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qu'on ne peut régner, si l'on ne préfère les considérations d'état à l'observation exacte des traités le plus solennellement jurés.

Les peuples d'Asie, continue Xénophon, ne furent pas long-temps sans imiter le prince qui leur servait d'exemple et de maître pour la duplicité et la fourberie. Ils s'abandonnèrent bientôt à la violence, à l'injustice, à l'impiete; et de-là est venu le changement étrange que l'on voit dans les mœurs, et le mépris qu'ils ont conçu pour leurs rois, qui est la suite naturelle et la punition ordinaire du peu de cas que ceux-ci font de ce que la religion a de plus sacré et de plus formidable. En effet, le serment par lequel on scelle les traités, en y faisant intervenir la Divinité comme présente et comme garante des conditions, est une sainte et auguste cérémonie pour soumettre les rois au juge suprême, qui seul peut les juger, et pour tenir dans le devoir toute majesté humaine, en la faisant comparaître devant celle de Dieu, à l'égard de qui elle n'est rien. Or, est-ce un moyen d'attirer aux rois les respects du peuple, que de lui apprendre à ne plus craindre Dieu? Quand cette crainte sera effacée dans les sujets comme dans le prince, où sera la fidélité et l'obéissance, et sur quel appui le trône sera-t-il fondé? Cyrus avait Cyrop. 1. 8, raison de dire qu'il ne reconnaissait pour bons serviteurs et pour fidèles sujets que ceux qui avaient de la' religion et qui respectaient la Divinité; et il n'est pas étonnant que le mépris que fait de l'une et de l'autre un prince qui compte pour rien la sainteté des serments ébranle, jusque dans leurs fondements, les empires les plus fermes, et en cause tôt ou tard l'entière destruction. Les rois, dit Plutarque, quand il arrive des révolutions

pag. 204.

Plut.

pag. 390.

dans leurs états, se plaignent amèrement de l'infidélité in Pyrrh des peuples; mais c'est bien à tort, et ils ne se souviennent pas que c'est eux-mêmes qui leur en ont donné les premières leçons en ne faisant nul cas de la justice et de la bonne foi, et en les sacrifiant toujours sans hésiter à leurs intérêts.

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LIVRE CINQUIÈME.

HISTOIRE

DE L'ORIGINE ET DES PREMIERS COMMENCEMENTS DES DIFFÉRENTS ÉTATS DE LA GRÈCE.

DE
De tous les pays connus dans l'antiquité il n'y en a

guère d'aussi célèbres que la Grèce, ni qui fournissent à l'histoire des monuments si précieux et des faits si éclatants. De quelque côté qu'on la considère, soit pour la gloire des armes, soit pour la sagesse des lois, soit pour l'étude des sciences et des arts, tout y a été porté à un haut degré de perfection; et l'on peut dire, par rapport à tous ces objets, que la Grèce est devenue en quelque sorte l'école du genre humain.

Il n'est pas possible qu'on ne s'intéresse beaucoup à l'histoire d'un tel peuple, sur-tout quand on fait réflexion qu'elle nous a été transmise par des écrivains du plus rare mérite, dont plusieurs même se sont autant distingués par l'épée que par la plume, et ont été aussi bons capitaines et grands politiques qu'excellents historiens. C'est un grand secours, il faut l'avouer, d'avoir pour guides de tels hommes, d'un jugement exquis, d'une prudence consommée, d'un goût épuré et parfait en tout genre, qui fournissent, non-seulement les faits et

Tome II. Hist. anc.

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les pensées aussi-bien que les expressions dont il faut les revêtir, mais, ce qui est beaucoup plus important, les réflexions qui doivent les accompagner, et qui sont le fruit principal de l'histoire. Voilà les riches trésors où je puiserai tout ce que j'ai à dire, après que j'aurai passé les premières origines de la Grèce, qui ne peuvent pas être fort agréables, et sur lesquelles je ne ferai que couler légèrement. Mais avant que d'en parler, je crois nécessaire de tracer un plan abrégé de la situation du pays, et des différentes parties qui le composent.

ARTICLE PREMIER.

Description géographique de l'ancienne Grèce.

LA Grèce ancienne, qui est maintenant la partie méridionale de la Turquie en Europe, était terminée au levant par la mer Égée, dite aujourd'hui l'Archipel; au midi, par la mer de Crète ou de Candie; au couchant, par la mer d'Ionie1; et au nord, par l'Illyrie et la Thrace.

Les parties de la Grèce ancienne sont, l'Épire, le Péloponnèse, la Grèce proprement dite, la Thessalie, la Macédoine.

L'ÉPIRE.

Cette province est située au couchant, et séparée de la Thessalie et de la Macédoine par le mont Pindus, et par les monts appelés Acroceraunii.

Les peuples les plus connus qui l'habitent sont, les - MOLOSSES, dont la ville principale est Dodone, célèbre par le temple et l'oracle de Jupiter; les CHAONIENS,

* Et la mer de Sicile, entre la Sicile et le Péloponnèse. — ́L.

1

dont la ville est Orique; les THESPROTIENS, dont la ville est-Buthrotum, où était le palais et la demeure des Pyrrhus; les ACARNANIENS, dont la ville est Ambracie, qui donne son nom au golfe. Là se trouve Actium, célèbre par la victoire d'Auguste, qui bâtit vis-à-vis de cette ville, de l'autre côté du golfe, Nicopolis. Il y avait dans l'Épire deux petites rivières fort connues dans la Fable, le Cocyte et l'Achéron.

1.

Il fallait que l'Épire fût autrefois bien peuplée, puis- Apud Polyb. que Polybe dit que Paul Émile, après la défaite de 17, p. 322. Persée, dernier roi de Macédoine, y détruisit soixante et dix villes, dont la plus grande partie était des Molosses, et en emmena cent cinquante mille prisonniers.

LE PELOPONNÈSE.

C'est une presqu'île qu'on nomme maintenant la Morée, qui ne tient au reste de la Grèce que par l'isthme de Corinthe, large seulement de six milles. On sait que plusieurs princes 1 ont tenté inutilement de couper cet isthme.

I

Ses parties sont : l'ACHAIE proprement dite, dont les principales villes sont Corinthe, Sicyone, Patræ, etc.; l'ÉLIDE: c'est là qu'est Olympia, appelée aussi Pisa2, située sur l'Alphée, où se célébraient les jeux olympiques; la MESSÉNIE: Messène, Pyle, la ville de Nestor, Corone; l'ARCADIE: Cyllène, montagne où Mercure prit naissance; Tégée, Stymphale, Mantinée, Mégalopolis, patrie de Polybe; la LACONIE : Sparte ou Lacé

' Démétrius Poliorcète, Jules César, Caïus Caligula, Néron, (PLIN. IV, 4). — L.

2 Il paraît en effet d'après les recherches de M. Gail, qu'Olympia

n'était point une ville on donnait
ce nom à tout le terrain consacré à
Jupiter Olympien, près de la ville
de Pise, qu'on appelait quelquefois
Pisa-Olympia. —- L.

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