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Les lois qui développent ces qualités et qui assurent l'exécution rigoureuse des engagements ont pour résultat de répandre et d'accroître le crédit.

Ici encore on voit comment les vertus et les bonnes lois favorisent la production de la richesse.

La créance, quand elle est constatée par écrit, donne naissance à différents titres de crédit : billet de banque, billet à ordre, lettre de change, chèque, cédule hypohécaire, obligations de villes, de sociétés industrielles, emprunts d'État.

Le crédit personnel a pour base soit les qualités individuelles, soit la fortune connue ou supposée du débiteur; le crédit réel, des biens (res) qu'il engage ou qu'il donne en garantie. Gage réel est plus sûr que caution personnelle. Plus est cautionis in re quam in persona, dit le droit romain, cette « raison écrite ».

§ 2. Les avantages et les effets du crédit.

Le crédit permet au travail, dont il favorise la productivité, d'accroître la richesse; mais il ne la multiplie point par lui-même. Il augmente l'activité des capitaux, non leur quantité.

Tout crédit, en effet, se résume en une promesse ou en un ordre de payement, c'est-à-dire en une signature; on ne crée pas des capitaux par un trait de plume.

Le crédit semble multiplier les capitaux, parce que, à côté de la chose due, apparaît la promesse qui y donne droit; mais, en fait, il n'y a point deux choses: l'une n'est que l'ombre de l'autre. Brùlez tous les titres de crédit rien de réel n'a cessé d'exister. Les rapports

juridiques seuls ont changé. Les créanciers perdent exactement ce que les débiteurs gagnent.

Une maison se reflète dans l'eau on dirait deux maisons. Si l'eau se ride, le reflet disparaît; mais ce qui était réel continue à subsister.

Quand j'achète une promesse de cent francs, ce que j'acquiers c'est la propriété future de cette somme et l'intérêt y afférent. Un bien et le titre de propriété de ce bien ne font pas deux choses.

Les effets utiles du crédit sont les suivants :

1o Le crédit apporte au travail le capital dont il a besoin pour produire.

Un homme aux bras vigoureux prend possession d'une terre fertile, mais il lui manque des outils pour la mettre en culture et des provisions pour subsister jusqu'au temps de la récolte: il meurt de faim, et la terre reste improductive. Je lui prête de quoi se procurer outils et subsistance: il se met à l'œuvre, et à la fin de l'année il me rembourse la somme avancée ; désormais il peut vivre des fruits de son travail. Voilà comment le crédit, venant en aide au travail, favorise l'accroissement de la richesse.

2o Le crédit fait valoir les épargnes et empêche ainsi le chômage des capitaux.

En Orient, celui qui fait des épargnes n'ose les prê. ter, de crainte de les perdre. Il préfère les convertir en pierreries, dont il orne son chibouque, son yatagan ou les harnais de son cheval. Plus prudent encore, il les enfouit, pour les soustraire à la rapacité du fisc. La richesse que crée l'épargne ne sert en rien à la production. Le crédit n'existe pas.

En Écosse, propriétaires, fermiers, manufacturiers,

artisans, tous déposent dans les banques leurs fonds disponibles, et ceux-ci sont immédiatement prêtés aux producteurs. Ainsi nulle parcelle du capital ne chôme. Basé sur l'honnêteté et sur l'amour du travail, le crédit règne et accomplit des merveilles.

3o Le crédit fait passer le capital aux mains de ceux qui peuvent en tirer le meilleur parti.

Le capital nouveau est, pour la plus grande partie, créé par ceux qui, n'exerçant pas d'industrie, ne peuvent en faire un emploi rémunérateur. Le moyen d'en tirer un revenu est de le prêter directement, ou, par l'entremise des banquiers, à ceux qui peuvent en donner le plus fort loyer. Qui en donnera le plus fort loyer? Ceux qui en feront l'emploi le plus productif.

Le crédit transporte donc constamment le capital aux lieux et aux mains où il rapporte le plus.

Il excite par conséquent à épargner, puisqu'il assure à l'épargne une rémunération immédiate et aussi élevée que possible.

4o Le crédit permet d'exécuter immédiatement de grands travaux ou de faire face à des besoins extraordinaires, comme en temps de guerre, en escomptant les revenus ou les produits attendus dans l'avenir. Toutefois, même dans ce cas, le crédit ne crée rien. Il donne seulement la disposition de capitaux préexistants. Il n'y a point, comme on l'a prétendu, anticipation sur l'ave- . nir ou dégagement de capitaux engagés. Ce sont là des métaphores. On ne peut utiliser que des choses qui existent actuellement. En économie politique comme ailleurs, il faut se souvenir du mot si profond de PaulLouis Courier: « De la métaphore et du malin, préservez-nous, Seigneur. »

5o Le crédit crée des moyens économiques de payement. Jl permet ainsi de faire les échanges avec une quantité moindre de monnaie métallique. L'or et l'argent, devenus disponibles, peuvent être livrés à l'industrie ou exportés, en échange d'objets utiles à la consommation ou à la production. Comme l'a dit Adam Smith, le crédit ouvre, pour l'échange des produits, des chemins dans les airs, et ainsi les routes ordinaires, pouvant être mises en culture, produisent un nouveau contingent de denrées alimentaires.

Toutefois cet avantage est en partie plus apparent que réel; car, soit que l'or et l'argent restent dans le pays, soit que l'on considère le globe entier, les moyens d'échange fiduciaires ajoutés à la monnaie métallique poussent à la hausse des prix.

D'autre part, il est certain aussi que la facilité plus grande des échanges stimulera l'industrie et le commerce, qui, par suite, auront besoin de plus d'instruments d'échange. Et alors il n'y aura ni dépréciation du numéraire, ni hausse des prix.

Voici comment le crédit fait l'office de monnaie. Une personne solvable promet de payer mille francs; cette promesse, inspirant une entière confiance, est reçue en payement comme mille francs en argent, et, passant de mains en mains, elle règle toutes les transactions aussi bien que la somme en espèces à laquelle elle donne droit et qu'elle représente. Il s'établit ainsi une circulation fiduciaire (fiducia « confiance ») à côté de la circulation en numéraire.

Les instruments d'échange fiduciaires ont les avantages suivants :

1° Ils sont encore moins encombrants que l'or.

2o Ils permettent de compter rapidement de grandes

sommes.

3o Ils échappent au « frai », c'est-à-dire à l'usure, qui diminue peu à peu le poids des espèces.

4° Ils s'expédient facilement au loin.

5° Quelques-uns peuvent être faits de telle sorte que celui qui les volerait ne puisse en obtenir le payement.

Tous les instruments d'échange fiduciaire reposent sur la monnaie métallique, puisqu'ils donnent droit à toucher des sommes en espèces. Mais tant qu'ils circulent ils remplissent l'office de la monnaie.

§ 3. Les inconvénients du crédit.

La mère dit à son fils: N'achète rien qu'argent comptant; le crédit, c'est la ruine.

Le père dit : Le crédit, c'est la vie de l'industrie; s'il se refuse, c'est la ruine.

Tous deux, ont raison. La mère parle du crédit qui active la consommation improductive: il est funeste. Le père parle du crédit qui active la production : ce crédit est bienfaisant.

Malheureusement les grands emprunteurs, les États, ont recours au premier plus qu'au second. Ils dévorent les capitaux improductivement, dans la guerre et dans les préparatifs de guerre.

Le crédit permettant d'acheter, non seulement avec ce que l'on a, mais aussi avec ce que l'on espère avoir, favorise les spéculations hasardeuses et la surexcitation excessive de l'industrie et du commerce.

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