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ÉLÉMENTS

D'ÉCONOMIE POLITIQUE.

LIVRE I.

NOTIONS PRELIMINAIRES.

CHAPITRE I.

NOTION DE LA SCIENCE ÉCONOMIQUE.

§ 1. Définition et objet de l'économie politique.

Le terme « économie politique », employé d'abord par Aristote dans le second livre de ses Économiques et ensuite par Antoine de Montchrétien, auteur d'un Traité de l'Économie politique (Rouen, 1645), vient de trois mots grecs: Oikos « maison », nomos « loi », et polis « cité »; il signifie, par conséquent, la loi ou les lois qui doivent présider à l'administration des biens dans la cité, c'est-à-dire dans la société. Tel est en effet l'objet de la science économique.

Les hommes ont des besoins, et, réunis en société,

ils obéissent à des coutumes ou à des lois. Pour satisfaire ces besoins, ils ont leurs bras et leur intelligence, qu'ils mettent en œuvre en produisant des choses utiles.

Comment doivent-ils s'organiser, ou, en d'autres termes, quelles lois doivent-ils adopter pour arriver, le travail, à la satisfaction la plus complète et la plus rationnelle de leurs besoins: voilà le problème dont l'économie politique cherche la solution.

par

L'économie politique est affaire de législation. Elle poursuit un idéal comme la morale, le droit et la politique.

Toutes les questions économiques que l'on discute sont des questions de législation réforme des lois douanières, des lois agraires, des lois sur la monnaie, le crédit, la banque, les sociétés, le travail dans les manufactures, les chemins de fer, les impôts, etc.. On les résout par l'étude du droit, sous le rapport du juste, et par l'étude des faits historiques et statistiques, sous le rapport de l'utile.

Le père de l'économie politique, Adam Smith', l'a bien définie, quand il a dit : « qu'elle se proposait deux objets distincts le premier de mettre le peuple en état de se procurer lui-même une subsistance abondante; le second, de fournir à l'État un revenu suffisant pour le service public. >>

1. Adam Smith, né en Écosse en 1725, mort en 1790. Professeur de philosophie morale à Glasgow, il publia d'abord une Théorie des Sentiments moraux, et, en 1776, ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Ce livre était un fragment d'un ouvrage plus vaste sur le droit et la politique, qu'il n'eut pas le temps d'achever. Ainsi qu'il l'a reconnu, Smith doit beaucoup aux économistes français de

Le titre même du livre de Smith, De la nature et des causes de la richesse des nations, montre qu'il s'agit de déterminer ce qui favorise ou ce qui entrave la production des biens.

<< L'économie politique, a dit très bien Droz1, est une science qui a pour but de rendre l'aisance aussi générale que possible. »

Bossuet a dit, en parlant de la politique, que « sa vraie fin est de rendre la vie commode et les peuples heureux ». Tel est aussi le but de l'économie politique.

Le médecin doit connaître le corps humain, déterminer ses maladies, en prescrire les remèdes, ainsi que le régime hygiénique qui conserve la santé. C'est exactement ce que l'économiste a à faire pour la société.

Il doit connaître à fond le mécanisme du corps social, indiquer les lois et les coutumes qui y apportent le trouble, et décrire l'ordre le plus favorable à la création du bien-être par le travail.

On peut donc définir l'économie politique : la science qui détermine quelles sont les lois que les hommes doivent adopter, afin qu'ils puissent, avec le moins d'efforts possible, se procurer le plus d'objets utiles à la satisfaction de leurs besoins, en les répartissant conformément à la justice et en les consommant conformément à la raison.

l'école de Quesnay, appelés physiocrates, mais il a la gloire d'avoir donné aux sciences économiques un fondement solide et une forme scientifique. 1. Droz, né à Besançon en 1773, mort à Paris en 1850. Il publia une Economie politique (1839), écrite dans un style simple et clair, dont le mérite est d'avoir montré le rapport qui existe entre la morale et la science économique.

§ 2. Ce que l'économie politique n'est pas.

On définit généralement l'économie politique la science qui décrit comment la richesse se produit, se répartit et se consomme. Cette définition est complètement inexacte. Ce sont les manuels industriels et les traités d'agriculture qui décrivent comment la richesse se produit; la statistique, comment elle se répartit; et la description de la manière de vivre des différents peuples, comment elle se consomme.

L'économie politique n'est pas une science exacte; car elle s'occupe des besoins de l'homme, qui varient sans cesse, et de ses actes, qui sont libres. Ni les définitions rigoureuses, ni les déductions mathématiques ne peuvent y être employées.

Elle n'est pas une science physique, car elle ne s'occupe pas des biens considérés en eux-mêmes, lesquels sont, en effet, des choses matérielles, mais des lois qui favorisent la production de ces biens. Or, ces lois sont des relations de l'ordre spirituel.

Elle n'est pas davantage une partie de l'histoire naturelle de l'homme, car elle ne recherche pas comment il parvient à produire ce qu'il consomme, mais quelles sont les institutions qui lui permettent de le faire le mieux possible.

Elle n'est pas, ainsi qu'on le répète souvent, « la science du travail ». Voici l'idée que Descartes nous donne de celle-ci : « Il y a, dit-il, une science pratique par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les

autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer, en même façon, à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. »

La science du travail, c'est la technologie. L'économie politique a un tout autre objet elle cherche quelles sont les lois religieuses, morales, politiques, civiles et commerciales qui favorisent le plus la productivité du travail. Elle ne nous apprend pas comment il faut cultiver la terre, exploiter les mines ou faire du pain; or ceci est proprement la science du travail.

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