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Mais que vous ont fait nos oreilles
Pour les traiter si rudement?

XXXI. Épitaphe'.

Ci-git, justement regretté,
Un savant homme sans science,
Un gentilhomme sans naissance,
Un très-bon homme sans bonté.

XXXII. Sur un portrait de l'auteur.

Ne cherchez point comment s'appelle
L'écrivain peint dans ce tableau :
A l'air dont il regarde et montre la Pucelle,
Qui ne reconnaîtrait Boileau ??

XXXIII. Pour mettre au bas d'une méchante gravure qu'on a faite de moi.

Du célèbre Boileau tu vois ici l'image.

Quoi! c'est là, diras-tu, ce critique achevé!
D'où vient le noir chagrin qu'on lit sur son visage?
C'est de se voir si mal gravé.

1

Épitaphe de M. de Gourville : il est parfaitement représenté dans ces quatre vers. Il ne savait rien, et parlait de tout avec esprit. Il était de très-basse naissance, et avait des manières fort nobles. Il faisait accueil à tout le monde, et n'aimait personne. (J.-B. Rouss.) Il fut enveloppé dans la disgrâce du surintendant Fouquet, et gracié en 1681.. (ST.-S.) On a de Gourville des Mémoires très-curieux sur les affaires du temps. Ils forment 2 volumes in-12.

2 En 1699, Boileau me donna son portrait peint par Santerre. Il est représenté souriant et montrant du doigt la Pucelle ouverte sur une table. Il accompagna son présent de cette épigramme. (BR.)

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Mes révérends pères en Dieu,

Et mes confrères en satire,

Dans vos écrits, en plus d'un lieu,
Je vois qu'à mes dépens vous affectez de rire.
Mais ne craignez-vous point que pour rire de vous,
Relisant Juvénal, refeuilletant Horace,

Je ne ranime encor ma satirique audace?

Grands Aristarques de *** 1,

,

N'allez point de nouveau faire courir aux armes
Un athlète tout prêt à prendre son congé,
Qui, par vos traits malins au combat rengagé,
Peut encore aux rieurs faire verser des larmes.
Apprenez un mot de Regnier2

Notre célèbre devancier :

Corsaires attaquant corsaires

Ne font pas, dit-il, leurs affaires.

XXXV. Épigramme, ou Réponse à deux RR. PP. CC. qui avaient dit que la raison pour laquelle mon Épître de l'Amour de Dieu n'était pas de la force de mes autres écrits, c'est que je n'avais rien trouvé sur cette matière dans Horace, dans Perse, ni dans Juvénal.

Non, pour montrer que Dieu veut être aimé de nous, Je n'ai rien emprunté de Perse ni d'Horace,

Et je n'ai point suivi Juvénal à la trace.

Car, bien qu'en leurs écrits ces auteurs, mieux que vous,

1 Trevoux. (BR.)

2 Vers de Regnier. (BOIL.) Regnier finit ainsi sa satire XII :

Corsaires à corsaires

L'un l'autre s'attaquant, ne font pas leurs affaires.

Attaquent les erreurs dont nos âmes sont ivres,

La nécessité d'aimer Dieu

Ne s'y trouve jamais prêchée en aucun lieu,
Mes pères, non plus qu'en vos livres.

XXXVI. Aux révérends pères de sur le livre des Flagellants, composé par mon frère le docteur de Sorbonne.

Non, le livre des Flagellants

N'a jamais condamné, lisez-le bien, mes pères,
Ces rigidités salutaires,

Que, pour ravir le ciel, saintement violents,
Exercent sur leur corps tant de chrétiens austères.
Il blâme seulement cet abus odieux

D'étaler et d'offrir aux yeux

Ce que leur doit toujours cacher la bienséance;
Et combat vivement la fausse piété,

Qui, sous couleur d'éteindre en nous la volupté,
Par l'austérité même et par la pénitence,
Sait allumer le feu de la lubricité3.

XXXVII. L'amateur d'horloges'.

Sans cesse autour de six pendules,
De deux montres, de trois cadrans,
Lubin, depuis trente et quatre ans,
Occupe ses soins ridicules.

Les jésuites de Trévoux avaient critiqué l'Historia Flagellantium du chanoine Boileau, frère de l'auteur. (ST.-S.)

2 Var. Et ne saurait souffrir...

3 Le mot lubricité est défendu par Boileau dans sa lettre de novembre 1703, où il ajoute qu'il n'a jamais fait quatre vers plus sonores que les vers 9 à 12 de cette épigramme ( dans la lettre du 7 du même mois, il dit qu'elle n'est pas si bonne que le n° xxxv). (B.-ST.-PR. )

⚫ Cet amateur était un allié de Boileau, nommé Targas. (BR.)

Mais à ce métier, s'il vous plaît,

A-t-il acquis quelque science?

Sans doute; et c'est l'homme de France

Qui sait le mieux l'heure qu'il est.

XXXVIII. Contre Mauroi.

Qui ne hait point tes vers, ridicule Mauroi,
Pourrait bien, pour sa peine, aimer ceux de Fourcroi.

D'UN PROLOGUE D'OPÉRA.

AVERTISSEMENT AU LECTEUR.

I

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sa sœur, lasses des

Madame de M** et madame de T** opéras de M. Quinault, proposèrent au roi d'en faire faire un par M. Racine, qui s'engagea assez légèrement à leur donner cette satisfaction, ne songeant pas dans ce moment-là à une chose, dont il était plusieurs fois convenu avec moi, qu'on ne peut jamais faire un bon opéra, parce que la musique ne saurait narrer; que les passions n'y peuvent être peintes dans toute l'étendue qu'elles demandent; que d'ailleurs elle ne saurait souvent mettre en chant les expressions vraiment sublimes et courageuses. C'est ce que je lui représentai, quand il me déclara son engagement; et il m'avoua que j'avais raison; mais il était trop avancé pour reculer. Il commença dès lors en effet un opéra, dont le sujet était la chute de Phaéton. Il en fit même quelques vers qu'il récita au roi, qui en parut content. Mais comme M. Racine n'entreprenait cet ouvrage qu'à regret, il me témoigna résolument qu'il ne l'achèverait point que je n'y travaillasse avec lui, et me déclara avant tout qu'il fallait que j'en composasse le prologue. J'eus beau lui représenter mon peu de talent pour ces sortes d'ouvrages, et que je n'avais jamais fait de vers d'amourette, il persista dans sa résolution, et me dit qu'il me le ferait ordonner par le roi. Je songeai donc en moi-même à voir de quoi je serais capable, en cas que je fusse absolument obligé de travailler à un ouvrage si opposé à mon génie et à mon inclina

'Texte de 1713. Les noms (Montespan et Thianges) ont été mis par Brossette et d'autres éditeurs.

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