PLAISIRS DE FROISSART
Au boire je prens grant plaisir : Aussi fai-je en beaus draps vestir; En viande fresche et nouvelle, Quant à table me voy servir, Mon esperit se renouvelle. Violettes en leurs saisons, Et roses blanches et vermeilles Voy volontiers; car c'est raisons; Et chambres pleines de candeilles Jeux et danses et longues veilles, Et beaus licts pour li rafreschir, Et, au couchier, pour mieulx dormir, Épices, clairet et rocelle,
En toutes ces choses véir Mon esperit se renouvelle.
Reviens, amy; trop longue est ta demeure; Elle me fait avoir peine et doulour. Mon esperit te demande à toute heure. Reviens, amy; trop longue est ta demeure;
Car il n'est nul, fors toi, qui me sequeure,* Ne secourra, jusques à ton retour.
Reviens, amy, trop longue est ta demeure; Elle me fait avoir peine et doulour.
Jehan Froissart. 134—?
Tout à l'entour de nos remparts Les ennemis sont en furie ; Sauvez nos tonneaux, je vous prie! Prenez plus tost de nous, souldars, Tout ce dont vous aurez envie : Sauvez nos tonneaux, je vous prie !
Nous pourrons après, en beuvant, Chasser notre mérencolie ;+ Sauvez nos tonneaux, je vous prie ! L'ennemi, qui est cy-devant,
Ne nous veult faire courtoisie : Vuidons nos tonneaux, je vous prie!
Au moins, s'il prend nostre cité, Qu'il n'y treuve plus que la lie: Vuidons nos tonneaux, je vous prie Deussions nous marcher de costé, Ce bon sildre § n'espairgnons mie: Vuidons nos tonneaux, je vous prie!
Olivier Basselin. 14-?
Laissez-moi penser à mon aise Hélas! donnez m'en le loysir. Je devise avecques Plaisir Combien que ma bouche se taise.
Quand mérencoliet mauvaise Me vient maintes fois assaillir, Laissez-moi penser à mon aise Hélas! donnez m'en le loysir.
Car enfin que mon cueur rapaise J'appelle Plaisant Souvenir,
Qui tantost § me vient réjouir
Pour ce, pour Dieu ! ne vous déplaise
Laissez-moy penser à mon aise.
Charles d'Orléans. 14-?
Dieu! qu'il fait bon la regarder, La gracieuse, bonne et belle!
Pour les grans biens qui sont en elle, Chacun est prest de la louer.
Qui se pourrait d'elle lasser? Tousjours sa beauté renouvelle ; Dieu ! qu'il la fait bon regarder La gracieuse, bonne et belle!
Par deçà, ne delà la mer, Ne sçay dame ni damoiselle
Qui soit en tous biens parfais telle— C'est un songe que d'y penser :
Dieu! qu'il la fait bon regarder! Id. 14-?
Tant que mes yeux pourront larmes répandre Pour l'heur* passé avec toi regretter, Et que pouvant aux soupirs résister, Pourra ma voix un peu se faire entendre;
Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard lut, pour tes grâces chanter ; Tant que l'esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toi comprendre ;
Je ne souhaite encore point mourir : Mais quand mes yeux je senteray tarir, Ma voix cassée et ma main impuissante,
Et mon esprit en ce mortel séjour, Ne pouvant plus montrer signe d'amante, Priray la mort noircir mon plus cler jour. Louise Labé. 15-?
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, devidant et filant,
Direz, chantant mes vers, et vous esmerveillant : Ronsard me célébroit du temps que j'estois belle. Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Desja sous le labeur à demy sommeillant, Qui, au bruit de Ronsard, ne s'aille réveillant, Bénissant vostre nom de louange immortelle. Je seray sous la terre, et, fantosme sans os, Par les ombres * myrteux† je prendai mon repos; Vous serez au fouyer‡ une vieille accroupie; Regrettant mon amour et vostre fier dédain Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain ; Cueillez dès aujourd'huy les roses de la vie. Ronsard. 15— ?
Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avoit desclose Sa robe de pourpre au soleil A point perdu ceste vesprée, § Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vostre pareil.
* Ombrages.
Now spelt foyer.
+ This epithet is now obsolete. § Now soirée.
« PreviousContinue » |