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« L'apparition de cette secte inquiéta le gouvernement. a Richelieu, craignant de trouver en elle un calvinisme << mitigé, et voyant dans ses rangs la plupart de ses enne<< mis, la persécuta. Mais, à sa mort, elle prit des dévelop«pements: elle s'unit intimement au parlement, eut une « part très-active aux troubles de la Fronde, et fournit au << cardinal de Retz ses auxiliaires les plus zélés : « Il se trou« vait, dit Omer Talon, que tous ceux qui étaient de cette << opinion n'aimaient pas le gouvernement. » Le jansénisme, << par ses doctrines opposées à l'autorité et l'appui qu'il << trouvait dans le parlement, pouvait devenir politique et << prendre une position semblable à celle du calvinisme ;... << enfin Port-Royal avait été, après la chute de la Fronde, «<le refuge des mécontents, et principalement de la du«< chesse de Longueville. Mazarin résolut de détruire cette << secte.

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« Le jansénisme, avec ses doctrines sur la grâce, son << opposition à la cour de Rome, son antipathie pour la «< communion, devint ainsi une sorte de lutheranisme bá« tard, la réforme sans le libre examen : « Les gens de «< cette secte, disaient les calvinistes, sont bien embar<< rassés pour démontrer qu'ils ne sont point protestants. >>

...

«Les jansénistes, espèce de stoïciens du christianisme, (( avaient quelque chose de sec, d'étroit, d'égoïste, de << stationnaire; les jésuites.. avaient des idées plus larges, << plus sociales et plus progressives. Louis XIV n'hésita << pas entre ces deux partis... Il regardait les jansénistes « comme des ennemis de l'unité, des protestants cachés, «<les restes de la Fronde: «il croyait voir, dans cette secte, « le caractère et la conduite de ses principaux chefs, une << tendance au presbytérianisme, et il était convaincu qu'ils

<< se seraient montrés aussi séditieux et aussi républi«< cains que les calvinistes, s'ils avaient eu autant d'é<< nergie. >>

<< Tout ce qui haïssait le gouvernement haïssait les jé<< suites, et par conséquent se jeta du côté des jansénistes, << qui devinrent ainsi le parti de l'opposition. Ce n'est pas «< que tous ceux qui embrassaient le molinisme ou le jan<< sénisme s'inquiétassent beaucoup de la grâce et du libre <«< arbitre; mais dans ce temps, où la société était encore «< profondément religieuse, les intérêts politiques se débat<< taient sous la forme des discussions théologiques.

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« Le jansénisme, étant le parti de l'opposition universelle, << avait grandi avec les fautes et les revers de Louis XIV... <«< Il censurait tous les actes du gouvernement; il exagérait << les misères publiques; il accusait le roi d'ineptie, de « cruauté, de lâcheté... C'était une opposition sourde, lâche, «< calomnieuse, mais d'autant plus inquiétante, qu'elle était «< vague, cachée, qu'on la sentait partout, même dans les «< ministères, même à la cour... On peut en considérer «< comme l'expression complète le duc de Saint-Simon. »>

<< Pendant ce temps grandissait, à l'ombre de ces ob<< scures querelles, la dernière héritière de l'idée luthé<< rienne et de toutes ses conséquences jusqu'au jansénis« me, la philosophie du dix-huitième siècle, qui devait <«< renverser les jésuites, la royauté, la société et la re«<ligion elle-même (1). »

(1) Lavallée, Histoire des Français, t. III.

CHAPITRE II

POLITIQUE

I. De la liberté et de la charte.

II. Caractère satanique de la Révo- III. C'est une époque du monde. - IV. Le plus

lution française.
grand des châtiments nationaux.
naires.

- V. Des instruments révolution

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VI. Mort de Louis XVI. VII. La guerre. - VIII. Des constitutions politiques. IX. Caractère du législateur. — X. Des assemblées. XI. Roi et peuple. XII. Les Papes. XIII. Despotisme et gouvernement absolu. - XIV. Services rendus par la Papauté à la civilisation. - XV. De la vitalité des familles royales. XVI. De la légitimité.-XVII. Du gouvernement papal.-XVIII. Rôle du jansénisme dans la Révolution française.

I

Le mauvais principe fait bien ce qu'il peut pour nous étrangler; il n'oublie rien, il est en règle. Cependant son divin antagoniste l'emportera. Il nous faudra du temps et des combats. Mais enfin nous vaincrons, suivant toutes les espérances; je ne le verrai pas, mais je dirai en mourant: Spem bonam certamque domum reporto.

Que vous dirai-je sur votre état actuel? Vous avez raison, il est unique dans l'histoire. J'observe cependant que, parmi les innombrables folies du moment et de tous les moments, il y en a une qui est la mère de

toutes c'est ce qu'on appelait dans l'école le protopseudos, le sophisme primitif, capital, originaire, et surtout original : c'est de croire que la liberté est quelque chose d'absolu et de circonscrit qu'on a ou qu'on n'a pas, et qui n'est susceptible ni de plus ni de moins. A cette belle extravagance vos légisfaiseurs en ont ajouté une autre qui est fille de la première, savoir, que cette liberté imaginaire appartient à toutes les nations, et ne peut exister que par le gouvernement anglais, de manière que tout l'univers est obligé en conscience de se laisser gouverner comme les Anglais jamais on n'a rien vu

d'aussi fou.

Je ne crois pas plus à la charte qu'à l'hippogryphe et au poisson rémora. Non-seulement elle ne durera pas, mais elle n'existera jamais, car il n'est pas vrai qu'elle existe. Dieu n'y est pour rien d'abord; c'est le grand anathème.

Je veux me prêter aux idées du moment: qui me prouvera que votre liberté doit être celle des autres, et que vous ne pouvez pas asseoir celle qui vous convient sur des bases françaises? On n'a pas encore, ce me semble, assez fait honte aux Français. Les voilà donc réduits au rôle de singes ridicules, de mendiants abjects qui vont gueuser une constitution, comme s'ils n'avaient rien chez eux ! Pour moi, si j'étais Français, je veux que le diable m'emporte et me croque tout en vie, si jamais je pouvais me résoudre à prononcer le mot de budget. Est-ce que Sully et Colbert ne savaient pas dresser leurs comptes sans parler anglais ? Mais que dire à des gens qui effacent sur leur monnaie Christus regnat, vincit, imperat, pour y substituer cinq francs?

Le goût, le tact, les talents manquent avec la vertu. Tout reviendra ensemble. Je suis tout à fait libéral, comme vous venez de le voir (1).

II

La révolution française commençait à peine, et déjà son caractère était prononcé. La liberté prenait, en naissant, une attitude sacrilége. A la place du chapeau antique, les serpents des Furies se dressaient sur sa tête effroyable; elle agitait des poignards, elle montait sur des cadavres pour se faire entendre de plus loin. Aussi vile que féroce, jamais elle ne sut ennoblir un crime ni se faire servir par un grand homme. C'est dans les pourritures du patriciat, c'est surtout parmi les suppôts détestables ou les écoliers ridicules du philosophisme, c'est dans l'antre de la chicane ou de l'agiotage qu'elle avait choisi ses adeptes et ses apôtres aussi, jamais un abus plus dégoûtant, une prostitution plus révoltante de la raison humaine n'avaient souillé les annales d'aucun peuple. Ce fut même là le trait primordial et caractéristique de la liberté française on pardonnait plutôt à cette bacchante ses inexpiables forfaits, que ses efforts philosophiques pour les excuser ou pour leur donner des noms respectables. Elle ne parlait que de vertu, de probité, de patriotisme, de justice; et les sages, consternés, ne voyaient sous ses étendards civiques que des prêtres apostats, des chevaliers félons, des sophistes impurs, des phalanges de bourreaux, un peuple d'insensés,

(1) Lettre à M. de Bonald. Turin, 29 mai 1819. (Lettres et op., t. II, p. 516 à 518).

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