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Le principe qui règle le partage des produits est celui-ci « A chacun suivant ses besoins; de chacun suivant ses forces. » La société constituée sur cette base serait l'image de la famille, où, en effet, chacun travaille tant qu'il peut, et consomme tant qu'il veut.

Jamais le communisme ne pourra durer, parce qu'il viole la justice et méconnaît les instincts les plus profonds de la nature humaine.

La formule de la justice est: Cuique suum, « à chacun le sien » ou « à chacun selon ses œuvres ». Le communisme, au contraire, ne tient aucun compte des œuvres et ne reconnaît à personne « le sien ». L'homme laborieux est la dupe du fainéant qui l'exploite.

Le mobile de l'activité humaine est toujours et partout l'intérêt individuel : dans le communisme, l'intérêt individuel est sans cesse sacrifié; s'il agit, ce sera pour pousser l'homme à la paresse et à la gourmandise.

Le besoin étant la mesure du droit, le plus avisé sera celui qui mangera le plus et travaillera le moins.

Si les communautés religieuses subsistent et même se multiplient, ce n'est qu'en arrachant du cœur de ceux qui y vivent les sentiments naturels les plus enracinés, le besoin d'indépendance, l'amour du moi, les affections de la famille. C'est l'espoir des félicités cé lestes qui accomplit ce miracle. L'égoïsme n'est pas mort, car il ne peut cesser qu'avec la vie, mais son but est placé dans un autre monde.

Qui peut croire que la société industrielle s'orga nisera sur les principes et sur le modèle d'un couvent? <«< Le communisme, dit le socialiste Proudhon1, est le

1. Proudhon, né à Besançon en 1809, et mort en 1865. Ses écrits ont eu beaucoup de retentissement parce que le style en est véhément et

dégoût du travail, l'ennui de la vie, la suppression de la pensée, la mort du moi, l'affirmation du néant. >> (Système des contradictions économiques, tome II, chap. xn.)

§ 3. Le nihilisme.

Un révolutionnaire russe, Bakounine, apparaît et dit : Le travailleur est volé, écrasé, réduit à la misère par toutes ces institutions qui se donnent pour mission d'assurer son bonheur état, royauté, religion, armée, propriété, famille. L'homme ne sera heureux et libre que quand, de la société actuelle, il ne restera plus pierre sur pierre. Il faut tout anéantir: nihil « rien ». tel est le but. Le nihilisme apportera le salut.

Fort bien; mais quelle organisation nouvelle voulezvous adopter?

Je m'interdis et je vous interdis de le chercher, répond Bakounine. Tout utopiste est un tyran, car il voudra imposer l'organisation qu'il croit la meilleure. Je prêche l'amorphisme, c'est-à-dire l'absence de toute forme sociale du peuple sortira spontanément celle qui convient à l'humanité affranchie.

Les ascètes des premiers siècles du christianisme et les millénaires, croyant la société irrémédiablement vouée au mal, attendaient la rénovation et la palingénésie d'un cataclysme cosmique. Du feu consumant le monde devaient sortir d'autres cieux et une autre

brillant. Il a remué beaucoup d'idées, mais il en a obscurci plus qu'il n'en a élucidé, parce que ses connaissances économiques étaient insuffisantes.

terre ». La justice triompherait, et le bien régnerait.

Rousseau, désespérant de porter remède aux vices et aux iniquités, veut ramener l'humanité dans la forêt primitive. C'est le même sentiment, mais poussé jusqu'à la démence, qui a fait naître le nihilisme.

Est-il besoin de combattre cette doctrine? Comment discuter et réfuter le néant?

§ 4. L'anarchie.

Parmi les socialistes actuels, beaucoup se disent «< anarchistes », c'est-à-dire adversaires de tout gouvernement, avagyía signifiant absence de pouvoir gouver

nant.

Si ces socialistes veulent seulement réduire le plus possible les attributions de l'État, ils sont d'accord, en cela, avec les économistes « anti-interventionnistes ».

Si réellement ils ont pour but de supprimer l'État, ils veulent alors nous ramener à la sauvagerie préhistorique, où, en l'absence de tout droit et de toute autorité, la violence l'emporte et où le fort dévore le faible, comme parmi les animaux.

§ 5. Le collectivisme et l'organisation du travail.

Les socialistes actuels repoussent le communisme, mais préconisent le collectivisme.

Comme le communisme, le collectivisme attribue à la société la propriété des fonds productifs et des instruments de travail, c'est-à-dire de la terre, des mines,

des chemins de fer et des usines de toute espèce; mais, pour la répartition des produits, ils admettent la rémunération en proportion de l'ouvrage effectué, et ainsi ils ne suppriment pas la responsabilité et le stimulant de l'intérêt personnel.

Seulement, qui sera propriétaire des moyens de production, l'État, la commune ou la corporation ouvrière? Le système est si peu défini qu'il est difficile de le discuter.

Dans son livre fameux, L'Organisation du travail, M. Louis Blanc proposait que toutes les industries fussent exercées par l'État, comme l'est celle des chemins de fer en Belgique, et tel est à peu près ce que proposent encore, aujourd'hui, les collectivistes.

Il s'ensuivrait que tous les hommes seraient fonctionnaires, et que la société tout entière serait organisée comme l'armée.

Maintenant l'ouvrier qui ne travaille pas est renvoyé. Mais alors, toutes les industries étant aux mains de l'État, le renvoi ne serait plus possible. Il faudrait donc le remplacer par la salle de police ou la prison. Le ressort de l'activité productive ne serait plus l'initiative individuelle, mais l'obéissance passive et la contrainte.

Le progrès industriel s'accomplit actuellement, parce que chaque entrepreneur s'efforce de fabriquer à bon marché et de vendre beaucoup, afin de gagner davantage. Mais qui aurait intérêt à améliorer les procédés de fabrication si chacun recevait un traitement?

La fin du progrès et un despotisme universel, réglant tous les actes de la vie économique, voilà quel serait le sort de l'humanité!

§ 6. Les sociétés coopératives.

Dans une société coopérative de production, les ouvriers fournissent à la fois le capital et le travail, et, ces deux facteurs étant réunis dans les mêmes mains, l'antagonisme entre capitalistes et travailleurs cesse naturellement. On a cru trouver ainsi. la solution du conflit social.

Malheureusement, diriger une entreprise industrielle est œuvre difficile. Les ouvriers n'en sont pas encore capables, et rétribuer comme il le faudrait directeurs et employés supérieurs leur paraît contraire au principe égalitaire. Les sociétés coopératives ont toujours succombé par l'incapacité ou l'improbité des directeurs.

Une société anonyme dont les ouvriers seraient les actionnaires présenterait les mêmes avantages et réussirait probablement mieux.

Il ne faut pas oublier que, dans l'ordre économique comme dans l'ordre politique, le principe d'autorité est indispensable. Dans une manufacture, comme sur un navire et dans l'État, il faut un maître qui commande, et des subordonnés qui obéissent, sinon c'est l'anarchie, le désordre et la ruine.

Jusqu'à présent, les ouvriers qui choisissent leur directeur ne savent pas mieux lui obéir que les milices qui élisent leur capitaine.

§ 7. L'émigration.

L'émigration n'amène une hausse des salaires que quand elle enlève brusquement une grande partie de la

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