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en argent deux fois plus haut, ce qui n'est un avantage pour personne.

Mais un changement dans la valeur de la monnaie, pendant qu'il s'accomplit, apporte un grand trouble dans les relations juridiques et économiques, parce que toutes les dettes et tous les contrats sont basés sur des prix qui changent.

Cultivateur, je dois à l'État vingt francs d'impôts, et à un créancier hypothécaire vingt francs d'intérêt. Si l'hectolitre de blé vaut vingt francs, je m'acquitte de ces deux obligations avec deux hectolitres. Si le numéraire et, par suite, les prix diminuent de moitié, pour payer ce que je dois, il me faudra livrer quatre hecto. litres.

Une diminution absolue ou relative de la monnaie, abaissant les prix, a donc pour conséquence momentanée de contracter le mouvement des échanges et l'activité de la production, et pour résultat définitif d'accabler les débiteurs.

L'accroissement de la monnaie, augmentant les prix, a pour effet de stimuler les échanges et la production, et de soulager les débiteurs.

C'est ce qui a fait dire à M. Dupont-White que Christophe Colomb avait rapporté d'Amérique la quittance des anciennes dettes; et, à M. P. Leroy-Beaulieu, que la France aurait fait banqueroute sans l'augmentation extraordinaire de la production de l'or, après 1848. (Science des finances, II, p. 323.)

Il est désirable que la monnaie conserve une valeur aussi stable que possible, et il en sera ainsi tant que la quantité en augmentera dans la même proportion que le nombre des échanges à opérer au moyen de numéraire:

§ 5. Systèmes monétaires.

Dans les temps primitifs, comme encore aujourd'hui dans beaucoup de pays, en Chine, par exemple, on se sert des métaux précieux, comme moyen d'échange, en les pesant. Chez les Romains, au début, l'as était l'unité de poids et l'unité de monnaie. Nos systèmes monétaires dérivent de celui de Charlemagne, où la livre d'argent était l'unité monétaire.

Afin de faciliter leur emploi, l'État a frappé des disques d'argent et des disques d'or, en spécifiant leur poids, leur teneur en métal fin, leur nom et, par conséquent, leur valeur légale, c'est-à-dire leur puissance légale de payement.

Faut-il payer une certaine somme, il n'est plus né cessaire « d'essayer » le métal et de le peser; il suffit de compter un certain nombre de pièces. De là le terme de numéraire ce qui sert à compter.

Afin de rendre les pièces d'or et d'argent plus dures et par conséquent moins sujettes à l'usure, on ajoute au métal fin une certaine proportion de cuivre : c'est l'alliage. La proportion entre le métal fin et l'alliage est le titre. Nos monnaies principales sont au titre de neuf dixièmes de fin, ce qui veut dire qu'elles contiennent un dixième d'alliage. Une pièce est dite de bon aloi quand elle est au titre légal.

L'unité monétaire est la pièce d'or ou d'argent, dont les autres pièces sont les multiples ou les sous-multiples. Chez nous, c'est le franc; en Angleterre, la livre

sterling; en Allemagne, le marc; en Hollande, le florin; aux États-Unis, le dollar.

Parmi les pièces de monnaie, il en est qui ont cours légal pour tout payement sans limites: ce sont les monnaies-étalons.

Les autres pièces, d'un titre inférieur, n'ont cours légal que pour les petits payements: ce sont les monnaies divisionnaires ou d'appoint.

Pour les menus payements, il est émis de la monnaie de billon. Elle est ordinairement en bronze ou en nickel.

L'ensemble des lois et règlements concernant la monnaie constitue le système monétaire.

Autrefois les souverains monarques, cités, évêques, seigneurs, se réservaient le droit de « battre monnaié », parce que, l'émettant pour une valeur nominale supérieure à la valeur du métal qu'elle contenait, la différence entre les deux valeurs, appelée seigneuriage, était pour eux un bénéfice, et ainsi une source de revenu.

Les souverains ont, à différentes reprises, abusé de ce droit de battre monnaie, pour en diminuer la valeur, soit en diminuant la quantité de métal fin contenu dans les espèces, soit en leur attribuant une plus grande valeur légale. Si, avec l'argent d'une pièce d'une livre, on frappe deux pièces d'une livre, en y ajoutant de l'alliage, ou si l'on déclare qu'une pièce d'une livre sera dorénavant reçue pour deux livres, tous les payements seront réduits de moitié. C'est la façon dont les États faisaient banqueroute autrefois.

Philippe le Bel était appelé le faux-monnayeur, parce qu'il avait fait grand usage de ce moyen de diminuer ses

dettes. Aussi Dante (Parad., cant. XIX, v. 118-120) le place dans l'Enfer :

Li si vedrà il duol che sopra Senna
Induce, falseggiando la moneta,

Quei che morrà di colpo di cotenna,

« Là, on verra la douleur que fit éprouver sur les bords de la Seine, en falsifiant la monnaie, celui qui mourra frappé par un pourceau. »

Plutarque rapporte que, pour soulager les débiteurs, Solon décréta que la mine vaudrait à l'avenir cent drachmes, au lieu de soixante-treize, « de manière, ajoute notre auteur, que ceux qui devaient des sommes considérables, en donnant une valeur égale en apparence, quoique moindre en réalité, gagnaient beaucoup, sans rien faire perdre à leurs créanciers ». Plutarque énonce ici l'erreur qui a présidé à toutes les émissions de monnaie « diminuée » et de papier-monnaie déprécié; nul ne semble perdre parce que tous les payements se font aussi bien avec les pièces réduites en valeur qu'avec les anciennes. Seulement les prix montent à proportion que l'unité monétaire perd de sa valeur.

En France, il est facile de mesurer la réduction de valeur de l'unité monétaire, qui est résultée des « diminutions >> successives décrétées par les souverains. La livre, monnaie de Charlemagne, était un poids d'une livre en argent et valait environ 66 francs. A la fin du xvme siècle, la livre ne valait plus que 99 centimes.

Quand on veut bien comprendre les passages des historiens où il est question de sommes de monnaie et de prix, il faut, premièrement, savoir quelle quantité d'or

ou d'argent représentaient ces sommes, à l'époque dont il s'agit, et, secondement, quelle quantité de marchandises on pouvait obtenir pour un certain poids du métal monétaire.

Ainsi en Grèce, du temps de Solon, la drachme valait environ 92 centimes et était le prix d'un médimne de blé, qui contenait 52 litres.

A Rome, la loi Papinia De Multarum æstimatione (450 av. J.-C.), qui transforma en sommes de monnaie les anciennes amendes en bétail, fixe la valeur d'un mouton à dix as, et celle d'un boeuf à cent as. Comme l'as libralis, composé d'un alliage de cuivre, d'étain et de plomb, correspondait à 56 de nos centimes, le prix d'un mouton était de 5 francs 60 centimes, et celui d'un boeuf de 56 francs.

Actuellement, dans les pays civilisés, la frappe de la monnaie-étalon est libre. Chacun a le droit d'apporter à l'Hôtel des monnaies le métal monétaire, en quantité illimitée, et de recevoir en échange un poids égal en métal fin, converti en espèces, sous déduction des frais de fabrication ou de brassage, et même sans aucune déduction, en Angleterre. Ce sont donc les particuliers qui font battre monnaie, mais conformément au tarif fixé par la loi. D'après ce tarif, on délivre en France et dans l'Union latine, pour un kilogramme d'or à neuf dixièmes de fin, 3100 francs, et pour un kilogramme d'argent au même titre, 200 francs. La frappe libre de l'argent est suspendue en ce moment. En Angleterre, on obtient 3 livres sterling 11 shillings et 10 deniers 1/2 pour une once d'or à onze douzièmes de fin.

L'État se réserve de frapper les monnaies divisionnaires, pour deux motifs : d'abord parce que leur valeur

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