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calendes de mars (le seizième de février) âgé d'environ trente-trois ans, après avoir régné sept mois. Ses successeurs le firent mettre au nombre des dieux; il étoit naturellement doux et fort libéral.

COLLOQUE CHOISI

D'ÉRASME.

Conversation pieuse.
ÉRASME, GASPAR.

ERASME. Qu'est-ce que la Religion? GASPAR.

C'est le culte pur que l'on rend à la divinité, et l'observation de ses commandemens. ER. Quels sont ces commandemens? GAS. Le détail en est long, mais pour abréger: la religion consiste dans quatre choses. ER. Savoir? Gas. La première, à avoir des sentimens droits et pieux de Dieu et de ses saintes écritures; à ne le pas craindre seulement comme notre maître, mais à l'aimer encore de tout notre cœur, comme le plus bienfaisant de tous les pères. La seconde, à conserver bien précieusement notre innocence, c'est-à-dire, à ne faire de tort à personne. La troisième, à pratiquer la charité c'est-à-dire, à faire du bien à tout le monde autant qu'il nous est possible. La quatrième, à nous armer de patience. Or la patience nous fait souffrir constamment le mal qu'on nous fait lors

ulciscentes, nec malum malo referentes. ER. Næ, tu probus es concionator. Sed præstas ista quæ doces? GAS. Equidem adnitor pro meâ virili. ER. Qui potes pro virili, quum sis puer ? GAS. Meditor pro viribus, et quotidiè mecum ineo rationem. Si quid cessatum fuerit, corrigo: illud præter decorum, hoc dictum petulantiùs, hoc factum incircumspectiùs, hoc taceri præstiterat, illud omissum. ER. Quandò subducitur ista ratio? GAS. Fermé sub noctem, aut si quandò magis vacat. Ex. Sed age, dịc mihi, quibus studiis totum transigis diem? Gas. Nihil celabo tam fidum sodalem. Manè, simul atque sum expergefactus, (id ferè fit ad quintam aut sextam) pollice signum crucis pingo in fronte et in pectore. ER. Quid deinde? Gas. Auspicor initium diei, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. ER. Piè sanè. Gas. Mox paucis saluto Christum. Ago gratias quòd eam noctem mihi voluerit esse prosperam, precorque ut diem itidem illum totum mihi benè fortunet ad ipsius gloriam et animæ meæ salutem: utque is, qui est vera lux occasum nesciens, sol æternus, omnia vivificans, alens, exhilarans, dignetur illucescere menti meæ, ne usquàm impingam in ullum peccatum; sed ipsius ductu

que

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que nous ne pouvons y remédier, et elle nous empêche de nous venger et de rendre le mal pour le mal. ER. Mais tu es un excellent prédicateur: agis-tu comme tu prêches? Gas. J'y travaille autant que peut le faire un homme comme moi.ER.Comment, autant qu'un homme comme toi? Tu n'es encore qu'un enfant. GAS. C'est-à-dire, que je médite autant que mes forces me le permettent; et que je m'examine régulièrement tous les jours. Si j'ai manqué en quelque chose, je me le reproche à moi-même: telle action étoit contre la bienséance, telle parole étoit téméraire, telle démarche imprudente, j'aurois dû ne pas dire ceci, je n'aurois pas dû oublier cela. ER. Dans quel temps entrestu comme cela en compte ! GAS. Sur le soir ou bien quand j'ai le temps. ER. Mais dis-moi, à quelles études t'occupes-tu le long de la jour. née ? GAS. Je ne veux rien avoir de caché pour un camarade qui est si fort de mes amis. Le matin dès que je m'éveille (ce qui arrive ordinairement sur les cinq ou six heures) je fais avec mon pouce le signe de la croix sur mon front et sur ma poitrine. ER. Ensuite? GAS. Je consacre le commencement de ma journée au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. ER. Cela est fort édifiant. Gas. Après cela je fais en peu de mots ma prière au Seigneur: je le remercie de m'avoir accordé une nuit favorable, et je le prie de bénir de même la journée toute entière pour sa gloire et le salut de mon ame et comme c'est lui qui est la vraie lumière, qui ne connoît point de couchant le Soleil éternel qui vivifie tout, qui nourrit tout, qui réjouit tout, je le prie d'éclairer si bien mon esprit que je ne tombe en aucun péché, et que sous sa conduite j'arrive à la

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perveniam ad vitam æternam. ER. Haud inauspicatum diei exordium. Gas. Deindè salutatis parentibus, quibus secundùm Deum primam debeo pietatem, quum tempus est, confero me ad ludum litterarium, sed ut per templum, si commodum est, sit mihi transitus. ER. Quid illic! GAS. Rursùs tribus verbis saluto Jesum sed nominatim ac divos, divasque omnes, Virginem Matrem, tùm eos quos habeo mihi peculiares. ER. Quid hîc à Christo flagitas, GAS. Precor, ut qui puer duodecim annos natus, sedens in templo docuit ipsos doctores, cuique Pater, cœlitus emissâ voce, dedit auctoritatem docendi mortalium genus, quum diceret : Hic est Filius meus dilectus, in quo mihi complacitum est; ipsum audite : quique est æterna sapientia summi Patris, illustrare dignetur ingenium meum ad perdiscendas honestas litteras, quibus utar ad ipsius gloriam. ER. An à sanctis quoque flagitas aliquid? Gas. Precor ut me suis suffragiis Christo commendent, efficiantque ut illius munere aliquandò contingat in ipsorum venire contubernium. ER. Quid tùm posteà? GAS. Ad ludum propero, et quod is locus postulat, toto ago pectore. Sic enim imploro Christi præsidium, quasi citra illius opem nihil efficiat studium nostrum: sic studeo, quasi ille nihil auxilii sit laturus, nisi gnaviter laboranti. Ac modis omnibus do operam, ne meritò va

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vie éternelle. ER. Voilà ce qui s'appelle une journée fort bien commencée. GAS. Ensuite lorsque j'ai été saluer mon père et ma mère, à qui je dois le plus de respect après Dieu, je m'en vais au collége, de manière cependant que, s'il est possible, je passe par une église. ER. Pourquoi faire GAS. Encore trois mots de prière à Jésus-Christ, à tous les saints et saintes du Paradis, et spécialement à la Vierge, mère de Dieu, et aux autres saints que j'ai pris pour mes patrons particuliers. ER. Et que demandes-tu à Jésus-Christ? GAS. Je lui demande, que comme n'étant encore qu'un enfant de douze ans, il s'assit au milieu du temple pour instruire les docteurs mêmes de la loi; comme ce fut à lui que le Père éternel donna le pouvoir d'enseigner le genre humain lorsqu'il fit sortir cette voix du ciel : c'est - là mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances écoutez-le; comme c'est lui enfin qui est la sagesse du Père tout-puissant, il me fasse la grâce d'éclairer mon esprit pour apprendre les belles-lettres, afin de m'en servir pour sa gloire. ER. Demandes-tu aussi quelque chose aux saints GAS. Oui, je les prie de m'appuyer de leurs suffrages auprès de Jésus-Christ, et de m'obtenir de lui la grâce d'entrer un jour dans leur compagnie. ER. Après tout cela? GAS. Je me rends promptement en classe, et je remplis de tout mon cœur les obligations que ce lieu m'impose : car j'implore le secours de Jésus-Christ, comme étant bien persuadé que sans son aide, toute notre étude est inutile; et j'étudie comme ne doutant pas qu'il ne m'aidera jamais, si je ne travaille avec la dernière application. Enfin je fais tout mon possible pour ne mériter aucune punition,

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