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il n'est « productif » que grâce au concours du capital et de la nature. Ce concours doit aussi être rémunéré.

L'ouvrier peut-il se rendre propriétaire de l'outil et de la matière, il gardera tout le produit. Le salarié doit donc acquérir la propriété.

Le salaire monte quand on a besoin de beaucoup d'ouvriers, et ce besoin se produit quand il y a beaucoup de gens industrieux et entreprenants et beaucoup de capitaux.

Voulez-vous donc que la condition de l'ouvrier s'améliore, favorisez la création du capital par l'épargne et par le développement de l'instruction et de l'esprit d'entreprise.

Le salaire diminue quand le nombre des ouvriers augmente plus rapidement que les entreprises et les capitaux qui peuvent les employer.

Ici nous touchons à ce que l'on appelle la question de la population.

La concurrence d'une part entre maîtres cherchant des ouvriers, et d'autre part entre ouvriers cherchant un maître, n'agit que dans les limites de chaque branche du travail.

Si l'on demande beaucoup de tailleurs, leur salaire haussera, mais non celui des autres métiers. Cependant, si beaucoup d'industries à la fois sont prospères et réclament beaucoup d'ouvriers, pendant un certain temps, la hausse se communiquera de proche en proche, en une certaine mesure, parce que les ouvriers attirés d'un côté feront un vide de l'autre.

§ 8. Le sort des travailleurs s'est-il amélioré?

Nul ne prétendra que la condition de ceux qui travaillent de leurs mains soit telle qu'elle devrait l'être; mais il est certain qu'elle s'est améliorée et qu'elle · s'améliore encore chaque jour.

Que celui qui en doute entre dans la chaumière de l'un de nos ouvriers de la campagne les moins bien rétribués, qu'il examine les denrées alimentaires, les vêtements, les ustensiles et les objets de mobilier qu'il y trouvera, et qu'il relise ensuite le passage où La Bruyère décrit les paysans sous le règne du grand roi Louis XIV.

« On voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent, qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine: et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de racines; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé. » (Caractères, De l'homme.)

En 1740, Massillon, évêque de Clermont-Ferrand, écrit au cardinal Fleury, premier ministre de Louis XV: « Le peuple des campagnes vit dans une misère affreuse, sans lits, sans meubles; la plupart même, la moitié de l'année, mangent du pain d'orge et d'avoine, qui fait leur unique nourriture et qu'ils sont obligés d'arracher

de leur bouche et de celles de leurs enfants, pour payer les impositions.>>

Songeons à l'époque où les hommes mouraient de faim, en foule, le long des grands chemins, et bénissons le temps présent, en espérant mieux encore pour le siècle prochain.

CHAPITRE VI.

DES MOYENS D'AMÉLIORER LA CONDITION DES SALARIÉS.

Dans les siècles passés, les riches et les puissants ont toujours cherché à réduire la part des travailleurs, pour augmenter la leur. Notre siècle, au contraire, paraît s'imposer le devoir qu'indiquait un réformateur fameux, le comte de Saint-Simon, celui d'améliorer la condition matérielle, intellectuelle et morale de la classe laborieuse. Mais comment y parvenir? Ceci n'est rien moins que la question sociale.

Examinons quelques-unes des solutions proposées.

§ 1. La charité.

Autrefois, la bienfaisance ne connaissait qu'un moyen de venir en aide à ceux qu'on appelait les pauvres: c'était l'aumône, et, dans son exaltation sublime, l'homme charitable allait parfois jusqu'à leur abandonner tout, pour embrasser la pauvreté volontaire. Mais l'analyse économique a démontré que l'aumône prélève sur le travail de quoi entretenir l'oisiveté indigente. Elle dimi

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nue la responsabilité et la dignité, affaiblit le stimulant. de l'activité, et ainsi entretient la misère.

Deux institutions l'ont bien prouvé : les distributions de vivres faites, chaque jour, par les couvents, sous l'ancien régime, et la loi des pauvres, en Angleterre, encore en vigueur aujourd'hui.

y aura toujours des infortunes involontaires à secourir, mais ce n'est pas l'aumône qui améliorera définitivement le sort du plus grand nombre.

§ 2. Le communisme.

Le communisme a été tantôt le cri de guerre des opprimés comme dans les insurrections de Spartacus, des Bagaudes, des Pastoureaux, des Jacques et des paysans à l'époque de Luther; tantôt l'utopie de quelques grands esprits, comme Platon dans la République, Thomas Morus dans son Utopie (De optimo reipublicæ statu, deque nova insula Utopia, 1516), Campanella dans la Cité du Soleil (Civitas solis, 1620) et Fénélon dans la Salente du Télémaque.

Les Esséniens, en Judée, les disciples de Pythagore, dans la grande Grèce, les premiers chrétiens, à Jérusalem, ont vécu en communauté, et de nos jours on voit se multiplier autour de nous des associations monastiques qui font vœu de proscrire la distinction du << tien » et du « mien ».

C'est l'application du mot de J.-J. Rousseau: «< Gardez-vous d'oublier que les fruits sont à tous, et que la

terre n'est à personne. »

Dans ce système, les moyens de production sont

possédés par la société.

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