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prix dépend uniquement de la demande. Que vaut un tableau de Rubens ? Ce que la concurrence des amateurs forcera le plus acharné à donner, car on ne peut en faire faire à aucun prix.

Pour les objets que l'on peut multiplier, mais avec des frais croissants à mesure qu'on en produit davantage, le prix nécessaire sera égal aux frais de la partie de ces objets qui auront coûté le plus cher. Si ces frais n'étaient pas couverts par le prix de vente, on cesserait de les produire.

Supposons que le coût de production de la houille soit de quatre francs la tonne, dans certains charbonnages, et de sept francs dans d'autres : quel sera le prix nécessaire? Il sera au moins de sept francs; car, s'il faut demander du charbon aux charbonnages moins favorisés, parce que les autres ne peuvent satisfaire la demande, il faut nécessairement que le prix de vente s'élève assez pour payer les frais de production de ce charbon plus chèrement produit.

Il en est de même pour le blé et pour toutes les choses qu'on ne peut produire en quantité plus grande qu'avec des frais plus grands.

Ainsi que nous l'avons vu, les fonds productifs les plus favorisés, vendant au même prix et ayant moins à dépenser, font des bénéfices exceptionnels, d'où naît la rente.

§ 3. Le juste prix.

L'antiquité et le moyen âge ont parlé d'un juste prix, justum pretium, c'est-à-dire d'un prix proportionné à la valeur de l'objet.

La base équitable de l'échange doit être l'égalité de valeur entre les objets échangés. Si je donne pour cent francs une génisse qui en vaut deux cents, je suis lésé; celui qui l'obtient s'enrichit à mes dépens. Quand la lésion dépassait la moitié de la valeur, le droit romain admettait la rescision de la vente, et le droit français a consacré le même principe.

Platon condamne ceux qui voudraient vendre du blé plus cher qu'il ne vaut, en cachant l'arrivée d'un navire qui en diminuera le prix, et saint Augustin blame ceux qui ne songent qu'à vendre cher et à acheter à bon marché, vili velle emere et caro vendidere. (De Trinit., XIII, 3).

Les économistes modernes n'admettent pas la notion du juste prix. D'après eux, le prix accepté par les deux parties est toujours juste.

C'est qu'ils font dériver le droit de la convention, tandis qu'en réalité la convention doit se conformer au droit.

De ce dernier principe découlent ces maximes de la probité pratique, acceptées par les marchands honnêtes : il faut toujours « donner à chacun pour son argent » et ne jamais tromper sur la qualité de la marchandise.

§ 4. Utilité des bourses.

Puisque le prix résulte du rapport qui s'établit entre l'offre et la demande, le moyen de fixer au mieux le prix est de mettre en rapport tous ceux qui offrent et tous ceux qui demandent.

C'est ce que font les foires et les bourses.

Que puis-je obtenir de ce sac de blé que je viens de récolter? je l'ignore. De là, dans les ventes faites isolément, des débats sans fin. Mais réunissez, en un même lieu, tous ceux qui désirent vendre leur blé et tous ceux qui veulent en acheter: aussitôt, de la concurrence des uns et des autres résultera un prix courant, et alors des transactions énormes s'accompliront en un moment et sans difficultés.

Les bourses et les foires sont donc des institutions qui ont pour but et pour effet la meilleure application de la loi de l'offre et de la demande.

CHAPITRE III.

LA MONNAIE.

§ 1. Nature et fonctions de la monnaie.

La monnaie est l'objet ou les objets que l'usage ou la loi fait employer comme moyen de payement, instrument d'échange et commune mesure des valeurs.

Le jurisconsulte Paulus nous a montré comment la difficulté de troquer des marchandises contre des marchandises à fait recourir à l'emploi, dans les échanges. d'un intermédiaire au moyen duquel on achète et l'on paye.

La monnaie est ainsi l'agent de la circulation, le véhicule de l'échange. Elle fait passer la propriété d'un objet d'une personne à une autre; de même qu'un chariot transporte un objet d'un lieu dans un autre.

Comme l'a fait remarquer un économiste américain Dana Horton (La monnaie et la loi, p. 14), dès l'origine des sociétés barbares, la loi ou la coutume établit des tributs, des amendes, des compositions, des prestations, et détermine au moyen de quels objets on s'en acquittera. La monnaie est donc un moyen légal de payement.

La monnaie est en même temps l'équivalent universel. Quand je vends une marchandise vingt francs, les vingt francs que je reçois sont l'équivalent de la marchandise que je livre; et au moyen de ces vingt francs de monnaie je puis obtenir, à mon tour, valeur égale en choses utiles. « Une pièce d'or, dit Adam Smith, peut être considérée comme une traite, pour une certaine quantité de marchandises, payable chez les fournisseurs du voisinage. >>

La monnaie est aussi une commune mesure ou étalon des valeurs. Il est difficile de comparer directement la valeur relative des objets. Combien de blé vaut ce mouton? L'évaluation comparée devient facile par l'emploi d'un évaluateur commun, la monnaie. C'est ainsi que l'on compare la longueur des objets, au moyen du mètre, étalon des mesures, et leur poids, au moyen du kilogramme, étalon des poids. Seulement l'objet au moyen duquel on mesure la valeur comparée des marchandises, étant lui-même une marchandise, équiva. lent universel, sa valeur varie comme celle de tous les biens.

Pour les valeurs il n'y a donc pas d'étalon stable comme pour les longueurs et pour les poids.

Ce qui est désirable, c'est d'en adopter un aussi stable que possible.

La monnaie, par sa valeur très durable et très généralement admise, permet d'accumuler la richesse, de la transporter d'un pays dans un autre et de génération en génération. Elle est donc un moyen de conservation et de transmission de la richesse, dans le temps et dans l'espace. C'est grâce à la monnaie que se sont établies la division du travail et la dépendance réciproque des

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