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des Mémoires de la maison de Brandebourg, tantôt du corps savant pour qui ces Mémoires avaient été composés.

Grimaldi fut même un lien entre Berlin et Stockholm, où il résida longues années. La capitale de la Suède comptait, au dernier siècle, deux académies, l'une scientifique, l'autre littéraire; et toutes les deux avaient subi l'influence de l'Institut de Berlin. La première, appliquée à étendre la sphère des connaissances utiles, de la physique et de la mécanique, s'était facilement conformée au plan tracé par Leibniz. La seconde, préoccupée de la culture des belles-lettres et des études morales, se rapprocha de l'Académie prussienne, telle que Frédéric l'avait renouvelée. La célèbre sœur de ce prince, femme d'Adolphe-Frédéric II, cette personne d'un esprit si vif et si orné, que Linné préconisait autant que Voltaire, la reine Ulrique, avait opéré ce rapprochement1. Son fils, Gustave III, celui qui devait périr au milieu d'un bal masqué, sous le bras d'Ankarstroëm, acheva l'œuvre d'Ulrique, en mettant les savants et les lettrés scandinaves en rapport plus direct encore avec ces académiciens de Berlin qui l'avaient si flatteusement accueilli 2; en imitant Frédéric II comme écrivain, comme membre des académies de Stockholm'; en le surpassant même en qualité d'orateur aux diètes nationales; en préparant ainsi cette réforme littéraire de la Suède, qui s'est le mieux personnifiée dans Éric Geïer, le contemporain de Berzélius.

De tout ce qui précéde, nous conclurons que l'Académie de Prusse, noble rejeton des sociétés de Londres et de Paris, partageait avec elles l'admiration d'un siècle où les acadé

1 Voyez ci-dessous, T. I, p. 241 sq.

2 Il rendit visite à l'Académie de Berlin le 26 avril 1771.

3 Gustave III remporta le premier, sans se laisser reconnaître, un prix académique fondé par sa munificence. Voyez les Notices de M. J. J. Ampère sur la littérature scandinave.

mies étaient plus considérées, plus révérées qu'en aucun autre temps, et où le secrétaire-perpétuel de celle de Berlin pouvait dire avec exactitude : « Les places d'académiciens sont devenues des brevets d'honneur, qui figurent avec ceux des maréchaux et des ministres, qui sont recherchés par des princes, par des héros1. >>

Nous conclurons que nous étions autorisé à soutenir, contre les détracteurs divers de l'institution prussienne, ces deux articles également essentiels : L'Académie de Berlin a travaillé, sous Frédéric comme sous Leibniz, dans le même esprit que les plus éminentes académies, ses devancières; et elle les a aidées à répandre à travers l'Europe le goût des saines recherches et la substance des plus belles découvertes.

1 Formey, année 1767, p. 380.

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L'ACADÉMIE DE PRUSSE.

LIVRE PREMIER.

FRÉDÉRIC Ier ET LEIBNIZ.

CHAPITRE PREMIER.

L'Académie de Prusse date de la même époque que la monarchie prussienne. Mais elle a pour antécédents les institutions fondées ou renouvelées par le grand Électeur. Il importe donc de passer en revue ces institutions. Accueil bienveillant que l'Électeur fait aux réfugiés français, et usage auquel il les emploie. Leur arrivée semble l'avoir détourné de l'érection d'une Université brandebourgeoise: description du plan de cette Université, européenne et latine à la fois. Principaux établissements français protégés par l'Électeur : à Berlin, le Collége français et l'Académie dite des Nobles; à Halle, l'Institut français. — Les réfugiés publient un Nouveau Journal des Savants. — L'Institut de Halle est le berceau de l'université établie sous Frédéric Ier. —L'Électeur érige l'université de Duisbourg. — Il restaure l'université de Koenigsberg.— Il soutient en particulier l'université de Francfort sur l'Oder. - A Berlin il fait fleurir le lycée de Joachimsthal. — Il jette les bases de la Bibliothèque royale. Il favorise les travaux des orientalistes, des physiciens, des légistes, des historiens. Il crée le poste d'historiographe du Brandebourg. Il prépare tous les éléments dont la réunion forma l'Académie de Berlin.

Le commencement du XVIIIe siècle forme une des époques les plus mémorables de l'histoire de Prusse. C'est en 1700 que l'électrice de Brandebourg, SophieCharlotte, avec l'aide du plus savant homme de ce temps,

VOL. I.

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Leibniz, fonda l'Académie des sciences et des lettres de Berlin. C'est en 1701 que l'électeur de Brandebourg, Frédéric III, fut sacré roi de Prusse sous le nom de Frédéric Io. Aussi, et grâce à cette coïncidence glorieuse, l'Académie prussienne n'a-t-elle jamais cessé de croire ses destinées intimement unies à celles de la monarchie prussienne. Durant tout le XVIIIe siècle, l'État et l'Académie semblaient à Berlin deux expressions inséparables, représentant les deux forces, les deux puissances de la nation, son corps, pour ainsi dire, et son esprit.

Cependant, quoique la Prusse ne soit devenue royaume que sous Frédéric Io, le véritable créateur de cet empire fut le père de Frédéric, le grand électeur Frédéric-Guillaume. De même, si l'Académie de Berlin ne fut établie que sous Frédéric Ier, les fondements de cette institution furent pourtant jetés par son prédécesseur. Sans les efforts tentés par ce prince extraordinaire pour civiliser ses peuples, sans son zèle et son habileté à fixer les lettres et les arts sous le sévère climat de son pays, Frédéric, ou plutôt Sophie-Charlotte, eût vainement essayé de faire de Berlin le centre intellectuel du Nord.

Rappeler ces efforts si constants et si heureux, c'est indiquer les germes dont l'Académie fut le développement, c'est noter les institutions qui ont précédé ou préparé cet établissement sous la domination tutélaire du grand Électeur.

Rien n'atteste plus hautement la sollicitude de ce prince pour la culture morale de son peuple que l'empressement avec lequel il accueillit les réfugiés, chassés de France par l'intolérance de Louis XIV. Longtemps avant

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