Page images
PDF
EPUB

proposition contraire à l'affirmation, ou s'il n'est pas possible aussi que l'affirmation soit contraire à l'affirmation. Soit cette proposition : Tout homme est juste. Quelle est la proposition contraire? Est-ce : Tout homme est injuste? ou bien: Aucun homme n'est juste? Pour éclaircir sans peine cette question, il suffit de voir quelle est la pensée contraire à la première pensée. Les propositions qui représentent les pensées seront comme les pensées elles-mêmes. D'abord, il est clair que les pensées ne sont pas contraires par cela seul qu'elles s'appliquent à des objets contraires. Dire du bien qu'il est bien, du mal qu'il est mal, ce sont des pensées de forme pareille, quoique les sujets soient contraires, quoique le mal soit le contraire du bien. La seule pensée vraiment contraire est celle d'où naît l'erreur. Or c'est précisément la négation de la chose prise en soi, et non point la négation de l'accident de cette chose. Ainsi dire d'une chose bonne qu'elle est bonne, c'est une proposition vraie. Dire qu'elle n'est pas bonne, c'est la proposition fausse parce qu'elle s'adresse à la chose en soi; dire de cette chose qu'elle est mauvaise, c'est nier un simple accident de la chose. En soi la chose est bonne par accident, elle n'est pas mauvaise. Si donc la pensée contraire est la pensée fausse, négation

:

de la pensée vraie, il s'ensuit qu'il en est de même pour les propositions, et que la proposition contraire est véritablement la négation pure et simple de la proposition initiale. Il n'importe, du reste, en rien que la proposition soit ou ne soit pas sous forme universelle ou indéterminée. Seulement, quand les pensées sont sous forme particulière, les deux opposées peuvent être toutes deux vraies à la fois. Il n'est pas moins évident que, ni une pensée vraie ni une négation vraie, ne peuvent être contraires ni à une pensée, ni à une négation vraie: car il n'est pas possible que jamais les contraires soient à la fois à un seul et même objet.

HERMÉNEIA,

OU

TRAITÉ DE LA PROPOSITION.

CHAPITRE PREMIER.

Énumération des objets divers de ce traité. Rapports du

[ocr errors]

langage à la pensée. Les mots isolés n'expriment ni vérité ni erreur : il faut qu'ils soient réunis pour exprimer l'un ou l'autre.

§ 1. Il faut établir d'abord ce que c'est que nom, ce que c'est que verbe, puis ensuite, ce que c'est

négation et affirmation, énonciation et jugement.

Herméneia, J'ai cru devoir conserver le mot grec, parce qu'il est impossible de le bien traduire à moins d'une longue périphrase. Les commentateurs du moyen âge ont conservé le titre tout entier et les deux mots Peri hermeneias sont devenus pour eux un accusatif pluriel féminin qui a eu son génitif en arum et son datif en is. Quant au second titre, il n'appartient pas à Aristote mais le catalogue de Diogène Laërce et l'autorité de plusieurs commentateurs le recom

que

[blocks in formation]

§ 2. Les mots dans la parole ne sont que l'image des modifications de l'âme; et l'écriture n'est que l'image des mots que la parole exprime. § 3. De même que l'écriture n'est pas identique pour tous les hommes, de même les langues ne sont pas non plus semblables. Mais les modifications de l'âme, dont les mots sont les signes immédiats, sont identiques pour tous les hommes, comme les choses, dont ces modifications sont la représentation fidèle, sont aussi les mêmes pour tous. § 4. On a déjà parlé de cela dans le Traité de l'Ame: et en effet ce sujet appartient à un autre traité que celui-ci. § 5. De

8 2. L'image des modifications de l'âme. C'est donner au langage une origine tout humaine. L'antiquité grecque n'a jamais résolu autrement cette question, que d'ailleurs elle n'a point cherché à approfondir.

83. Les modifications de l'âme... sont identiques, Ceci ne contredit pas le paragraphe qui précède. Les modifications sont identiques: mais les images de ces modifications ne le sont pas, précisément parce que la volonté de l'homme intervient dans la production de ces images. On voit, comme le font remarquer les commentateurs, que toute cette théorie est contraire à celle que Platon développe dans le Cratyle. Pacius ajoute qu'il y a ici quatre degrés distincts: l'écriture qui représente les mots, les mots qui représentent les conceptions de l'esprit, et enfin ces conceptions qui représentent les choses. Cette gradation que fait Aristote est parfaitement exacte. Alexandre d'A

phrodise, dans son commentaire qui n'est pas venu jusqu'à nous, contestait cette identité des pensées pour tous les hommes, voir Ammonius, Scholies, p. 100, a, 32 et la note, et p. 101, b, 1. Herminus proposait ici une variante qui ne tient qu'au changement d'un accent, et il corrigeait ainsi la pensée qu'Alexandre ne jugeait pas trèsjuste, ib., 8 et la note.

§ 4. On a déjà parlé de cela dans le Traité de l'Ame, Voir le Traité de l'Ame, livre 3, ch. 7, éd. de Trendelenbourg, p. 94 et 96. Andronicus de Rhodes, ne retrouvant pas textuellement ceci dans le Traité de l'Ame, avait déclaré l'Herméneia apocryphe. Il est le seul parmi les commentateurs à soutenir cette opinion. Voir les Scholies, éd. de Berlin, p. 94, a, 21, p. 97, a, 19, et mon mémoire sur la Logique, t. 1, p. 53.

§ 5. Nètre ni vraies ni fausses, En tant qu'elles n'impliquent ni l'affirmation ni la négation d'un

même qu'il y a dans l'âme, tantôt des pensées qui peuvent n'être ni vraies ni fausses, et tantôt des pensées qui nécessairement doivent être l'un ou l'autre, de même aussi dans la parole; car l'erreur et la vérité ne consistent que dans la combinaison et la division des mots. § 6. Les noms eux-mêmes et les verbes ressemblent donc à la pensée sans combinaison ni division, par exemple: homme, blanc, sans rien ajouter à ces mots. Ici en effet rien n'est encore ni vrai ni faux: et en voici bien la preuve: un cerf-bouc, par exemple, siguifie certainement quelque chose; mais ce n'est encore ni vrai ni faux, si l'on n'ajoute pas que cet animal existe ou qu'il n'existe pas, soit d'une manière absolue, soit dans un temps déterminé.

CHAPITRE II.

Du nom : définition du nom : justification des parties diverses de cette définition. Du nom indéterminé.

du nom.

Des cas

§ 1. Le nom est un mot qui par convention signifie

objet matériel. Dans la combinaison et la division des mots, Voir dans les Catégories, ch. 2, § 1, et surtout ch. 4, § 3.

86. Les noms eux-mêmes et les verbes, Pris isolément et sans combinaison. Un cerf-bouc signifie certainement quelque chose, Dans la pensée, mais non dans la réalité, si on ne l'affirme ni ne le nie. Voir la République de Platon, liv. 6, p. 10,

trad. de M. Cousin. - Soit d'une manière absolue, Ceci peut signifier encore, comme le veut Pacius, que l'affirmation s'applique au présent, comme les mots suivants : soit dans un temps déterminé, s'appliquent aux deux autres moments du temps, le passé et l'avenir.

$ 1. Un mot qui par convention, Et non par une sorte de nécessité

« PreviousContinue »