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ché, une crise née dans l'un deux atteint plus ou moins tous les autres, par contre-coup. L'exemple suivant le démontre parfaitement.

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La crise de 1857 commença aux États-Unis en septembre. Le 13 octobre, elle arriva au paroxysme. L'escompte monta à 50, à 60 pour 100 nul ne pouvait plus payer. Toutes les banques suspendirent leurs remboursements. On compta 5123 faillites, avec un passif d'un milliard et demi de francs. La crise atteignit l'Angleterre en novembre et s'y déchaîna aussi avec une violence inouïe. De là elle s'abattit sur Hambourg et les places scandinaves, Copenhague et Stockholm. Elle se fit sentir ensuite successivement dans l'Allemagne du Nord, à Vienne, en Égypte, aux Indes, à Java, et, complétant son tour du monde, au Chili, à Buenos-Ayres et à Rio-Janeiro. Le cyclone financier avait marché, comme ceux de l'atmosphère, d'occident en orient, semant partout des ruines sur son passage.

Ces faits prouvent clairement cette importante vérité: que, pour le mal comme pour le bien, la solidarité du genre humain devient de plus en plus effective.

Les crises lentes sont les conséquences d'une contraction de l'instrument des échanges. Celle qu'on a constatée en Europe et aux États-Unis, de 1873 à 1879, en offre le type. Les prix restent bas. Les bénéfices sont nuls ou minimes. Le capital se forme plus lentement. L'esprit d'entreprise n'est pas stimulé même par la baisse de l'intérêt. La vie économique semble affaiblie.

§ 4. Causes des crises commerciales et monétaires.

Ces crises sont occasionnées par des causes diverses: ouverture d'un nouveau marché; intérêt très bas stimulant les spéculations excessives; mauvaises récoltes, nécessitant des importations exceptionnelles de denrées alimentaires; changement soudain dans les voies du commerce, comme à la fin d'une grande guerre, en 1815 et en 1871.

Ces causes diverses peuvent êtres groupées de la manière suivante:

1° Emploi très général des titres de crédit comme agent de circulation. Les billets de banque, effets de commerce, chèques, dépôts en banque, sont tous des promesses ou des ordres de payement en numéraire, et cependant il n'y en a pas assez, à beaucoup près, pour suffire aux payements à faire. L'immense superstructure du crédit repose donc sur une base métallique très étroite. Les neuf dixièmes des transactions en An

gleterre et aux États-Unis, les trois quarts sur notre continent, se règlent au moyen du crédit. Tant que la confiance le soutient, ce mécanisme perfectionné fonctionne admirablement; mais quand le crédit se resserre, tous les agents fiduciaires de la circulation se contractent et les prix baissent. Si la contraction et la baisse sont fortes et brusques, il y a crise.

2o Dans la période d'expansion, un nombre considérable de dettes à court terme sont contractées souscriptions à des émissions d'actions ou d'obligations non libérées, c'est-à-dire dont il faut verser le capital

successivement, grands achats de valeurs et de marchandises à crédit, dans l'espoir que leur prix haussera, nombreux placements à l'étranger, déterminés par la modicité de l'intérêt, etc. Cette masse énorme de dettes. basées sur le crédit constitue pour ainsi dire l'élément morbide de la crise.

3o La cause déterminante de la crise est toujours une diminution dans la quantité de monnaie disponible, amenée, tantôt par l'exportation, tantôt par l'absorption intérieure. Cette diminution restreint les ressources des banques qui maintiennent la marche des rouages du crédit. Ceux-ci ne fonctionnent plus comme d'ordinaire ; les échanges et les payements se font mal ou point : il en résulte des pertes, des ruines, des faillites, en un mot la crise.

§ 5. Moyens préventifs et remèdes des crises.

Pour prévenir ou guérir une maladie, il faut en combattre les causes. La nature des causes indique celle des remèdes.

1° Conserver à l'emploi du crédit une base suffisante en numéraire. Les auteurs les plus compétents s'accordent à dire que les États-Unis et l'Angleterre ont dépassé la mesure. La France a moins souffert des crises que ces deux pays, parce que la circulation métallique y est relativement plus considérable.

Les pertes occasionnées par les crises dépassent de beaucoup l'économie faite sur l'emploi du numéraire. 2o Dans les moments d'expansion excessive, restreindre les engagements à terme au lieu de les multiplier.

3° Élever à temps le taux de l'escompte, pour modérer les excès de l'expansion, ou pour rappeler l'argent quand il est parti. L'escompte élevé, déprimant tous les prix, ramène les acheteurs et par conséquent le numéraire.

§ 6. Crises industrielles.

Ces crises ne sont pas générales, comme les précédentes. Elles atteignent tantôt l'une, tantôt l'autre industrie. Plusieurs causes les produisent :

1° Fermeture d'un débouché important, comme en 1864, quand tous les ports des États du sud de l'Union américaine étaient bloqués.

2o Une concurrence nouvelle. L'agriculture de l'Europe occidentale souffre, en ce moment, parce que les Etats-Unis fournissent le blé à très bas prix.

3o Excès de production. Quand une industrie a donné des bénéfices exceptionnels, de nombreux capitaux s'y engagent; trop d'usines nouvelles s'établissent. La production dépasse les besoins de la consommation. Les prix baissant, les moins bien outillés sont ruinés. Il y a crise de « surproduction ».

§ 7. Crises de bourse ou krachs.

On a appelé ce genre de crises krach, parce qu'elles se manifestent par un écroulement soudain.

Si l'on veut en connaître la nature et les causes, il faut lire l'histoire du « système » de Law. L'Écossais Law arrive en France en 1715. Par ses connaissances

financières et le brillant de son génie, il séduit le Régent, qui met à sa disposition toute la puissance de l'État. Law fonde une banque comme celle d'Angleterre, crée des sociétés commerciales comme celles de la Hollande, monopolise en ses mains tout le commerce avec l'Asie, l'Amérique et l'Afrique, se charge à forfait de la perception des impôts, et rembourse la dette de l'État, qui était de un milliard et demi. Pour faire ces prodigieuses opérations, il émet 624 000 actions de 500 livres, qui, montant à 10 000 livres, représentent une somme de 6 240 000 000 1. et dix-sept milliards de billets de banque. Il crée, en même temps, la matière de la spéculation et les moyens de la pousser jusqu'à la démence. On se dispute les actions. Chacun veut en obtenir à tout prix, car quiconque y touche s'enrichit. L'action monte, monte sans cesse et atteint, le 5 janvier 1720, le prix insensé de 18000 livres. L'agiotage crée en quelques jours des fortunes énormes. Tous les prix s'élèvent et chacun s'enrichit. Mais bientôt naît la défiance. L'action baisse; Law veut arrêter la chute, en la rachetant à 9 000 livres, au moyen de billets de banque qu'il émet. La défaveur atteint alors le billet. Le public ne veut plus de papier d'aucune espèce, mais du numéraire. Il n'y en a pas à avoir, car l'argent se cache. Tout s'écroule. Ces amas de titres et de billets, qui ont représenté un moment dix milliards, s'évanouissent avec la confiance qui leur avait donné l'être.

Voici donc en deux mots la physionomie du krach. L'engouement du public fait monter une valeur. Si cet engouement est général, la hausse est considérable, continue, et les bénéfices sont énormes. Cela attire les acheteurs. Plus il y a d'acheteurs, plus chacun d'eux

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