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pour l'instruction de ses serfs ni d'elle-même. Dans aucun pays la culture intellectuelle et morale, l'aisance et le bonheur n'ont été aussi généraux que dans la Nouvelle-Angleterre, avant que la protection y ait développé la grande industrie.

On a l'habitude de mesurer la civilisation d'un État d'après la masse des produits que l'industrie y fait naître. C'est à tort : jamais la civilisation n'a brillé d'un plus vif éclat qu'à Athènes, où les arts et les lettres ont atteint le plus haut point de perfection, mais où, l'industrie était restée dans l'enfance.

La protection n'est plus nécessaire aujourd'hui, comme au temps d'Adam Smith. Les découvertes et les procédés sont immédiatement connus partout. Le capital et l'esprit d'entreprise sont sans cesse en quête pour exploiter les richesses naturelles, dans quelque pays que ce soit.

La protection temporaire devient permanente, car les intérêts que le privilège a créés se coalisent et s'opposent à toute réforme.

§ 5. Le système de la réciprocité.

Les partisans de ce système disent: Nous voulons le libre échange, mais réciproque et bilatéral : l'étranger nous ouvre-t-il sa frontière, nous lui ouvrons la nôtre; taxe-t-il nos produits, nous taxons les siens. C'est la loi du talion appliquée au commerce. C'est aussi le cas des représailles à la guerre. Ce système est appelé maintenant en Angleterre fair trade « commerce loyal»>, par opposition à free trade « commerce libre. »

Les libre-échangistes répondent L'étranger, en taxant vos produits à l'entrée, vous cause un dommage; mais, en taxant les siens, vous vous causez un second dommage, puisque vous vous obligez à payer ceux-ci plus cher. Parce qu'il vous nuit, vous vous mettez à l'amende. Il vous appauvrit, et vous vous ruinez.

Le système de la réciprocité ne peut se défendre que comme moyen de guerre. Mais à ce titre il sert de base à tous les traités de commerce. En taxant les produits des principales industries de l'étranger, je me fais, chez lui, des alliés de tous ceux qui les exercent, car, pour obtenir que j'abaisse les droits, ils réclameront qu'on me fasse des concessions.

La réciprocité est l'enseignement obligatoire du libre échange.

§ 6. Les traités de commerce.

Chaque État arrête une liste des droits à payer à l'importation des différentes espèces de marchandises. C'est ce que l'on appelle le tarif général.

Ensuite, il négocie avec les autres États des traités de commerce, dans lesquels il accorde des réductions de droit sur certaines marchandises, à condition qu'on en accorde pour les siennes. Chacun tàche d'obtenir ainsi des droits plus modérés pour les industries dont la prospérité lui tient le plus à cœur. La France insiste. pour ses vins et ses soierics, la Belgique pour ses charbons et ses fers, l'Angleterre pour ses cotons et ses quincailleries.

Les États signataires stipulent souvent que chacun

d'eux jouira de toutes les réductions accordées ultérieurement à d'autres pays..

C'est la clause « de la nation la plus favorisée ».

L'avantage des traités de commerce, c'est d'assurer à l'industrie cette chose essentielle: la stabilité du régime des douanes étrangères pendant toute la durée des traités.

Aujourd'hui, les traités de commerce ont plus d'im portance que les traités politiques, car c'est des premiers que dépend, en partie, le progrès de l'industrie dans chaque pays, et, ce qui n'est pas moins important, le développement des relations commerciales et de la communauté d'intérêts entre les différents pays.

LIVRE IV.

LA CONSOMMATION DES BIENS.

CHAPITRE I.

DE LA CONSOMMATION DES BIENS.

§ 1. Qu'est-ce que consommer?

Par les travaux successifs du cultivateur, du meunier et du boulanger, un pain a été produit. Je le mange, la matière reste; je ne puis en anéantir une parcelle; mais la propriété qu'elle avait de me nourrir sous forme de pain, c'est-à-dire son utilité, a cessé d'être. Il y a consommation d'un bien, d'une richesse. Consommer, c'est donc détruire, par l'usage, l'utilité que la production avait mise dans les choses.

L'utilité des choses peut être anéantie autrement que pour l'usage de l'homme. Une maison est brûlée; un objet ne sert plus, par suite d'un changement dans les goûts, dans la manière de vivre ou de produire : ainsi les chaises à porteur ou les sabliers. Dans ce cas, il y a destruction ou diminution de richesse; il n'y a pas consommation.

Certains économistes ont voulu exclure du cercle de leur science ce qui concerne la consommation, fait individuel, disaient-ils, qui relève de la liberté, de la morale et de l'hygiène.

C'est, au contraire, en s'occupant de l'emploi des richesses, que les anciens ont touché à l'économie politique. Ils avaient raison; car, d'abord, la production ne fait qu'obéir à la demande de la consommation. En second lieu, faire servir la richesse au développement de l'homme, tel est le but dernier de la science économique. L'usage rationnel des biens constitue la félicité des peuples, et c'est précisément cela qu'ont en vue toutes les sciences sociales.

Bien répartir et bien employer la richesse est plus important qu'en beaucoup produire. Ainsi que l'a dit très justement Xénophon : « Toute richesse n'est utile que pour celui qui sait en faire un bon usage.»

C'est dans le règlement des dépenses que la morale et l'hygiène viennent imposer leurs commandements à l'économie politique. Ils sont nombreux, en voici quel

ques-uns:

Supprimer les consommations réellement improductives.

Diriger les consommations productives, conformément aux prescriptions de la science.

Régler la consommation de façon qu'elle favorise le développement des facultés morales, intellectuelles et physiques.

Ne rien accorder au superflu avant d'avoir satisfait au nécessaire.

Ne rien laisser perdre inutilement. C'est en ramassant l'épingle tombée à terre ou en utilisant la feuille

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