410 AVERTISSEMENT AU LECTEUR. tion. Ainsi, pour m'essayer, je traçai, sans en rien dire à personne, non pas même à M. Racine, le canevas d'un prologue; et j'en composai une première scène. Le sujet de cette scène était une dispute de la Poésie et de la Musique, qui se querellaient sur l'excellence de leur art, et étaient enfin toutes prêtes à se séparer, lorsque tout à coup la déesse des accords, je veux dire l'Harmonie, descendait du ciel avec tous ses charmes et ses agréments, et les réconciliait. Elle devait dire ensuite. la raison qui la faisait venir sur la terre, qui n'était autre que de divertir le prince de l'univers le plus digne d'être servi, et à qui elle devait le plus, puisque c'était lui qui la maintenait dans la France, où elle régnait en toutes choses. Elle ajoutait ensuite que, pour empêcher que quelque audacieux ne vint troubler, en s'élevant contre un si grand prince, la gloire dont elle jouissait avec lui, elle voulait que dès aujourd'hui même, sans perdre de temps, on représentât sur la scène la chute de l'ambitieux Phaéton. Aussitôt tous les poëtes et tous les musiciens, par son ordre, se retiraient, et s'allaient habiller. Voilà le sujet de mon prologue, auquel je travaillai trois ou quatre jours avec un assez grand dégoût, tandis que M. Racine de son côté, avec non moins de dégoût, continuait à disposer le plan de son opéra, sur lequel je lui prodiguais. mes conseils. Nous étions occupés à ce misérable travail, dont je ne sais si nous nous serions bien tirés, lorsque tout à coup un heureux incident nous tira d'affaire. L'incident fut que M. Quinault s'étant présenté au roi les larmes aux yeux, et lui ayant remontré l'affront qu'il allait recevoir s'il ne travaillait plus au divertissement de Sa Majesté, le roi, touché de compassion, déclara franchement aux dames dont j'ai parlé. qu'il ne pouvait se résoudre à lui donner ce déplaisir. Sic nos servavit Apollo. Nous retournâmes donc, M. Racine et moi, à notre premier emploi, et il ne fut plus mention de notre opéra, dont il ne resta que quelques vers de M. Racine, qu'on n'a point trouvés dans ses papiers après sa mort, et que vraisemblablement il avait supprimés par délicatesse de conscience, à cause qu'il y était parlé d'amour. Pour moi, comme il n'était point question d'amourette dans la scène que j'avais composée, non-seulement je n'ai pas jugé à propos de la supprimer, mais je la donne ici au public, persuadé qu'elle fera plaisir aux lecteurs, qui ne seront peut-être pas fâchés de voir de quelle manière je m'y étais pris pour adoucir l'amertume et la force de ma poésie satirique, et pour me jeter dans le style doucereux. C'est de quoi ils pourront juger par le fragment que je leur présente ici, et que je leur présente avec d'autant plus de confiance, qu'étant fort court, s'il ne les divertit, il ne leur laissera pas du moins le temps de s'ennuyer. PROLOGUE'. LA POÉSIE, LA MUSIQUE. LA POÉSIE. Quoi! par de vains accords et des sons impuissants, LA MUSIQUE. Aux doux transports qu'Apollon vous inspire, Je crois pouvoir mêler la douceur de mes chants. LA POÉSIE. Oui, vous pouvez aux bords d'une fontaine Ne me sauraient prêter qu'une cadence vaine. Texte de 1713. Des éditeurs ajoutent ici le mot d'opéra, qui est peu utile, à cause du titre courant. Ah! c'en est trop, ma sœur il faut nous séparer : Nous allons voir sans moi ce que vous saurez faire. LA MUSIQUE. Je saurai divertir et plaire; Et mes chants, moins forcés, n'en seront que plus doux. LA POÉSIE. Hé bien! ma sœur, séparons-nous. LA MUSIQUE. Séparons-nous. LA POÉSIE. Séparons-nous. CHOEUR DES POETES ET DES MUSICIENS. Séparons-nous, séparons-nous. LA POÉSIE. Mais quelle puissance inconnue LA MUSIQUE. Quelle divinité sort du sein de la nue? LA POÉSIE. Quels chants mélodieux Font retentir ici leur douceur infinie? LA MUSIQUE. Ah! c'est la divine Harmonie, Qui descend des cieux! LA POÉSIE. Qu'elle étale à nos yeux LA MUSIQUE. Quel bonheur imprévu la fait ici revoir! LA POÉSIE ET LA MUSIQUE. Oublions nos querelles, Il faut nous accorder pour la bien recevoir. CHOEUR DES POETES ET DES MUSICIENS. Oublions nos querelles, Il faut nous accorder pour la bien recevoir. 1. EPIGRAMMA. In novum Caussidicum, rustici lictoris filium. Dum puer iste fero natus lictore perorat, II. ALTERUM. In Marullum, versibus phaleucis antea male laudatum. Nostri quid placeant minus phaleuci, III. SATIRA. Quid numeris iterum me balbutire latinis |