L'Amandier et le Poirier. L'AMANDIER voyant ses rameaux couverts de fleurs, étoit tout glorieux et méprisoit le Poirier qui poussait à peine ses bourgeons. Mais l'aquilon, qui n'avoit feint de s'éloigner que pour faire plus de mal à son retour, revenant à la charge, enlève toutes les fleurs de l'Amandier, et avec elles l'espérance des fruits. Les jeunes gens sont avertis de ne pas trop se presser de porter des fleurs, s'ils veulent un jour donner des fruits. L'Enfant et la Chataigne. UN Enfant avoit trouvé par hasard une Châtaigne; il la mit aussitôt sous la cendre chaude pour la faire cuire. La pauvre Châtaigne, ne pouvant supporter la chaleur qui l'étouffe, fait connoître ce qu'elle souffre par des sons plaintifs. Le Marmot, loin d'en avoir pitié, lui dit d'un ton railleur: Attends, attends, je sais le moyen de faire finir tes lamentations. Enmême temps il couvre la cendre de braise ardente. La malheureuse Châtaigne ne peut résister à une si grande augmentation de chaleur; elle se fend, elle crève, mais non sans se venger. Elle fait jaillir les charbons, et s'élançant elle-même au visage de son petit bourreau, lui déchire les joues et le met en danger de perdre la vue. Un ennemi furieux est à craindre, lors même qu'il périt. Le jeune Rat et le Chat. UN jeune Rat, nouvel habitant du monde, trottoit de côté et d'autre. Tandis que transporté de joie, il cherche à prendre sa part de cette lumière Præ gaudio alacer, ac properaret vivere; Asini vota. MICARE per agros cœperat jucunditas Rediviva : blando spiritu favonii Recreata passim jam ridebant omnia : Plorabat Asinus. Quid enim ? in urbem singulis At multos nimiùm, eosque natali solo Quod ille reputans magis acerbum quàm priùs, Et hanc miserrimam esse conqueritur vicem, commune à tout ce qui respire, et qu'il se hâte de jouir de la vie, il aperçoit un chat, qui tranquillement occupé à ne rien faire, assis sur son derrière, et ramenant sa queue autour de ses pattes, semblait livré aux plus douces réflexions. Voilà, certes, ditil, un animal qui paroît la bonté même. La sainteté respire dans tous ses traits. Je veux lui parler, et faire connoissance avec lui, s'il veut bien me le permettre. Il s'approche donc; mais aussitôt la bête scélérate alongeant la griffe le saisit et le dévore. Un air sanctifié n'est pas une preuve de la sainteté du personnage. Les souhaits de l'Ane. LA campagne, au retour du printemps, offroit le spectacle le plus riant la nature, ranimée par le souffle caressant du zéphir, étaloit tous ses charmes : l'Ane pleuroit, et il en avoit raison. Le pauvre hère est forcé de porter chaque jour à la ville, des fleurs, il est vrai, mais en trop grande quantité, mais placées avec leur terre natale dans des pots de grès. Il n'a donc que du mépris pour le printemps et toutes ses délices si vantées; il soutient qu'on ne doit point les nommer ainsi, et voudroit voir arriver l'été. Le voilà venu, et avec lui de nouvelles misères pour notre pauvre Baudet. Un maître avide ne laisse passer aucun jour sans lui charger le dos de légumes, qu'il faut promener dans toutes les rues pour en avoir le débit; et trouvant ce travail encore plus pénible que le précédent, maître Baudet déteste l'été et soupire après l'automne. L'automne à peine arrivé, il se repent de l'avoir desiré. Sans cesse il lui faut porter des fruits entassés dans de grandes corbeilles nouvelle infortune, qui le fait encore éclater en plaintes amères, et ses vœux imprudens appellent l'hiver qui tarde trop à son gré. L'hiver arrive porté sur les ailes Advecta Borex pennis, et gelu furens Equulus et Equus. EQUULUS habebat herbas in prato affatim Eòdem, vires reficiendi gratiâ, Deductus fortè cùm fuisset Quadrupes glacées glacées de l'aquilon, et répandant avec fureur la neige et les friiats, engourdit les pieds du pares seux Grison; mais il n'a pas engourdi le bras formidable de son maître, qui, tous les jours, de grand matin, vient l'avertir d'une voix tonnante de remplir sa tâche journalière, le charge d'un fumier lourd et infect, et sait lui rappeler à grands coups de fouet ses forces languissantes. Alors l'infortuné s'abandonne à un tel désespoir, que toutes ses lamentations passées n'étoient qu'un jeu en comparaison de celles qu'il fait maintenant, et il comprend enfin qu'il né fui reste plus à souhaiter que la mort. Demander un changement de fortune, c'est ordinairement demander un changement de misère. Le Poulain et le Cheval. UN Poulain trouvait en abondance dans une prairie de l'herbe tendre et succulente; mais la bonne chère lui émoussa le palais, et la satiété amena bientot le dégoût. H aborde un vieux Cheval qui avait été mis dans le même endroit pour s'y refaire, et à force de prières l'engage à le conduire dans un meilleur pâturage. Ils parient ensemble, et franchissent à l'envi les ruisseaux des vallons, les hauteurs des collines et l'étendue des plaines mais lorsque les ombres commencent à grandir, le conducteur fait un détour, et par des chemins qui lui sont connus, il ramène insensiblement son jeune camarade au pâturage qu'ils avoient quitté. Ils y arrivent après le soleil couché; ainsi l'obscurité fait que le Poulain s'y trompe aisément. Le voilà qui s'empresse de paître les premières herbes qu'il rencontre, et les bruie avec beauconp d'appétit. Lorsqu'il en a pris tout son soul, il se livre aux douceurs du sommeil. Mais le lendemain, dès que l'aurore naissante eut coloré les objets, il se lève, et portant de tous côtés ses regards: Oh! oh! dit-il, me trompé-je? je revois la même prairie qua |