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en assignats valaient à peine une livre en argent, et cette valeur variait énormément d'un jour à l'autre. Une paire de bottes se payait 1500 livres.

En juillet 1796, le cours légal des assignats fut supprimé.

L'importante leçon qui ressort de ces faits est celleci la monnaie fiduciaire, fût-elle garantie par des biens-fonds, se déprécie si elle dépasse les besoins de la circulation.

§ 6. Création libre des banques d'émission.

L'émission des billets de banque doit être accordée à toute personne et à toute société qui acceptent la responsabilité de leurs actes; mais elle doit être interdite aux sociétés à responsabilité limitée, parce que celles-ci constituent une exception au droit com

mun.

Le règlement de la monnaie a toujours été reconnu, et avec raison, comme une attribution de l'État. La quantité de la monnaie influe sur tous les prix, et, par conséquent, sur la situation financière et les relations juridiques de chacun. Or les billets de banque sont une monnaie de papier, agissant sur les prix comme la monnaie de métal.

L'histoire des banques aux États-Unis montre clairement les dangers de la liberté illimitée de l'émission de ces billets.

Le progrès nous a conduits des monnaies locales aux monnaies nationales, et des monnaies nationales aux

monnaies internationales. Le même progrès doit se réaliser pour le billet de banque.

L'unité des moyens d'échange a les plus grands avantages, et leur diversité, de grands inconvénients.

CHAPITRE V.

LES CRISES MONÉTAIRES, COMMERCIALES ET INDUSTRIELLES.

§ 1. Nature des crises.

Les crises sont les maladies du crédit, car les pays qui font peu usage du crédit y échappent. Elles sont tantôt aiguës comme une inflammation, tantôt lentes et insidieuses comme une anémie.

Elles produisent un trouble profond dans l'échange et, par suite, dans la production, occasionnant ainsi de grandes pertes et de nombreuses ruines. On distingue trois espèces de crises:

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1o Les crises monétaires et commerciales ;

2o Les crises industrielles ;

.5° Les crises de bourse.

C'est un des phénomènes économiques qu'il importe le plus de connaître, car celui qui les connaît, risque moins de perdre et a plus de moyens de gagner.

§ 2. Périodicité des crises commerciales et monétaires.

Depuis un siècle, c'est-à-dire depuis l'époque où l'emploi du crédit s'est généralisé en Angleterre, des

crises économiques y ont lieu presque tous les dix ans. En voici les dates: 1765-17831795-1803 - 1825 1858 1847 - 1857.- 1864 à 1866 1873 à 1879.

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On a cru voir dans le retour périodique des crises. une sorte de loi naturelle. Un économiste mathématicien anglais, M. Jevons, a même prétendu qu'elles étaient déterminées par les taches du soleil, et voici comment. La cause principale des crises est l'exportation du numéraire. Le numéraire est exporté pour payer le blé importé durant les années de mauvaise récolte. Les mauvaises récoltes sont le résultat des étés défavorables, et ceux-ci ont pour cause les taches du soleil. L'explication est ingénieuse, seulement elle n'est pas conforme aux faits.

La périodicité des crises n'est pas une loi naturelle. Elle s'explique par le retour des circonstances qui les engendrent. La science financière peut nous enseigner les moyens de les conjurer.

§3. Physionomie des crises.

Elles éclatent ordinairement à la suite de plusieurs années consécutives .de prospérité. Alors les capitaux s'accumulent. Offerts sur le marché, ils font baisser le taux de l'intérêt. L'argent à bon marché stimule l'esprit d'entreprise. Un grand nombre de sociétés sont fondées. Les titres qui représentent le capital de ces sociétés sont très recherchés. Leur prix monte; ceux qui en achètent gagnent vite et gros. Chacun veut acheter pour gagner à son tour, et ainsi la hausse continue et sti

mule la demande par les bénéfices croissants qu'elle apporte; nul ne perd. Tout ce qu'on touche se transforme en or. C'est le Pactole. Le prix des marchandises s'élève aussi; car tous les gens enrichis consomment davantage.

Ceci est la période « d'expansion ». Elle repose sur l'emploi du crédit sous toutes les formes.

Arrive une circonstance qui absorbe le numéraire, base du crédit, par exemple des importations exceptionnelles de céréales, par suite d'une récolte insuffisante, ou des placements considérables de fonds à l'étranger.

La banque régulatrice élève le taux de l'escompte. Le crédit se resserre. La confiance disparaît. L'inquiétude se répand. La panique se déclare; chacun veut vendre, et il n'y a plus d'acheteurs. Les prix baissent, baissent toujours. Le crédit se refuse absolument. C'est la période de « révulsion ». Ceux qui ont des payements à faire, ne pouvant plus ni emprunter, ni vendre, sont mis en faillite. Les banqueroutes succèdent aux banqueroutes. C'est la crise. Dans sa violence elle ne dure pas longtemps. La baisse excessive de tous les prix ramène les acheteurs, par suite le numéraire et par suite le crédit. Mais, pour réparer tant de ruines, il faut quelques années : c'est la période de « réparation ». La période d'expansion recommence ensuite, pour aboutir à une nouvelle crise. Cette succession de faits, résultant les uns des autres, explique suffisamment le cycle de neuf à dix ans.

Depuis que les relations commerciales et financières, devenues plus faciles et infiniment plus fréquentes, font, pour ainsi dire, de tous les pays civilisés un seul mar

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