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XXVIII. Vers pour mettre au-devant de la Macarise, roman allégorique de l'abbé d'Aubignac, où l'on expliquait toute la morale des stoiciens.

Lâches partisans d'Épicure,

Qui, brûlant d'une flamme impure, Du Portique fameux fuyez l'austérité, Souffrez qu'enfin la raison vous éclaire. Ce roman plein de vérité,

Dans la vertu la plus sévère

Vous peut faire aujourd'hui trouver la volupté.

XXIX. Fable d'Ésope. Le Bûcheron et la Mort.

Le dos chargé de bois, et le corps tout en eau,
Un pauvre bûcheron, dans l'extrême vieillesse,
Marchait en haletant de peine et de détresse.
Enfin, las de souffrir, jetant là son fardeau,
Plutôt que de s'en voir accablé de nouveau,
Il souhaite la Mort, et cent fois il l'appelle.
La Mort vint à la fin: Que veux-tu ? cria-t-elle.
Qui? moi! dit-il alors, prompt à se corriger :
Que tu m'aides à me charger.

XXX. Sur Homère.

Ἤειδον μὲν ἐγών, ἐχάρασσε δὲ θεῖος Όμηρος'.

Cantabam quidem ego, scribebat autem dius Homerus.

Quand la dernière fois, dans le sacré vallon,
La troupe des neuf Sœurs, par l'ordre d'Apollon,
Lut l'Iliade et l'Odyssée,

Chacune à les louer se montrant empressée,

rapport de Brossette: « Quand je mourrai, je veux la léguer à M. de «Benserade elle lui appartient de droit, j'entends pour le style. » (B.-ST.-PR.)

:

Vers grec de l'Anthologie. (BOIL.)

Apprenez un secret qu'ignore l'univers,
Leur dit alors le dieu des vers:

Jadis avec Homère, aux rives du Permesse,

Dans ce bois de lauriers où seul il me suivait,
Je les fis toutes deux plein d'une douce ivresse :
Je chantais, Homère écrivait.

XXXI. Plainte contre les Tuileries.

Agréables jardins, où les Zéphyrs et Flore
Se trouvent tous les jours au lever de l'aurore;
Lieux charmants, qui pouvez dans vos sombres réduits
Des plus tristes amants adoucir les ennuis,
Cessez de rappeler dans mon âme insensée

De mon premier bonheur la gloire enfin passée.
Ce fut, je m'en souviens, dans cet antique bois
Que Philis m'apparut pour la première fois;
C'est ici que souvent, dissipant mes alarmes,
Elle arrêtait d'un mot mes soupirs et mes larmes;
Et que, me regardant d'un œil si gracieux,
Elle m'offrait le ciel ouvert dans ses beaux yeux.
Aujourd'hui cependant, injustes que vous êtes,
Je sais qu'à mes rivaux vous prêtez vos retraites,
Et qu'avec elle assis sur vos tapis de fleurs,
Ils triomphent contents de mes vaines douleurs.
Allez, jardins dressés par une main fatale,
Tristes enfants de l'art du malheureux Dédale,
Vos bois, jadis pour moi si charmants et si beaux,
Ne sont plus qu'un désert, refuge de corbeaux,
Qu'un séjour infernal, où cent mille vipères,
Tous les jours en naissant, assassinent leurs mères.

XXXII. Sur le comte de Grammont.

Fait d'un plus pur limon, Grammont à son printemps
N'a point vu succéder l'hiver de la vieillesse;
La cour le voit encor brillant, plein de noblesse,
Dire les plus fins mots du temps,
Effacer ses rivaux auprès d'une maîtresse ;
Sa course n'est au fond qu'une longue jeunesse,
Qu'il a déjà poussée à deux fois quarante ans.

XXXIII. Fragments du Chapelain décoiffé.

En cet affront La Serre est le tondeur,
Et le tondu père de la Pucelle...

Mille et mille papiers dont ta table est couverte
Semblent porter écrit le destin de ma perte1.

Ce sont les seuls vers de cette parodie que Boileau ait faits.

1. A Climène.

Tout me fait peine,
Et depuis un jour
Je crois, Climène,
Que j'ai de l'amour.
Cette nouvelle

Vous met en courroux!

Tout beau, cruelle;

Ce n'est pas pour vous.

II. A une demoiselle'.

Pensant à notre mariage,

Nous nous trompions très-lourdement :
Vous me croyiez fort opulent,

Et je vous croyais sage.

III. Sur une personne fort connue.

De six amants contents et non jaloux,
Qui tour à tour servaient madame Claude,
Le moins volage était Jean, son époux :

' J'ai été surpris de trouver, dans l'édition de 1713, une épigramme qui a pour titre : A une demoiselle, etc. Tous ceux qui ont connu un peu familièrement l'auteur savent qu'il n'a jamais songé au mariage, et n'en ignorent pas la raison. (L. RACINE.)

2 Cette épigramme fut faite dans une société de jeunes gens dont étaient Boileau et Racine, et fut l'ouvrage de la société. Boileau n'eut jamais ce style. (L. RACINE.)

Un jour pourtant, d'humeur un peu trop chaude,
Serrait de près sa servante aux yeux doux,
Lorsqu'un des six lui dit : Que faites-vous?
Le jeu n'est sûr avec cette ribaude :

Ah! voulez-vous, Jean-Jean, nous gâter tous?

IV. Sur un frère aîné que j'avais et avec qui j'étais brouillé '.

De mon frère, il est vrai, les écrits sont vantés;
Il a cent belles qualités:

Mais il n'a point pour moi d'affection sincère.
En lui je trouve un excellent auteur,
Un poëte agréable, un très-bon orateur :
Mais je n'y trouve point de frère.

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'Il s'agit de Gilles Boileau. Gilles Boileau ne cessait de décrier les ouvrages de son jeune frère. (BR.)

2 Orthographe de 1685 à 1713 : pour Saint-Sorlin. (B.-ST.-PR.) Le commencement était d'abord ainsi :

Hier, un certain personnage
Au Palais me voulut nier
Qu'autrefois Boileau le rentier
Sur Costar eût fait un ouvrage.
Il en a fait, etc.

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