L'étrangère, Volume 1

Front Cover
 

Selected pages

Contents

Other editions - View all

Common terms and phrases

Popular passages

Page x - Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte; heureux si, averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint...
Page ix - Un tel système, dit-elle, expose beaucoup moins à la critique. Ces phrases, connues depuis si longtemps, sont comme les habitués de la maison; on les laisse passer sans leur rien demander. Mais il n'existe pas un écrivain éloquent ou penseur, dont le style ne contienne des expressions qui ont étonné ceux qui les ont lues pour la première fois, ceux du moins que la hauteur des idées ou la chaleur de l'âme n'avaient point entraînés.
Page xxi - Il ya faiblesse dans la nation qui ne s'attache qu'au ridicule, si facile à saisir et à éviter, au lieu de chercher avant tout, dans les pensées de l'homme, ce qui agrandit l'âme et l'esprit. Le mérite négatif ne peut donner aucune jouissance ; mais beaucoup de gens ne demandent à la vie que l'absence de peines, aux écrits que l'absence de fautes, à tout que des absences. Les âmes fortes veulent exister ; et pour exister en lisant, il faut rencontrer dans les écrits des idées nouvelles...
Page xii - ... leur place* ? Je le répète, un style commun n'a rien à craindre de ces attaques. Subdivisez les phrases de ce style autant que vous le voudrez, les mots qui les composent se rejoindront d'eux-mêmes, accoutumés qu'ils sont à se trouver ensemble ; mais jamais un écrivain n'exprima le sentiment qu'il éprouvait, jamais il ne développa les pensées qui lui appartenaient réellement, sans porter dans son style ce caractère d'originalité qui seul attache et captive l'intérêt et...
Page ix - ... en le remplissant d'images incohérentes, de mots nouveaux, d'expressions gigantesques. Ces écrivains nuisent à l'art, sans rien ajouter à l'éloquence ni à la pensée. De tels efforts étouffent les dons de la nature, au lieu de les perfectionner. D'autres littérateurs veulent nous persuader que le bon goût consiste dans un style exact, mais commun, servant à revêtir des idées plus communes encore.
Page xi - ... parlant de madame Henriette : « La voilà telle que la mort nous l'a faite, » nul doute qu'un littérateur d'alors n'eût pu blâmer cette superbe expression, et la défigurer en y changeant le moindre mot. Lorsque Pascal a écrit : « L'homme est un roseau, le plus faible de la nature , mais c'est un roseau pensant, » un critique, séparant la première phrase de la seconde, aurait pu dire : Savez-vous que Pascal appelle l'homme « un roseau pensant ? » Le plus parfait de nos poêles.
Page xi - ... est celui de tous sur lequel un esprit insensible au charme de l'éloquence, pourrait exercer le plus facilement sa critique. Qui reconnaîtrait, en effet, le style de Rousseau, si l'on partageait en deux ses phrases, si l'on les séparait de leur progression, de leur intérêt, de leur mouvement, et si l'on détachait de ses écrits quelques mots, bizarres lorsqu'ils sont isolés, tout-puissants lorsqu'on les met à leur place* ? Je le répète, un style commun n'a rien à craindre de ces attaques.
Page iii - Solitaire eut une destinée étonnante** ; les journaux retentissent d'éloges, ils admirent la pureté du style, l'élégance des phrases, la force des caractères, la grâce des images, et la vigueur des pensées. Ce fut un cri général d'admiration non seulement en France, mais en Europe ». Ce début coûta, dit-on, beaucoup de labeur à son auteur.
Page x - ... ceux du moins que la hauteur des idées ou la chaleur de l'âme n'avaient point entraînés. Lorsque Bossuet dit cette superbe phrase : « Averti par mes cheveux blancs de consacrer au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint, » il s'est trouvé sûrement quelques malheureux critiques qui ont demandé ce que c'était que « les restes d'une voix et d'une ardeur, » ce que c'était que « des cheveux qui avertissent. » Lorsque...
Page x - Averti par mes cheveux blancs de consacrer au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint, » il s'est trouvé sûrement quelques malheureux critiques qui ont demandé ce que c'était que « les restes d'une voix et d'une ardeur, » ce que c'était que « des cheveux qui avertissent. » Lorsque le même orateur s'écrie , en parlant de madame Henriette : « La voilà telle que la mort nous l'a faite, » nul doute qu'un littérateur...

Bibliographic information