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paffions qui fe fuccedent les unes aux autres, & conduifent jusques au troifiéme & dernier âge: la raifon alors dans fa force devroit produire, mais elle eft refroidie & rallentie par les années, par la maladie & la douleur, déconcertée enfuite par le defordre de la machine qui eft dans fon déclin: & ces temps neanmoins font la vie de l'homme.

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*Les enfans font hautains, dédaigneux, coleres, envieux, curieux, intereflez, pareffeux, volages, timides, intemperans, menteurs, diffimulez, ils rient & pleurent facilement; ils ont des joyes immoderées. & des afflictions ameres fur de tres-petits fujets; ils ne veulent point fouffrir de mal, & aiment à en faire: ils font déja des hom

mes.

*Les enfans n'ont ny paffé ny avenir; & ce qui ne nous arrive gueres, ils joüisfent du prefent,

* Le caractere de l'enfance paroît unique; les mœurs dans cet âge font affez les mêmes, & ce n'eft qu'avec une curieuse attention qu'on en penetre la difference; elle augmente avec la raifon, parce qu'avec celle-cy croiffent les paffions & les vices, qui feuls rendent les hommes fi dif femblables entr'eux, & fi contraires à euxmêmes.

* Les enfans ont déja de leur ame l'imagination & la memoire, c'eft-à-dire

ce

ce que les vieillards n'ont plus ; & ils en tirent un merveilleux ufage pour leurs petitsjeux & pour tous leurs amufemens: c'eft par elles qu'ils repetent ce qu'ils ont enten du dire, qu'ils contrefont ce qu'ils ont vû faire qu'ils font de tous métiers, foit qu'ils s'occupent en effet à mille petitsou vrages, foit qu'ils imitent les divers arti fans par le mouvement & par le gefte; qu'ils fe trouvent à un grand feftin, &y font bonne chere; qu'ils fe transportent dans des palais & dans des lieux enchantez; bien que feuls ils fe voyent un riche équipage & un grand cortege; qu'ilsconduitent des armées, livrent bataille, & joüiffent du plaifir de la victoire; qu'ils parlent aux Rois & aux plus grands Princes; qu'ils font Roiseux-mêmes, ont des fujets, poffedent des trefors qu'ils peuvent faire de feuilles d'arbres ou de grains de fable; & ce qu'ils ignorent dans la fuite de leur vie, fçavent à cet âge être les arbitres de leur fortune, & les maîtres de leur propre felicité.

que

* Il n'y a nuls vices exterieurs, & nuls défauts du corps qui ne foient appercûs par les enfans: ils les faififfent d'une premiere vûë, & ils fçavent les exprimer par des mots convenables, on ne nomme point plus heureusement: devenus hommes, ils font chargez à leur tour de toutes les im perfections dont ils fe font mocquez. D 4:

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L'unique foin des enfans eft de trouver l'endroit foible de leurs maitres, comme de tous ceux à qui ils font foûmis: dés qu'ils ont pû les entamer ils gagnent le deflus, & prennent fur eux un afcendant qu'ils ne perdent plus. Cequi nous fait décheoir une premiere fois de cette superiorité à leur égard, eft toûjours.ce qui nous empêche de la recouvrer.

*La pareffe, l'indolénce, & l'oifiveté, vices fi naturels aux enfans, difparoiflènt dans leurs jeux, où ils font vifs, appliquez, exacts; amoureux des regles & de la fymmetrie, où ils ne fe pardonnent nulle faute les uns aux autres, & recommencent eux-mêmes plufieurs fois une feule chofe qu'ils ont manquée: préfages certains qu'ils pourront un jour negliger leurs devoirs, mais qu'ils n'oublicront rien pour leurs plaifirs.

* Aux enfans tout paroir grand, lescours, les jardins, les édifices, les meu-. bles, les hommes, les animaux: aux hommes les chofes du monde paroiffent ainfi & j'ofe dire par la même raison, parce qu'ils font petits.

* Les enfans commencent entre eux par l'état populaire, chacun yeft le maitre, & ce qui eft bien naturel, ils ne s'en accommodent pas lontemps, & paffent au Monarchique: quelqu'un fe diftingue,. ou par une plus grande vivacité, ou par

une

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une meilleure difpofition du corps, ou par une connoiffance plus exacte des jeux dif-ferens & des petites loix qui les compofent; les autres lui deferent, & il fe forme. alors un gouvernement abfolu qui ne roule que fur le plaifir.

* Qui doute que les enfans ne conçoivent, qu'ils ne jugent, qu'ils ne raifonnent confequemment; fi c'eft feulement fur de petites chofes, c'eft qu'ils font enfans, & fans une longue experience; & fi c'est en mauvais termes, c'est moins leur faute que celle de leurs parens ou de leurs -maitres.

* C'eft perdre toute confiance dans l'efprit des enfans & leur devenir inutile, que de les punir des fautes qu'ils n'ont point faites, ou même feveremént de celles qui font legeres; ils fçavent précifément & mieux que perfonne ce qu'ils méritent, & ils ne méritent gueres que ce qu'ils craignent; ils connoifent fi c'est à tort ou avec raison qu'on les châtie, & ne fe gâtent pas moins pár des peines mal ordonnées que par l'impunité.

* On ne vit point affez pour profiter de fes fautes; on en commet pendant tout le cours de fa vie, & tout ce que l'on peut faire à force de faillir, c'eft de mourir cor rigé.

Il n'y a rien qui rafraîchiffe le fang,.

Feu Mr.

le Pria

ce de

comme d'avoit fçû éviter de faire une fottife.

*Le recit de fes fautes eft penible; on veut les couvrir & en charger quelquc autre: c'eft ce qui donne le pas au Directeurfur le Confeffeur.

* Les fautes des fots font quelquefois fi lourdes & fi difficiles à prévoir, qu'elles. mettent les fages en defaut, & ne font uti-les qu'à ceux qui les font.

*L'efprit de parti abaiffe les plus grands hommes julques aux petitesses du. peuple.

*Nous faifons par vanité ou par bienfeance les mêmes chofes, & avec les mê-Conti mes dehors que nous les ferions par indernier clination ou par devoir. Tel vient de mort qui mourir à Paris de la fiévre qu'il a ga de la pe- gnée à veiller fa femme qu'il n'aimoit. rite ve point.

mourut,

rolle

veillant

fa fem

me.

qu'ilga * Les hommes dans leur cœur veulent gna en étre estimez, & ils cachent avec foin l'envie qu'ils ont d'étre eftimez; parce que les hommes veulent paffer pour vertueux,. & que vouloir tirer de la vertu toute autre avantage que la même vertu, je veux di-. re l'eftime & les louanges, ce ne feroit plus étre vertueux, mais aimer l'eftime & les louanges, ou étre vain; les hommesfont. -tres-vains & ils ne haïffent rien tant que de paffer pour tels..

*Un homme vain trouve fon compte:

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