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d'État, pas plus que ses autres ouvrages celle d'un homme de goût (1). »

Je ne sais

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Note B, page 372.

je doute même si M. de Maistre a eu en vue, supposé qu'il l'ait connue, l'Épistre dédicatoire du premier livre que je feray, due à la plume de Furetière, le spirituel auteur du Roman bourgeois. C'est dans cette Epitre à très-haut et très-redouté seigneur Jean Guillaume, dit Saint-Aubin, maître des hautes œuvres (ou bourreau) de la ville... de Paris, que je trouve en germe l'idée si magnifiquement développée par M. de Maistre, dans son portrait du bourreau.

« Je prends mon bien où je le trouve,» disaient Molière et la Fontaine; il peut donc être de quelque intérêt de savoir comment l'auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg a tiré parti de l'idée première de Furetière :

« Depuis que j'ai vu louer tant de faquins qui ont des équipages de grands seigneurs, et tant de grands seigneurs qui ont des âmes de faquins, il m'a pris envie de vous louer aussi, et certes ce ne sera pas sans y être aussi bien fondé que tous ces flatteurs. Combien y a-t-il de ces gens qu'on vante si hautement, qu'il faudrait mettre entre vos mains afin de leur apprendre à vivre? Ils ne font pas si bien leur métier comme vous savez faire le vôtre : car il n'y a personne qui exécute plus ponctuellement les ordres de la justice, dont vous êtes le principal arc-boutant...

« Quant à la noblesse de votre emploi, n'y a-t-il pas quelque part en Asie ou en Afrique un roi qui tient à gloire de pendre lui-même ses sujets, et qui est si persuadé que c'est un des plus beaux appennages de sa couronne, qu'il

(1) Ibid., § x, Conclusion, p. 588.

punirait comme un attentat celui qui lui voudrait ravir cet honneur? Lorsque les saints Pères ont appelé Attila, Saladin et tant d'autres rois les bouchers de la justice divine, ne vous ont-ils pas donné d'illustres confrères, etc. (1)? »

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Croirait-on que le même esprit de parti pris, qui ne veut voir dans M. de Maistre que l'apologiste du bourreau, a pris, au dix-septième siècle, l'épitre de Furetière au sérieux et a soutenu qu'il avait dédié son Roman bourgeois à l'exécuteur des hautes œuvres ! En vérité, l'erreur suit toujours la même marche et tous les moyens lui sont bons en tout temps.

Note C, page 378.

« C'est un trait remarquable et l'un des plus caractéristiques de Port-Royal. Au lieu du modeste anonyme qui <«< aurait un peu trop comprimé le moi, ses écrivains « avaient adopté une méthode qui met ce moi à l'aise, << en laissant subsister l'apparence d'une certaine pudeur << littéraire dont ils n'aimaient que l'écorce: c'était la << méthode pseudonyme. Ils publiaient presque tous leurs << livres sous des noms supposés, et tous, il faut bien l'ob<< server, plus sonores que ceux qu'ils tenaient de mes<< dames leurs mères, ce qui fait un honneur infini au dis<< cernement de ces humbles solitaires. De cette fabrique « sortirent MM. d'Etouville, de Montalte, de Beuil, de « Royaumont, de Rebeck, de Fresne, etc. Arnauld, que cer«tains écrivains français appellent encore avec le sérieux <<< le plus comique le grand Arnauld, faisait mieux encore :

(1) Voyez p. 337 du Roman bourgeois, édit. de la Bibliothèque elzevirienne de Jannet, 1854.

<< profitant de l'ascendant que certaines circonstances lui << donnaient dans la petite Église, il s'appropriait le travail « des subalternes, et consentait modestement à recueillir « les éloges décernés à ces ouvrages (1). »

(1) M. de Maistre, De l'Église gallicane, col. 518, note 2.

CHAPITRE IX

LA FRANCE ET LES FRANÇAIS

I. Amour de la domination reproché aux Français. - II. La France est à la tête des nations. III. Esprit national des Français. — IV. Esprit de prosélytisme de la France. V. Mission de la France. VI. Parallèle entre le dix-septième et le dix-huitième siècle, en France.

I

-

Les Français ont sans doute des côtés qui ne sont pas aimables; mais souvent aussi nous les blâmons, parce que nous ne sommes pas faits comme eux. Nous les trouvons légers, ils nous trouvent pesants: qui est-ce qui a raison? Quant à leur orgueil, songez qu'il est impossible d'être membre d'une grande nation sans le sentir. Les Anglais et les Autrichiens n'ont-ils point d'orgueil (1)?

On reproche aux Français de vouloir commander partout où ils sont. Et les Autrichiens ne commandent-ils pas ? Partout les grands commandent aux petits. Encore un coup, je connais les défauts français, et j'en suis

(1) Lettres et op., t. I, p. 27.

choqué autant qu'un autre ; mais je sais aussi ce qu'on peut dire en leur faveur (1).

II

Rien ne marche au hasard; tout a sa règle, et tout est déterminé par une puissance qui nous dit rarement son secret. Le monde politique est aussi réglé que le monde physique; mais comme la liberté de l'homme y joue un certain rôle, nous finissons par croire qu'elle y fait tout. L'idée de détruire ou de morceler un grand empire, est souvent aussi absurde que celle d'ôter une planète du système planétaire, quoique nous ne sachions pas pourquoi.

Dans la société des nations, comme dans celle des individus, il doit y avoir des grands et des petits. La France a toujours tenu et tiendra longtemps, suivant les apparences, un des premiers rangs dans la société des nations. D'autres nations, ou, pour mieux dire, leurs chefs, ont voulu profiter, contre toutes les règles de la morale, d'une fièvre chaude qui était venue assaillir les Français, pour se jeter sur leur pays et le partager entre eux. La Providence a dit que non; toujours elle fait bien, mais jamais plus visiblement, à mon avis: notre inclination pour ou contre les Français ne doit point être écoutée. La politique n'écoute que la raison.

Mon opinion se réduit à ceci : « Que l'empire de la <<< coalition sur la France et la division de ce royaume << seraient un des plus grands maux qui pussent arriver « à l'humanité. >>

(1) Lettres et op., t. I, p. 30.

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