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qu'il place si près du trône méritent de partager avec lui son autorité, et pour en écarter sévèrement tous ceux qu'il jugera indignes de cet honneur. Il paraît ́qu'en Perse les rois veillaient avec grand soin à ce que la justice fût administrée avec beaucoup d'intégrité et de désintéressement; et l'un de ces juges royaux, car Herod. 1. 5, on les appelait ainsi, s'étant laissé corrompre par des présents, fut impitoyablement condamné à mort par Cambyse, qui ordonna qu'on mît sa peau sur le siége où ce juge inique avait coutume de prononcer ses jugements, et où son fils, qui succédait à sa charge, devait s'asseoir, afin que le lieu même où il jugerait l'avertît continuellement de son devoir.

cap. 25.

P. 7.

Les juges ordinaires étaient pris dans le corps des Xenoph. vieillards, où l'on n'entrait qu'à l'âge de cinquante ans; Cyrop. 1. 1, ainsi personne n'exerçait la judicature avant ce temps, les Perses étant persuadés qu'on ne pouvait apporter trop de maturité à un emploi qui décide des biens, de la réputation et de la vie des citoyens.

cap. 137.

Il n'était permis ni aux particuliers de faire mourir Herod. 1. 1, un esclave, ni au prince d'infliger peine de mort contre aucun de ses sujets pour une première et unique faute, parce qu'elle pouvait être regardée moins comme la marque d'une volonté criminelle que comme l'effet de la faiblesse et de la fragilité humaine.

Les Perses croyaient qu'il était raisonnable de mettre dans la balance de la justice le bien comme le mal, les mérites du coupable aussi-bien que ses démérites, et qu'il n'était pas juste qu'un seul crime effaçât le souvenir de toutes les bonnes actions qu'un homme aurait faites pendant sa vie. C'est par ce principe que 1d. 1. 7. Darius, ayant condamné à mort un juge parce qu'il

cap. 194.

p. 333-336.

avait prévariqué contre son devoir, et s'étant souvenu des services importants que ce juge avait rendus à l'état et à la famille royale, révoqua sa sentence dans le moment même qu'elle allait être mise à exécution, reconnaissant qu'il l'avait prononcée avec plus de précipitation que de sagesse1.

Mais une loi importante et essentielle pour les jugements, était, en premier lieu, de ne condamner jamais un coupable sans lui avoir confronté ses accusateurs, et sans lui avoir laissé le temps et fourni tous les moyens de répondre aux chefs d'accusation intentés contre lui; en second lieu, de condamner le délateur aux mêmes peines qu'il voulait faire souffrir à l'accusé, Diod. 1. 15, s'il se trouvait innocent. Artaxerxe donna un bel exemple de la juste sévérité qu'on doit employer dans ces occasions. Un de ses favoris lui avait rendu suspecte la fidélité de l'un de ses meilleurs officiers, dont il ambitionnait la place, et avait envoyé contre lui des mémoires pleins de calomnie, espérant de son crédit auprès du prince qu'il l'en croirait sur sa simple parole, et qu'il n'entrerait dans aucun examen : car tel est le caractère du délateur, il craint la lumière et les preuves; il desire fermer à l'innocence tout accès auprès du prince, et lui ôter tout moyen de se justifier. L'officier fut mis en prison. Il demanda au roi qu'on lui donnât des juges, et qu'on produisît les preuves. Il n'y en avait point d'autre que la lettre que son ennemi même avait écrite contre lui. Son innocence fut donc reconnue, et pleinement justifiée par les trois commissaires nommés pour l'examen de sa cause; et le roi fit tomber tout le poids de son indignation contre le perfide calom

* Γνοὺς ὡς ταχύτερα αὐτὸς ἢ σοφώτερα ἐργασμένος εἴη, ἔλυσε.

niateur, qui avait entrepris d'abuser ainsi de la confiance de son maître. Ce Prince, qui était fort éclairé et qui savait que la marque d'un sage gouvernement, c'est lorsqu'on ne craint que les lois et non les delateurs, aurait cru qu'en user autrement, ç'aurait été violer ouvertement les règles les plus communes de l'équité naturelle, et même de l'humanité 2; ouvrir la porte à l'envie, à la haine, à la vengeance, à la calomnie; armer de l'autorité publique la noire et détestable malice des délateurs contre la simplicité des plus fidèles sujets, et dépouiller le trône du plus auguste privilege qu'il puisse avoir, qui est d'être l'asyle de la justice et de l'innocence contre la violence et la calomnie.

Un autre roi de Perse, avant lui, avait donné un exemple encore plus mémorable de fermeté et d'amour de la justice : c'est celui que l'Écriture appelle Assuérus, et que l'on croit être le même que Darius fils d'Hystaspe, à qui les vives sollicitations d'Aman avaient arraché ce funeste édit qui ordonnait qu'en un certain jour les Juifs, dans toute l'étendue de son empire, seraient exterminés. Quand Dieu lui eut ouvert les yeux par le moyen d'Esther, il se hâta de réparer sa faute, non-seulement par la révocation de son édit, et par la punition exemplaire du fourbe et de l'imposteur qui l'avait trompé, mais encore plus par un aveu public de sa faute, qui devait servir de modèle à tous les siècles et à tous les princes, et leur apprendre que bien loin de dégrader par-là leur dignité ou d'affaiblir leur autorité, ils rendaient l'une et l'autre plus respectables.

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Esther,

c. 16.

·

Herod. 1. 1, cap. 138.

Xenoph. Cyrop. 1. 8,

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Après y avoir déclaré qu'il n'est que trop ordinaire aux calomniateurs de surprendre par leurs déguisements et par leur adresse la bonté des princes, que leur sincérité naturelle porte à juger favorablement de celle des autres, il ne rougit point de reconnaître qu'il avait eu le malheur de se laisser ainsi prévenir contre les Juifs, qui étaient les plus fidèles de ses sujets, et les enfants du Dieu très-haut, à la bonté de qui lui et ses ancêtres étaient redevables de leur trône.

Les Perses n'étaient pas seulement ennemis de l'injustice, comme nous venons de le voir, ils avaient encore en horreur le mensonge, qui passa toujours parmi eux pour un vice bas et infamant. Ce qu'ils trouvaient le plus lâche après le mensonge, c'était de vivre d'emprunt. Une telle vie leur paraissait fainéante, honteuse, servile, et d'autant plus méprisable qu'elle portait à

mentir.

IV. Attention sur les Provinces.

Il paraît facile de maintenir le bon ordre dans la capitale du royaume, où la conduite des magistrats et des juges est éclairée de près, et où la vue seule du trône est capable de tenir les sujets dans le respect. Il n'en est pas ainsi des provinces, où l'éloignement du prince et l'espérance de l'impunité peuvent donner lieu à beaucoup de malversations de la part des officiers et des magistrats, et de désordres de la part des peuples; c'est à quoi la politique des Perses s'appliquait avec le plus de soin, et l'on peut dire aussi avec le plus de

succès.

L'empire des Perses se divisait en cent vingt-sept p. 229-232. gouvernements, dont ceux qui en étaient chargés

s'appelaient satrapes1. Ils avaient au-dessus d'eux trois principaux ministres qui veillaient sur leur conduite, et à qui ils rendaient compte de toutes les affaires de leurs provinces, et qui devaient ensuite en faire rapport au roi. C'était Darius Médus, c'est-à-dire Cyaxare, ou plutôt Cyrus, sous le nom de son oncle, qui avait établi ce bon ordre dans l'empire. Ces satrapes, par leur établissement, étaient chargés de se rendre, chacun dans sa province, aussi attentifs aux intérêts des peuples qu'à ceux du prince; car Cyrus était persuadé qu'on ne devait point mettre de différence entre ces deux sortes d'intérêts qui sont nécessairement liés ensemble, puisque les peuples ne peuvent être heureux si le prince n'est puissant et en état de les défendre, ni le prince être véritablement puissant si les peuples ne sont heureux.

Ces satrapes étaient les personnes de l'état les plus considérables, à qui Cyrus assigna des fonds et des revenus proportionnés à l'importance de leurs emplois. Il voulait qu'ils vécussent noblement dans la province, pour s'attirer le respect et des grands et des peuples qui étaient confiés à leurs soins; et que par cette raison leur train, leur équipage, leur table, répondissent à leur dignité, sans pourtant sortir des bornes d'une sage et raisonnable modestie. Il se proposait lui-même à eux pour modèle, comme il souhaitait qu'ils le fussent

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