PHILISTE. Vous trouvez en tous lieux d'assez bonnes fortunes. DORANTE. Celle-ci pour le moins n'est pas des plus communes. PHILISTE Elle vous semble belle, à ce compte? DORANTE. A ravir. PHILISTE. Je n'en suis point jaloux. DORANTE. M'y voulez-vous servir? PHILISTE. Je suis trop maladroit pour un si noble rôle. DORANTE. Vous n'avez seulement qu'à dire une parole. Qu'une? PHILISTE. DORANTE. Non. Cette nuit j'ai promis de la voir, Sur que vous obtiendrez mon congé pour ce soir. Le concierge est à vous. PHILISTE. C'est une affaire faite. DORANTE. Quoi! vous me refusez un mot que je souhaite? PHILISTE. L'ordre, tout au contraire, en est déjà donné ; Mais, quoiqu'il soit constant qu'on vous prend pour un autre, Il faudra caution, et je serai la vôtre : Ce sont formalités que pour vous dégager Les juges, disent-ils, sont tenus d'exiger; Mais sans doute ils en font ainsi que bon leur semble. DORANTE. Que ne vous dois-je point pour de si bons offices! PHILISTE. Ami, ce ne sont là que de petits services; Je voudrois pouvoir mieux, tout me seroit fort doux. Adieu je vous attends au plus tard dans une heure. Que j'en suis même encor dans le ravissement DORANTE. Je suis ravi de voir que mon élection CLITON. Ah! plût à Dieu, monsieur, que ce fût la servante! DORANTE. Admire en cet amour la force du destin. CLITON. J'admire bien plutôt votre adresse ordinaire DORANTE. C'étoit nécessité dans cette occasion, De crainte que Philiste eût quelque vision, CLITON. Cette métamorphose est de vos coups de maître; Par adresse d'amour, et par nécessité. DORANTE. Tu fais bien le sévère CLITON. Non, non, à l'avenir je fais vœu de m'en faire; J'aurois trop à compter. DORANTE. Conserver un secret, Ce n'est pas tant mentir qu'être amoureux discret; CLITON. Ce n'est qu'autre prétexte, et non pas autre chose. Cette digne oraison que naguère j'ai faite : DORANTE. Pour de pareils sujets peut-on s'en garantir? Et pour servir un autre on ment sans qu'on y pense. CLITON. Si vous m'y surprenez, étrillez-y-moi bien. DORANTE. Allons trouver Philiste, et ne jurous de rien. MÉLISSE. J'en tremble encor de peur, et n'en suis pas remise. LYSE. Aussi-bien comme vous je pensois être prise. MÉLISSE. Non, Philiste n'est fait que pour m'incommoder. LYSE. Un ami véritable à toute heure s'acquitte; MÉLISSE. Quel désordre eût-ce été, Lyse, s'il m'eût connue ! LYSE. Il vous auroit denne fort avant dans la vue. MÉLISSE. Quel bruit et quel éclat n'eût point fait son courroux ! LYSE. Il eût été peut-être aussi honteux que vous. Un homme un peu content et qui s'en fait accroire, Quand il a de l'esprit, il sait rendre le change; MÉLISSE. Et fort adroitement tu m'as fait voir son feu. LYSE. Eh bien! mais que vous semble encor du personnage? MÉLISSE. J'en ai vu davantage. LYSE. Avez-vous du regret d'avoir trop hasardé? MÉLISSE. Je n'ai qu'un déplaisir, d'avoir si peu tardé. LYSE. Vous l'aimez? MÉLISSE. Je l'adore. LYSE. Et croyez qu'il vous aime? MÉLISSE. Qu'il m'aime, et d'une amour, comme la mienne, extrême. LYSE. Une première vue, un moment d'entretien, Vous fait ainsi tout croire, et ne douter de rien ! MÉLISSE. Quand les ordres du ciel nous ont faits l'un pour l'autre1, 'Corneille affectionnait beaucoup cette pensée sur les sympathies: non-senlement il l'a employée ici et dans Rodoyune, mais il avait déjà dit dans l'Illusion comique: Souvent je ne sais quoi, que le ciel nous inspire, |