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<< Lâchez pendant mille ans toutes les écluses de 93, vous n'aurez pas une mer de sang comparable à celle qu'a versée le premier Empire. » (E. Pelletan.)

<< Il y a, sur la place Vendôme, une colonne, avec une statue, qui s'élève à plus de 40 mètres. Eh bien! si les cadavres de tous ceux qui sont morts pour qu'on pût élever ce trophée, étaient couchés côte à côte sur tout le sol de la place, comme ils le sont dans la fosse commune, ils formeraient une pyramide qui monterait bien plus haut que la colonne, et la statue aurait 120 mètres de cadavres par-dessus la tête. » (Jules Bastide).

Et combien de personnes meurent de la guerre en dehors du champ de bataille! Les 7 millions de morts militaires emportés par les dix années de tuerie du premier Empire, ne représentent pas la moitié du chiffre total des victimes. On peut se faire une idée du nombre énorme de personnes plongées dans la misère par les guerres de Napoléon, d'après le tableau des secours donnés par les bureaux de

que, Guerre et Armées permanentes.) Les historiens russes estiment à 111,000 hommes la perte totale des deux armées dans la seule bataille de la Moskova. On connaît aussi l'incendie de l'immense cité de Moscou, qui dévora un monde de trésors et de richesses de toute nature, évalué à quatre milliards.

bienfaisance de Paris. De 1804 à 1810, le nombre des femmes secourues à Paris seulement s'est graduellement élevé de 24,000 à 38,000. En 1810, le nombre des enfants qui recevaient à Paris des secours de la charité publique n'était pas inférieur à 53,000. La mortalité était effrayante dans ces deux classes. (J.-B. Say.)

Suivant M. Ch. Dupin, la population de la France avait diminué de QUATRE MILLIONS d'habitants, de 1800 à 1814.

On a évalué les frais, pour la France seule, des guerres de Napoléon, à QUINZE milliards (1). La seule guerre des Cent-Jours a coûté trois milliards; soit, 30 millions par jour.

On peut se faire une idée de ce qu'était la vie sous l'Empire par le prix du blé, qu'on payait, en 1812, 52 francs l'hectolitre. Quant à la situation industrielle, on voit, par exemple, que les fabriques de toile de Laval et de Bretagne étaient presque toutes fermées depuis la guerre d'Espagne. La fabrication de Lyon qui, en 1787, avait 15,000 métiers en activité, n'en avait plus que 8,000 en 1813.

«Je démontrerais aisément par des chiffres, - écrivait M. Patrice Larroque, sur la guerre, avant

(1) Voir le calcul dans la brochure précitée de MM. A. de Rolland et E. Richard.

par les blessures, le choléra, le scorbut, la dyssenterie et tant d'autres maladies affreuses.

Les Anglaise laissèrent 22,182 morts; les Piémontais, 2,194; les Turcs, 35,000; les Russes, 630,000.

La guerre d'Orient a donc dévoré 784,991 soldats.

La consommation de capitaux ne fut pas moins énorme. Il a fallu faire des efforts inouïs, emprunter, augmenter les impôts dans une proportion incroyable, etc... Après la crise aiguë (manifestée, par exemple, par les variations du rendement des impôts indirects), ont subsisté partout des désordres permanents et un malaise chronique.

Les dépenses que cette expédition a imposées à l'Angleterre s'élèvent à un total de 1,855,761,700 fr. Cette même guerre a forcé la

France à des dépenses extraor

dinaires de plus de.....

Le Piémont y a dépensé.

La Turquie..

1,660,000,000

52,907,586

400,000,000

Ce qui fait, pour les puissances alliées, 3 milliards 968 millions.

La Russie y a englouti QUATRE MILLIARDS.

Les puissances neutres elles-mêmes furent entraînées dans un surcroît de dépenses qui s'éleva, pour l'Autriche, à 343 millions.

Le gouvernement prussien demanda, pour le ministère de la guerre, un crédit extraordinaire de 112,500,000 francs.

La Suède, le Danemark, la confédération germanique votèrent de pareils crédits. Les dépenses totales des puissances neutres s'élevèrent à 500 millions, ce qui, avec les quatre milliards environ dépensés par les quatre alliés, et les quatre milliards que la guerre a dû coûter à la Russie, donne un total de HUIT MILLIARDS ET DEMI.

Ces chiffres sont empruntés à un excellent petit livre de M. Leroy-Beaulieu, Les Guerres contemporaines, — livre postérieur aux travaux du docteur Chenu. J'en cite un fragment qui pourrait, à peu près, s'appliquer à toutes les guerres en général, et donnera un aperçu de la violence des crises qu'elles provoquent :

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«Est-ce là toute l'étendue des pertes? Non certes. Toutes les pertes privées, le ravage des champs, la destruction des récoltes; en cas de siége ou de guerre maritime, la ruine des villes, la destruction des navires; toutes ces pertes, d'une évaluation impossible, si on ne peut les calculer, il faut toujours les avoir devant les yeux.

"....

Ce qu'une guerre coûte aux finances publiques d'un pays, ce qui figure au budget en son nom, ne représente qu'une faible partie des pertes qu'elle impose à la fortune nationale. La suspension de l'industrie, la

ruine du commerce, le désordre porté dans toutes les conditions économiques, les faillites, les chômages, ce sont là des maux bien autrement grands.

« Qui croirait que la guerre d'Orient n'a enlevé à la Russie que quatre milliards, n'aurait aucune idée de l'immense consommation de capitaux que cette guerre a faite. Jamais, depuis le blocus continental, une nation ne s'était trouvée sous l'étreinte d'une lutte aussi formidable pour tous ses intérêts économiques et commerciaux. Les ports bloqués ne permettaient ni l'exportation, ni l'importation les vaisseaux pourrissaient à l'ancre derrière les forteresses. Dès le mois de mars 1854, il n'y avait plus un seul pavillon russe dans les ports de la France ou de la Grande-Bretagne; et ceux que l'hiver y avait retenus avaient été vendus, pour échapper aux risques d'une saisie. Les vaisseaux marchands qui s'étaient laissé surprendre dans la mer Baltique, dans la mer Noire, et jusque dans la mer d'Azof, où ils se croyaient protégés par la flotte, avaient été détruits. A combien estimer la perte de ces navires et de ces cargaisons? A combien évaluer le déchet et l'intérêt du capital de ceux qui dépérissaient dans les ports?

» Les vaisseaux neutres eux-mêmes n'avaient pas pleine liberté d'aller et de venir chargés de cargaisons russes.

».... A Riga, à Odessa, l'immense commerce des lins, des chanvres, des graines oléagineuses et des céréales, était complétement suspendu... Les exportations de Russie pour l'Angleterre, qui, au dire de M. Cobden (discours du 20 mars 1854), s'élevaient en moyenne à 350 millions, étaient presqu'arrêtées. Aussi le tarif des douanes russes

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