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blanche des lettres, que l'on fait fortune. C'est par l'économie que s'est fondée celle de la Hollande, parmi ses marais et ses sables. Comme dit le proverbe italien : Molti pochi fanno un assai « Beaucoup de petits riens font un grand tout ».

L'économie est un devoir à l'égard des siens et aussi des autres. Cette charmante femme du XVIe siècle, Mme Geoffrin, qui avait toujours table ouverte pour les gens d'esprit et bourse ouverte pour les malheureux, avait gravé sur ses jetons de jeu: Économie est mère de libéralité.

Dans son revenu, quel qu'il soit, faire la part de ceux qui, sans leur faute, manquent de tout; mais que la bienfaisance soit toujours un encouragement au travail, jamais à l'oisiveté.

Ne jamais favoriser les consommations nuisibles. « J'ai entendu dire que l'ivresse du peuple lui était nécessaire pour s'étourdir sur ses maux: il vaut mieux diminuer ses maux que vanter son ivresse. » (J.-B. Say, Cours complet, vii, 9.)

Veillez à tout et ne négligez rien. Rappelez-vous l'apologue oriental Faute d'un clou, le cheval perd son fer; faute du fer, le cavalier perd son cheval, et faute de son cheval, il est pris et tué. Quand Garfield commandait un corps d'armée, il avait coutume de dire « Te.neż tout en ordre de la roue d'un affût peut dépendre la victoire. »

§ 2. Différentes espèces de consommations:

On peut distinguer les consommations :

1° D'après les personnes qui les font: en privées,

faites par les particuliers, et publiques, faites par les pouvoirs publics, État, province, commune;

2o D'après le temps qu'elles durent : en rapides et lentes.

Les services rendus, la consultation d'un avocat ou d'un médecin, par exemple, se consomment à l'instant même; les denrées alimentaires, au bout de peu de jours et, au plus, dans l'année, sauf les vins et les conserves; les vêtements servent plus longtemps; l'ameublement, et surtout les bâtiments, plus longtemps

encore.

Les consommations lentes sont préférables, car elles favorisent l'accumulation des choses utiles. Buvez une bouteille de vin de cinq francs: après la jouissance passagère, il ne reste rien. Achetez avec le même argent un bon livre, il vous procurera agrément et instruction à vous, votre vie durant, et à vos enfants après

vous.

Quand tout passe par la bouche, on reste dans le dénuement. Une bonne maison bien meublée est le nid de la famille laborieuse et heureuse.

En Hollande, on trouve partout, même dans les campagnes, de jolies habitations où rien ne manque. Peuple raisonnable et prévoyant, les Hollandais ont créé le home, la « demeure confortable ».

3o D'après leur résultat, on distingue encore les consommations en improductives et reproductives.

Consommer les produits pour satisfaire les besoins rationnels, tel est le but de la production. La consommation est donc la raison d'être de la production et la fin dernière de l'activité économique.

Mais, pendant que je consomme, il faut que je repro

duise, sinon je serai dans le dénuement, et tout s'arrêtera. Sous peine de mort, la consommation doit donc être reproductive.

Elle est improductive ou stérile quand celui qui consomme ne produit rien. Évidemment, le fainéant ne peut vivre qu'en prélevant sur les fruits du travail d'autrui.

De la poudre est tirée dans une guerre injuste: consommation improductive, funeste même. De la poudre est tirée dans une houillère : consommation reproductive, car il en sort le charbon qui fait marcher les machines.

4° On peut distinguer encore la consommation de jouissance et la consommation industrielle. La première a pour but la satisfaction immédiate des besoins; la seconde, la confection de choses qui y serviront ultérieurement.

Toute production nécessite une consommation. Voulez-vous faire une paire de souliers, il faut consommer du cuir, du fil, des clous, des outils et des provisions, pour subsister pendant la durée du travail. La consommation industrielle correspond aux « frais de production ».

Les consommations de jouissance de l'ouvrier et de l'ingénieur, comme celles du magistrat ou de l'instituteur, sont aussi des consommations industrielles; car elles sont les frais de production du travail effectué ou du service rendu.

Si les biens produits dépassent les biens consommés, le pays s'enrichit. Dans le cas contraire, il s'appauvrit. L'accroissement de la richesse dépend donc. du bon emploi des biens.

Un pays s'enrichit d'autant plus vite qu'il y a moins de consommations improductives et que les consommations industrielles sont plus productives.

§ 3. Faut-il encourager l'accroissement

de la consommation?

L'accroissement des consommations reproductives est seul utile. Mais, dit-on, besoin est mère d'industrie voyez le sauvage, il croupit dans l'inertie parce qu'il n'a pas de besoins.

Pour arracher l'homme à la vie végétative, il peut être bon, au début, de lui faire apprécier les aisances de la vie; mais, bientôt, ce qu'il faut lui apprendre, c'est d'accumuler du capital, de produire plus de biens et surtout d'en faire bon usage.

Les modernes, mesurant le degré de civilisation au raffinement des jouissances, poussent à la multiplication des besoins. Les anciens, au contraire, prêchaient la modération des désirs.

Celui qui peut dire, comme le philosophe antique : Omnia mecum porto, est vraiment libre. Celui qui a mille besoins en est esclave, et il a besoin d'autres esclaves pour les satisfaire.

Stuart Mill a dit : « On est utile aux autres, non par ce que l'on consomme, mais par ce que l'on ne consomme pas soi-même. » C'est ainsi, en effet, qu'on crée le capital, fonds des salaires, base du crédit et aliment de l'industrie.

CHAPITRE II.

LES CONSOMMATIONS PRIVÉES.

§ 1. Les consommations de luxe

Au xvme siècle, on discutait beaucoup au sujet du luxe. « Le luxe, dit un financier, soutient les États. >>

« Oui, répond un économiste, comme la corde scutient un pendu. »

L'économiste avait raison.

Est objet de luxe ce qui est à la fois superflu et coûleux, c'est-à-dire ce qui satisfait un besoin factice et a coûté beaucoup de journées de travail. Sacrifier le fruit d'un long travail à une vaine jouissance ne peut jamais être qu'un mal.

Mais ce qui était luxe hier cesse de l'être demain, si l'industrie perfectionnée le produit à bon compte. Une chemise sur le corps et une cheminée dans la maison étaient un grand luxe au moyen âge; c'est aujourd'hui une nécessité, même pour le plus pauvre.

La sagesse antique et la morale chrétienne condamnent le luxe avec une égale véhémence. L'instinct du bien leur avait fait voir ce qu'a démontré depuis la science économique. Le luxe est pour ceux qui jouissent

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