Page images
PDF
EPUB

Faire que chacun soit mis et maintenu en possession de ce qui lui revient, c'est faire régner la justice. Cuique suum est l'œuvre des lois civiles, Institutes ou

Codes, nomique.

qui dominent, en effet, toute l'activité éco

<< La troisième fonction consiste à ériger et à entretenir certains établissements utiles au public, qu'il n'est jamais dans l'intérêt d'un individu ou d'un petit nombre, de créer ou d'entretenir pour leur compte, par la raison que les dépenses qu'occasionnent ces établissements surpasseraient les avantages que pourraient en retirer les particuliers qui en feraient les frais.» (Richesse des Nations, liv. IV, ch. Ix.)

Exemples Les phares, les ports, les routes et les canaux, les académies, les hôpitaux, parfois les écoles, etc.

L'initiative individuelle doit être la règle, l'intervention de l'État, l'exception. Pour la justifier, il faut deux conditions premièrement, qu'il s'agisse d'un intérêt public essentiel; secondement, que les particuliers ne créent point les services que cet intérêt réclame. C'est à ce titre que Turgot considère l'instruction publique comme le premier devoir de l'État. L'intervention de l'État, même justifiée, offre toujours des inconvénients : 1° Ce qu'il fait, il ne l'exécute ni vite, ni à bon marché.

2o Le népotisme, le favoritisme, les exigences des partis politiques, ont souvent ce résultat, qu'il se fait des choses inutiles, ou que les choses utiles sont mal faites.

3° L'action de l'État, habituant les individus à compter sur lui, les rend inertes.

L'historien Bunsen voit à Rome une maison qui

brûle. La foule crie; mais personne ne bouge. Pourquoi? Tocca al governo « c'est l'affaire du gouvernement », lui répond-on.

Aux États-Unis, quand un incendie éclate, de toutes parts accourent des pompes admirablement organisées par les particuliers. L'initiative individuelle est cultivée et active.

Jules Simon dit : « L'État doit travailler à se rendre inutile et préparer sa démission. » C'est vrai, mais à condition qu'il ne la donne pas trop tôt.

Sous l'ancien régime, la police était faite, en Espagne, par une société privée. Elle portait un très beau nom : la Santa Hermandad « la Sainte Fraternité »>; mais elle faisait de très vilaines choses.

Si les hommes voyaient clairement ce qui est leur intérêt, leur droit et leur devoir, ils feraient spontanément tout ce qu'ils doivent faire et rien que ce qu'ils doivent faire. Toute contrainte deviendrait inutile. L'État cesserait d'être nécessaire. Ce serait le règne absolu de la vraie liberté qui consiste à faire ce qui est bien.

A mesure que la société progresse, le rôle de l'État doit donc diminuer. Mais ce progrès même est, en grande partie, l'œuvre de l'État.

La fonction essentielle et permanente de l'État est la proclamation et le maintien du droit. L'État est, comme l'a bien dit Quesnay, LA FORCE MISE AU SERVICE DE LA JUSTICE. Sa fonction transitoire, mais non moins importante, est de favoriser l'avancement de la civilisation.

Il est, avant tout, le juge et le gendarme. Mais il est aussi le constructeur de routes et le maître d'école.

§4. Le luxe public.

Plus la société devient démocratique, plus l'État est justifié d'encourager le grand art, le seul luxe qu'il puisse se permettre. L'Athènes de Périclès sera toujours un modèle à suivre.

Pindare dit dans la septième olympiade : « Le jour où les Rhodiens élevèrent un autel à Minerve, il tomba sur l'île une pluie d'or. » La pluie d'or qui tombe sur le peuple, quand on favorise comme il le faut, les lettres et les beaux-arts, c'est celle des jouissances pures et désintéressées.

Voici ce que dit M. Baudrillart1 dans son Histoire du luxe, au sujet du luxe public : « Tantôt il invite la masse à jouir de certains agréments, comme les jardins publics, les fontaines ou le théâtre; tantôt il ouvre les trésors du beau aux multitudes, sevrées de la possession des œuvres de la statuaire et de la peinture. Pour l'art, il a des musées, comme il a des bibliothèques pour les sciences et les lettres, et des expositions pour l'industrie. Sous toutes les formes, enfin, ce luxe collectif, s'il est bien dirigé, profite à tous. Il élève le niveau et féconde le génie de l'industrie. Ce luxe, en outre, a un mérite éminent il ôte au faste ce qu'il a, chez les particuliers, d'égoïste et de solitaire. Il met à la portée de la foule des biens dont le riche seul jouit habituelle

1. Baudrillart, né en 1821, outre l'Histoire du Luxe, a publié un grand nombre d'ouvrages d'économie politique, entre autres un Essai sur les rapports de l'Economie politique et de la morale, et un Manuel, devenu classique avec celui de M. Joseph Garnier.

ment, ou ne fait jouir momentanément qu'un petit nombre de personnes. >>

Athènes a élevé le niveau de la civilisation par la culture assidue du sentiment esthétique. M. Félix Ravaisson veut arriver au même but par l'art dans l'école. « Si, dit-il, l'éducation doit d'abord procéder par réalités et images, c'est pour s'en servir comme de véhicules, afin de s'élever à ce que l'intellectuel a de plus sublime.... L'homme du peuple sur lequel pèse, d'un poids si lourd, la fatalité matérielle, ne trouverait-il pas le meilleur allègement à sa dure destinée, si ses yeux étaient ouverts à ce que Léonard de Vinci appelle la Bellezza del Mondo, s'il était ainsi préparé à jouir, lui aussi, de ces splendeurs que l'on voit répandues sur tout le vaste monde, et qui, devenues sensibles au cœur, comme s'exprime Pascal, adoucissent ses tristesses et lui donnent le pressentiment et l'avant-goût de meilleures destinées. »

Le luxe public ne doit jamais être prélevé sur le nécessaire du peuple, ni encourager chez les riches le goût de l'ostentation et de la sensualité. Il doit toujours servir à fortifier ces sentiments élevés : l'amour de la patrie et de l'humanité, du bien et de la justice.

CHAPITRE IV.

LES IMPÔTS.

§ 1. Qu'est-ce que l'impôt?

Pour payer les services et les serviteurs de l'État, il faut des revenus. Ces revenus peuvent être fournis soit par des domaines, soit par des impôts.

Autrefois, les rois tiraient presque tous leurs revenus de leurs domaines, comme un particulier vit du loyer de ses terres. Aujourd'hui, les terres de la couronne, comme en Russie, ou ailleurs les chemins de fer appartenant à l'État, comme en Belgique, donnent un certain revenu. Cependant, c'est principalement par l'impôt qu'il est pourvu aux dépenses publiques.

Il y avait cet avantage dans les revenus obtenus des domaines, qu'ils ne diminuaient pas ceux des particuliers. L'impôt est un prélèvement imposé sur les revenus de ceux qui y « contribuent », c'est-à-dire des contribuables. Les citoyens achètent à ce prix les avantages de l'ordre social. Montesquieu dit parfaitement : « Les revenus de l'État sont une portion que chaque citoyen donne de son bien, pour avoir la sûreté de

« PreviousContinue »