'il ferait que sage14
De garder le coin du feu 15;

1. Quand une maille de filet est rompue, les autres se défont aisément.

2. Voilà une deuxième morale, très juste, mais qui s'applique seulement à la première de ces deux fables; on dirait aujourd'hui et que rage.

3. On ne dit plus fourmis (avec s) mais fourmi, il faut toujours se rappeler que notre langue a changé depuis La Fontaine. 4. Par comparaison avec la petitesse de la fourmi.

5. Le brin d'herbe touchant le bord forme, en effet, pour la fourmi qui est au milieu de l'eau, un cap ou promontoire. 6. C'est-à-dire elle est sauvée. 7. A ce moment-là.

8. Croquant, vilain, manant, villageois désignaient alors les paysans, que les gens derla ville méprisaient.

9. Déesse de la beauté chez les païens; on la représentait montée sur un char que traînaient des colombes.

10. Se réjouit de le manger.

11. S'envole à tire d'ailes, et s'éloigne. 12. Il n'eut pas même pour une obole de pigeon; il n'en eut pas du tout; l'obole lant la 240 partie d'un sou. était une ancienne pièce de monnaie_va

13. Refusa poliment.

14. Qu'il ferait ce que doit faire un sage. qu'il ferait sagement.

15. De rester à la maison.

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Mes gens s'en vont à trois pieds,
Clopin clopant9, comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetés

Au moindre hoquet 10 qu'ils treuvent 11.
Le Pot de terre en souffre; il n'eut pas fait cent pas,
Que par son compagnon il fut mis en éclats 12,
Sans qu'il eût lieu de se plaindre.

13

Ne nous associons qu'avecque 13 nos égaux,
Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d'un de ces pots 14.

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Pour un Ane enlevé deux Voleurs se battaient :
L'un voulait le garder, l'autre le voulait vendre.
Tandis que coups de poings trottaient 16,
Et que nos champions 17 songeaient à se défendre,

1. Serait cause de sa destruction.

2. Il n'en reviendrait pas un morceau. 3. Qui vous empêche de partir.

4. Le pot de fer dit nous pour se donner de l'importance, tout comme un roi. 5. Par hasard.

6. Entre vous et elle.

7. Je vous protégerai contre e choc. 8. A trois pieds chacun ce sont des marmites.

9. En boitant.

10. Au moindre choc.

11. Trouvent, vieux mot, souvent em ployé du temps de La Fontaine.

12. En pièces, en morceaux.

13. En vers on pouvait dire avecque, on ne le pourrait plus aujourd'hui.

14. Du pot de terre, évidemment. 15. Voir page 11.

16. Se succédaient avec rapidité, comme les pas d'un cheval au trot.

17. On appelait autrefois champions ceux qui combattaient en champ clos, devant des juges; ce sont ici les combattants

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