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dans des calcaires liasiques, doit avoir une assez grande longueur de plusieurs kilomètres peut-être - sa puissance varie de om, 50 à 1,50. Le minerai (hématite rouge) est très pur. Malheureusement le gîte est défendu par de grandes difficultés d'accès; aussi l'exploitation n'en serait-elle guère lucrative aujourd'hui. On rapporte à l'époque romaine les travaux dont les traces subsistent.

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Nous passons entre deux monuments russes - l'un blanc, l'autre noir que nous avions déjà entrevus d'en bas. Dès le mois de juillet 1877, les Turcs avaient occupé Loftcha, malgré la résistance des habitants chrétiens soutenus par un faible détachement russe. Un coup de main de Skobeleff échoua; mais lorsque au mois d'août, le prince Charles de Roumanie eût reçu le commandement de l'aile droite opérant autour de Plevna, la possession de Loftcha devint indispensable. Le 2 septembre (21 août à la russe) les troupes du général Skobeleff s'en emparèrent après un combat meurtrier. Le surlendemain, une démonstration d'Osman-Pacha restait sans résultat.

La nature qui poursuit tranquillement son œuvre, sans prendre souci des querelles humaines, a garni de lilas les marges de la route. Ils poussent là en pleine liberté, et se mêlent à tous les buissons. Nous arrivons trop tard; la graine a déjà remplacé les fleurs.

Le cocher s'arrête pour laisser souffler ses chevaux; les deux jeunes n'ont jamais subi pareille épreuve et sont à demi fondus. J'avise près du han un beau spécimen de fille bulgare. Son costume a ceci

de nouveau pour nous, que la draperie de toile blanche, qui couvre la tête en débordant le front, s'arrondit audessus, en forme d'assiette. Une boucle en cuivre repoussé ferme la ceinture de laine ponceau qui fait plusieurs fois le tour de ses reins puissamment cambrés.

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La plaisanterie a un succès auquel je ne m'attendais pas. La belle fille rit pour montrer ses dents camarade (une fille laide) rit pour dissimuler son dépit -le handji rit par habitude un adolescent, à la physionomie stupide, rit pour faire comme tout le monde. De même le chien, mais il a l'air moins bête.

Mon compagnon gratifie d'une piécette d'argent la fille jolie qui salue en lui prenant la main, sur laquelle elle se penche sans la baiser. Le geste marque une nuance charmante entre la gratitude et la servilité. Je tends mon offrande à la fille laide. L'autre la réclame immédiatement pour elle, tandis que la disgraciée hésite à la recevoir, comme étonnée qu'il puisse lui arriver quelque chose d'agréable. N'y a-t-il pas une révélation des caractères dans les deux attitudes?- A tous les coins du monde, coexistent deux races : les heureux et... les autres.

Dans cette région, le maïs est en faveur; une cinquantaine de charrues, attelées de boeufs blancs, labourent activement. La brise balance, en un hamac suspendu aux branches d'un chêne, un enfant de quelques mois. On l'a placé à l'ombre tantôt, mais le soleil a

tourné et le rôtit comme un petit perdreau. L'innocent dort, à poings fermés, sous la garde d'un bouc aux soies traînantes. Son profil presque humain (je parle du bouc) et sa barbiche blanche lui donnent l'air d'un vieux pacha libidineux.

Une fois de plus, les coteaux se resserrent, la route s'accidente, et les arbres foisonnent. On m'avait dit la Bulgarie à la veille d'être complètement dénudée, et voilà que, depuis cinq jours, nous ne rencontrons que terrains boisés, taillis, futaies, jusque sur le sommet des montagnes. Il y a eu gaspillage, défaut d'exploitation intelligente, tout ce qu'on voudra, mais enfin le mal est loin d'être sans remède, et tous les éléments existent d'une régénération forestière des plus faciles. A l'inverse des autres peuples, enclins à surfaire les avantages de leur patrie, il semble que les Bulgares, dans leur frayeur maladive de l'envahissement étranger, s'étudient à médire du leur qui est charmant, et riche déjà. Comme l'on comprend que la Turquie ait eu du regret de se séparer d'une pareille

contrée !

Des familles de tourterelles et de geais bleus sont rangées sur l'unique fil du télégraphe. Est-ce qu'ils auraient lu le mirifique teskéré de Constantinople, qui était ainsi conçu : «< il est permis de chasser dans << toute l'étendue du territoire ottoman, excepté sur « les fils télégraphiques? »

Quoique nous n'ayons frôlé ni pope ni lièvre, la journée est maudite. Notre talika a de nouveau disparu. Nous stoppons.

L'heure et l'endroit sont à souhait. Les grillons

mènent un bruit de meeting; le coucou chante avec l'entrain du moins heureux des trois et, sur les points d'orgue du rossignol, s'enlève le cri saccadé des cailles fraîchement débarquées dans les blés et les seigles verts. A dix kilomètres en avant, Selvi, (en bulgare Sevlievo) n'est encore qu'une masse bleue, scintillante de feux mobiles qu'allume le soleil près de s'éclipser. Les laboureurs turcs quittent les champs et s'acheminent vers le village voisin d'Akendjilar; la mosquée, restée debout, semble les convier au repos. Les charrues sont abandonnées, le timon en l'air; personne n'y touchera. En Bulgarie, l'honnêteté est générale comme dans une grande partie de l'Orient. Nos caisses passent la nuit dans la cour des hans, on oublie de fermer les chambres; rien ne manque.

Au bout d'une demi-heure, nous rebroussons chemin, contrairement à l'avis des chevaux qui sentaient l'écurie. La talika finit par se retrouver marchant au petit pas. Le moyeu d'une roue s'est fendu, et en dépit de son adroit rafistolage, Méhémet aura quelque peine à se traîner jusqu'à Selvi. Nous cueillons Dimitri, sur qui repose l'espoir du souper, et nous.

virons de bord.

Après avoir salué les villages de Kourmentchik et de Rana, en partie turcs si on en juge par le bon état des mosquées, nous prenons les grandes allures, et nous touchons Selvi à la nuit tombante.

A l'entrée du han, je suis étonné de m'entendre appeler par mon nom, et je tombe dans les bras de M. T..., un jeune député que j'ai eu l'occasion de rencontrer à Sofia. Nous brusquons un peu la recon

naissance pour procéder à notre installation qui, malgré les charmes d'une propreté suffisante, me prépare une abominable nuit. Indépendamment des animaux de la basse-cour, les êtres sans plumes se livrent à une débauche de bruits aussi variés, qu'impuissants à couvrir les cris d'un sourd-muet chargé des élégantes fonctions de valet d'écurie.

A onze heures et demie, des voix rauques entonnent un choeur slave. Marseille la douceur même

sort de son lit, et parlemente avec la femme du handji. La musique se tait. On n'en perçoit que mieux les heurts du billard et les discussions du café d'en face. La fatigue allait l'emporter, lorsque deux indigènes viennent s'établir sur la galerie, près de la fenêtre à laquelle mon lit s'appuie. Leur conversation, entrecoupée de chant et de bière, menace de se prolonger. Je cogne, ils rient; je hurle, ils se pâment. N'ayant pas la ressource de les injurier dans leur langue natale, je rallume ma lampe et je lis. Lorsqu'ils déguerpissent, et que j'espère avoir conquis le droit de m'assoupir, c'est pour être livré aux bêtes.

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