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La pièce n'est pas si publique.
Il faut compter, dit le marchand,
Tout est encor dans ma boutique.

VI. Sur l'Agésilas de P. Corneille '.

J'ai vu l'Agésilas,

Hélas!

VII. Sur l'Attila du même.

Après l'Agésilas,

Hélas!

Mais après l'Attila,
Hola !

' Ces deux mots hélas! et holà! caractérisent les deux pièces de Corneille. Le premier exprime presque le mépris, le second exprime presque l'étonnement. Il semble que Corneille se soit relevé. Et, en effet, il y a de grandes scènes et que Corneille seul pouvait faire dans Attila. Si cette pièce eût paru avant le Cid, elle eût aussi fait sa révolution.

On est depuis si longtemps habitué à regarder l'épigramme de Boileau comme dirigée contre l'Attila, que nous n'espérons guère faire prévaloir notre sentiment. Cependant qu'on se rappelle ces vers de la Sat. IX: Tous les jours à la cour un sot de qualité Peut juger de travers avec impunité...

Un clerc pour quinze sols, sans craindre le holà,
Peut aller au parterre attaquer Attila !

Ici évidemment le clerc qui attaque Attila est assimilé au sot qui juge de travers. On ne l'arrêtera pas; on ne criera pas holà, halte-là, parce qu'il a le droit de siffler pour ses quinze sols. Voilà le sens de ces vers, qui, suivant nous, sont le commentaire obligé de la double épigramme de Boileau. Au reste, Boileau lui-même, à propos de ces deux épigrammes, s'est plaint du peu d'intelligence de ses lecteurs : « Les faux critiques, << disait-il, se sont fort révoltés contre cette petite badinerie faute de « savoir qu'il y a un sentiment renfermé dans ces deux mots.. » Les faux critiques étaient ceux qui accusaient Boileau de juger Corneille avec trop de sévérité; le sentiment était l'acte de bienveillance, presque d'admiration, exprimée dans la seconde épigramme. Et s'il faut en

VIII. A M. Racine'.

Racine, plains ma destinée :
C'est demain la triste journée
Où le prophète Desmarais *,
Armé de cette même foudre
Qui mit le Port-Royal en poudre3,
Va me percer de mille traits.

C'en est fait! mon heure est venue.
Non que ma muse, soutenue
De tes judicieux avis,

N'ait assez de quoi le confondre :

Mais, cher ami, pour lui répondre,
Hélas! il faut lire Clovis *.

IX. A un médecin ".

Oui, j'ai dit dans mes vers qu'un célèbre assassin,
Laissant de Galien la science infertile,

D'ignorant médecin devint maçon habile":

croire l'auteur du Bolæana, Corneille lui-même ne s'y trompa point. (Voyez Bolæana, XXIV.)

' En 1674, Desmarets de Saint-Sorlin entreprit une critique générale des OEuvres de Boileau. Notre poëte, qui en fut averti, prévint la critique par cette épigramme. (BR.)

" Dans ses Délices de l'esprit, il disait fort sérieusement que Dieu, par sa bonté infinie, lui avait envoyé la clef du trésor de l'Apocalypse. Dans son Avis au Saint-Esprit, il assurait que Dieu l'avait destiné à faire une réformation générale du genre humain, et que pour cet effet il levait une armée de cent quarante-quatre mille victimes dévouées à tout faire et à tout souffrir selon ses ordres. Nicole fit voir le ridicule de toutes ces prophéties dans huit lettres intitulées les Visionnaires. (BR.)

3 Desmarets avait publié, en 1665, un ouvrage contre les religieuses de Port-Royal. (Br.)

• Poëme de Desmarets, ennuyeux à la mort. (BOIL.)

Claude Perrault.

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Mais de parler de vous je n'eus jamais dessein,
Lubin, ma muse est trop correcte;
Vous êtes, je l'avoue, ignorant médecin,
Mais non pas habile architecte.

X. Contre Linière'.

Linière apporte de Senlis

Tous les mois trois couplets impies.
A quiconque en veut dans Paris,
Il en présente des copies :

Mais ses couplets, tout pleins d'ennui,

Seront brûlés même avant lui.

XI. Sur une satire très-mauvaise que l'abbé Cotin avait faite, et qu'il faisait courir sous mon nom.

En vain par mille et mille outrages
Mes ennemis, dans leurs ouvrages,
Ont cru me rendre affreux aux yeux de l'univers.

Cotin, pour décrier mon style,

A pris un chemin plus facile :
C'est de m'attribuer ses vers.

XII. Contre Cotin2.

A quoi bon tant d'efforts, de larmes et de cris,
Cotin, pour faire ôter ton nom de mes ouvrages?
Si tu veux du public éviter les outrages,

Fais effacer ton nom de tes propres écrits.

'C'est une réponse à des couplets faits par Linière. (B.-ST.-PR.) 2 Cette épigramme fut originairement faite contre Quinault, parce qu'il avait imploré l'autorité du roi pour faire ôter son nom des satires de l'auteur. Ses sollicitations n'ayant eu aucun succès, il rechercha l'amitié de Boileau, qui mit Cotin à la place de Quinault. (BR. )

XIII. Contre un athée '.

Alidor, assis dans sa chaise',
Médisant du ciel à son aise,
Peut bien médire aussi de moi.
Je ris de ses discours frivoles :
On sait fort bien que ses paroles
Ne sont pas articles de foi.

XIV. Vers en style de Chapelain, pour mettre à la fin de son poëme de la Pucelle.

Maudit soit l'auteur dur, dont l'apre et rude verve,
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve;
Et, de son lourd marteau martelant le bon sens3,
A fait de méchants vers douze fois douze cents.

XV. Le débiteur reconnaissant.

Je l'assistai dans l'indigence;
Il ne me rendit jamais rien.
Mais, quoiqu'il me dût tout son bien,
Sans peine il souffrait ma présence*.
Oh! la rare reconnaissance!

1 Saint-Pavin.

2 Il était tellement goutteux qu'il ne pouvait marcher. (BOIL.)

3 Boileau ayant dit ce quatrain à M. le président de Lamoignon, celui-ci envoya querir un exemplaire de la Pucelle. Il écrivit ces quatre vers sur le premier feuillet du livre, et le renvoya. (BR.)

La Pucelle a douze livres, chacun de douze cents vers. (BOIL.) Boileau, pour en mieux faire sentir la dureté, chantait ce quatrain sur l'air d'une chanson fort tendre d'un ballet de la Naissance de Vénus:

Rochers, vous êtes sourds; vous n'avez rien de tendre! (BR.)

› M. Patru, pressé par un créancier impitoyable, était sur le point de vendre ses livres, la seule chose qui lui restait. Boileau le tira d'em

XVI. A MM. Pradon et Bonnecorse, qui firent en même temps paraître contre moi chacun un volume d'injures.

Venez, Pradon et Bonnecorse,
Grands écrivains de même force,
De vos vers recevoir le prix;
Venez prendre dans mes écrits
La place que vos noms demandent:
Linière et Perrin vous attendent.

XVII. A la fontaine de Bourbon, où l'auteur était allé prendre les eaux, et où il trouva un poëte médiocre qui lui montra des vers de sa façon. (Il s'adresse à la fontaine) :

Oui, vous pouvez chasser l'humeur apoplectique,
Rendre le mouvement au corps paralytique.

Et guérir tous les maux les plus invétérés ;
Mais quand je lis ces vers par votre onde inspirés,
Il me paraît, admirable fontaine,

Que vous n'eûtes jamais la vertu d'Hippocrène.

barras en lui portant une somme plus considérable que celle pour laquelle il était résolu de donner ses livres ; il voulut même que Patru conservât sa bibliothèque, et ne l'avoir, lui, qu'en survivance. Il déboursa ainsi plus de quatre mille livres à une époque où sa fortune était très-modique, mais il sauva son ami, l'ami prompt à censurer. (BR.) SaintMarc dit que Boileau aurait dû supprimer le cinquième vers : nous lui répondrons, avec M. Daunou, « que ce vers exprime une vérité impor<< tante. C'est une reconnaissance bien rare, en effet, que de souffrir sans « peine la présence d'un bienfaiteur. Les francs et parfaits ingrats en « sont incapables. Il y a une ingratitude qui consiste moins à oublier les << bienfaits qu'à s'en trop souvenir, et à en garder le ressentiment comme « d'une injure. » (B.-St.-Pr. )

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