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§ 7. Rapport entre l'économie politique, la géographie et la statistique.

La géographie est la description des faits naturels, et la statistique est la science des faits sociaux, exprimés par des nombres; ces deux sciences sont les auxiliaires indispensables de l'économie politique. Car c'est par l'étude des faits qu'elles constatent, que l'économiste peut connaître l'effet des lois, et en conclure, par conséquent, si elles sont favorables ou nuisibles à la production des choses utiles et à l'accroissement du bienêtre.

Exemple la petite propriété est-elle préférable à la grande propriété? C'est la statistique qui apprendra quelle est la production des denrées, la quantité du bétail, la longueur des routes, le nombre et l'état des habitations, en un mot quelle est la richesse des pays de grande et de petite propriété, et qui permettra ainsi de comparer les résultats de l'un et de l'autre système.

D'autre part, l'économie politique dictera les questions auxquelles la géographie et la statistique doivent répondre, et que trop souvent elles négligent. Ainsi quel est, dans tel pays, le régime de la propriété, des successions, la répartition de la terre, les modes de l'échange, etc.

§ 8. Les lois naturelles en économie politique.

On appelle généralement les lois économiques des lois naturelles; c'est à tort. Les lois de la nature, celle

de la gravitation ou les affinités chimiques, par exemple, s'imposent à l'homme comme au reste de l'univers.

Il doit s'efforcer de les connaître, pour en tirer parti, ainsi qu'il le fait déjà dans la plupart des industries et notamment dans l'emploi de la vapeur et de l'électricité.

Mais les lois dont s'occupe l'économie politique ne sont pas les lois de la nature; ce sont celles qu'édicte le législateur.

Il tire parti des premières en y obéissant, des secondes en les améliorant.

Les unes échappent à la volonté de l'homme, les autres en émanent.

CHAPITRE III.

§ 1. Qu'est-ce que la richesse ou les biens?

L'économie politique est la science de l'utile ou de la richesse. Il faut donc se faire une idée précise de ce qu'est la richesse.

Richesse vient du mot gothique Reiki, Rike en allemand ancien, Reich en allemand moderne. Il se rattache à la racine sanscrite ráj « être puissant », d'où le nom des princes de l'Inde, rajah, en latin reg-s, rex, et en allemand Reich « empire ». Les ricos hombres d'Espagne étaient les « puissants », les « grands ».

La richesse, en effet, c'est la puissance. Puissance de faire faire par d'autres hommes ce qu'on veut, soit en les rémunérant directement comme des serviteurs, soit en achetant des produits auxquels leur travail devra s'appliquer.

Au moyen âge, le riche rétribuait des hommes prêts à lui obéir; ainsi Warwick, « le faiseur de rois, >> entretenait toujours, dit-on, plus de trois mille personnes. Aujourd'hui le riche se fait obéir par bien plus d'hommes encore, mais c'est indirectement, en payant les objets qu'il consomme.

On peut donc dire qu'est richesse tout ce qui rê

pond à un besoin rationnel de l'homme. Un service utile ou un objet utile sont également des biens.

Qu'est-ce qu'un besoin rationnel? Le développement complet et harmonique de toutes les facultés humaines étant le but à atteindre, tous les besoins dont la satisfaction tend à ce but peuvent être considérés comme rationnels.

Quels sont ces besoins? La psychologie ou la connaissance de notre être intellectuel nous l'apprendra pour l'esprit, et l'hygiène pour le corps.

On a longtemps cru que la richesse des nations consistait principalement dans la quantité d'or et d'argent qu'elles pouvaient attirer chez elles. Comme cette quantité est limitée, et que chaque État s'efforçait d'en accaparer le plus possible, par des primes, par des taxes de douane et par des règlements restreignant les échanges avec les pays étrangers, il en est résulté des rivalités commerciales, puis des hostilités politiques et enfin des guerres ouvertes.

que,

Un illustre économiste, J.-B. Say', a fait remarquer dans le dix-septième et le dix-huitième siècle, plus de cinquante années de guerre avaient eu pour cause cette fausse notion de la richesse.

Dans les sciences sociales, les erreurs sont fécondes en maux qui affligent l'humanité et ruinent les peuples.

Beaucoup d'économistes n'ont considéré comme richesse que ce qui peut être acheté et vendu. C'est à tort, semble-t-il.

1. Jean-Baptiste Say, né en 1767, mort en 1832. Son grand ouvrage, Traité d'économie politique, publié en 1803, lui valut l'honneur d'être appelé l'Adam Smith de la France.

Richesse est même chose qu'utilité et bien.

Un bon climat, des routes bien entretenues, des fleuves navigables, des eaux poissonneuses sont certainement des richesses pour un pays, et cependant on ne peut pas les acheter.

Biens est un mot admirable. Souverain bien, objet de la philosophie et de la religion; les biens, objet de l'économie politique. Est un bien tout ce qui est bon pour le perfectionnement de l'individu et de la race humaine.

De cette notion des biens résulte qu'il y a, outre les richesses matérielles, des richesses immatérielles, comme l'instruction, l'adresse des mains, le goût du travail.

L'accroissement de la richesse n'est un bienfait sans mélange que quand il est accompagné d'un accroissement de justice et de moralité.

C'est l'abondance des biens, et non leur estimation en argent qui fait la richesse. Plus les objets utiles sont abondants, moins ils seront estimés et payés en argent, mais plus grande est la richesse réelle.

§ 2. Des besoins.

Le besoin est le manque d'une chose nécessaire, utile ou agréable. Du besoin naît le désir, et du désir, l'action. L'action, ici, est la poursuite des objets désirés, parce qu'ils répondent aux besoins.

Ces objets sont des biens, car ils sont la condition du développement de l'être, qui est le bien. L'abondance des biens est la richesse. L'homme y arrive par le travail, que règle la raison et que dirige la science, sous l'empire de la morale et du droit

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