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Au bout de cent soixante ans, les Bulgares se réveillèrent à la voix des deux frères Jean et Pierre Asen. Le premier monta en 1186 sur le trône restauré et fit de Tirnovo sa capitale. Il eut pour successeurs son frère Pierre qui régna quelques mois, et son frère Kalojan dont les dix ans de pouvoir furent illustrés par des victoires et d'habiles négociations. Les trois premiers princes de la dynastie des Asénides périrent assassinés, et le quatrième, Jean Asen II, ne reconquit qu'au prix de onze années de lutte le sceptre disputé par un usurpateur. Son règne marqua l'apogée de la prospérité bulgare et lui valut l'honneur de prendre place dans les souvenirs du peuple, à côté du tzar Siméon. Il se montra aussi grand dans la paix qu'heureux dans la guerre, dota Tirnovo d'églises et de palais, protégea les monastères, encouragea l'industrie, fit reconnaître par le Synode œcuménique l'autonomie religieuse de la Communauté bulgare, s'assura par le mariage de ses filles des alliances utiles, et laissa à son fils Michel une situation qui semblait inébranlable, mais que celui-ci ne sut pourtant pas défendre. Avec Michel, finit, en 1257, la dynastie des Asén.

Dès lors, l'anarchie s'abattit sur le pays et, pendant plus d'un siècle, l'histoire de la Bulgarie n'est plus qu'un enchaînement d'usurpations, de querelles entre prétendants d'origine koumane ou serbe, et de morcellements avant-coureurs de la ruine. Au moment où la mort du tzar de Serbie, Stéphane Douchan, renversa la seule barrière capable de résister aux envahissements des Turcs, il existait en Bulgarie

plusieurs princes indépendants. L'un d'eux, Jean Chichman, résidait à Tirnovo. C'est en vain qu'il essaye de lutter et de donner la main au Knèze Lazare. Pour empêcher la jonction des deux armées, le sultan Mourad attaque les Bulgares, Chichman vaincu devient le vassal du terrible Osmanli, et le Serbe Lazare, d'abord plus heureux, ne tarde pas à succomber dans la mémorable bataille de Kossovo.

Quatre ans plus tard, Bajézid prenait Tirnovo d'assaut et annexait la Bulgarie déjà tributaire.

Peu de temps après, le dernier effort de l'Europe coalisée contre l'invasion ottomane vint se briser à Nicopoli (1396), et les fils de Kroum perdirent tout espoir de salut. L'éclipse de leur liberté a duré près de cinq cents ans.

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La pé-
Si-

Les pré

Tirnovo (suite) continuation du cours d'histoire.
riode contemporaine. L'Assemblée des notables.
tuation générale du pays.· La Constitution.
tendants. L'élection de Souverain. — Arrivée du prince
Alexandre de Battenberg.

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A une époque récente, Tirnovo a retrouvé un regain de notoriété en inscrivant son nom sur la première page des annales de la Principauté. C'est, en effet, dans cette ville que s'ouvrit, le 22 février 1879, l'Assemblée des notables bulgares, chargée d'élaborer le Statut organique et la Loi, préliminaire obligé de l'élection d'un souverain.

Après la guerre, le prince Dondoukoff-Korsakoff avait été investi, à titre de commissaire impérial, des pouvoirs nécessaires pour administrer la Bulgarie pendant la période d'occupation des troupes russes, sous le contrôle d'agents délégués par les puissances signataires du traité de Berlin. Le moment était venu de résigner son mandat entre les mains d'un gouvernement régulier, et de remplacer l'administration provisoire du pays par un état de choses définitif.

L'Assemblée des notables présentait un beau spécimen d'éclectisme. Elle se composait de membres du haut clergé bulgare, d'un député du monastère de Rilo, de l'évêque de Varna, du mufti de Viddin, du grand rabbin de Sofia, de fonctionnaires de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, de représentants élus et de membres choisis par le commissaire impérial parmi les chrétiens et les musulmans. Elle comprenait même des députés de comités établis, à Odessa et à Vienne, dans un but de propagande bulgare.

On se rend aisément compte de l'émotion d'un peuple renaissant de ses cendres après une mort de plusieurs siècles, à cette première manifestation de sa vie nationale. La fin de la domination ottomane avait été le signal du retour de nombreux émigrés qui, depuis de longues années, vivaient en exil. Presque tous furent appelés à l'Assemblée des notables. A côté d'eux, se pressaient des paysans couverts de leur peau de mouton, des popes aux longs cheveux, et une enquête sévère aurait discuté plus d'un député étranger aux districts de la Principauté découpée, par les ciseaux du Congrès de Berlin, dans la grande Bulgarie du traité de San-Stefano.

La réunion eut lieu au Konak turc dont on a fait la préfecture actuelle. A son entrée dans la salle, le prince Dondoukoff-Korsakoff fut acclamé. Il reçut la bénédiction du métropolitain de Viddin, doyen du clergé bulgare, et prononça un discours suivi d'applaudissements frénétiques.

L'enthousiasme est contagieux. Le mufti et le

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grand rabbin, fournirent la preuve de cette vérité en
se laissant entraîner au Te Deum d'actions de grâces
chanté dans l'église orthodoxe. Il est des heures où
l'homme éprouve le besoin de lâcher ses préjugés,
ses méfiances et ses haines, pour s'abandonner au
grand courant de charité qui passe. Des esprits cha-
grins, mais clairvoyants, ont calculé que ces heures-là
sont toujours plus courtes que les autres.

Au Te Deum succéda un banquet. Le commissaire impérial, les députés, et M. Palgrave, consul d'Angleterre, parlant au nom des délégués européens, échangèrent les toasts les plus sympathiques. La fin de la journée fut remplie par des ovations au prince russe, aux représentants étrangers, aux autorités, et l'Officiel aurait pu imprimer : «< tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ».

Le lendemain, l'ère des difficultés commençait.

Au fond, la situation était très complexe : dans le sang des Russes vainqueurs germèrent des espérances que les négociations de San-Stefano avaient encore exagérées, en attribuant à la future principauté la Macédoine. Le traité de Berlin fut donc une déception d'autant plus cruelle que les Turcs, délivrés de la frayeur de tout perdre, alourdissaient, sur ce qui restait, le poids de leur autorité. Les réquisitions de l'armée ottomane, qui comptait encore de nombreux bataillons en Macédoine, les incursions des Bachi-bouzouks à l'intérieur, des Klephtes et des Albanais aux frontières, la dévastation et l'incendie des villages, le massacre des habitants, l'affluence des émigrés turcs, l'insuffisance des récoltes, toutes les

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